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«Ouvrir le dialogue pendant qu’il en est encore temps»

Daniel de Roulet, "pour une confiance critique envers la science". Keystone Archive

Aux Etats-Unis, on nomme cela «Science War» (la guerre de la science). Le vieux débat entre ceux qui croient aveuglément aux bienfaits du «Progrès» et ceux qui cultivent un scepticisme tout aussi aveugle n'est pas mort. Comme l'explique son commissaire Daniel de Roulet, le Festival Science et Cité entend contribuer à désamorcer les tensions pendant qu'il en est encore temps.

L’idée remonte à 1998, époque de la votation sur l’initiative qui prétendait museler sévèrement la recherche en génie génétique. «Certains savants estimaient alors ne pas avoir de comptes à rendre à la société, se souvient Daniel de Roulet. Mais ils se sont rendu compte que si l’initiative passait, ils perdraient leur job et n’auraient d’autre solution que de s’expatrier pour poursuivre leurs recherches. Ils sont donc descendus dans la rue, ce qui ne s’était jamais vu».

«Nous avons alors décidé de faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard», poursuit le commissaire de Science et Cité. Les initiateurs du Festival ne voulaient pas attendre la prochaine catastrophe scientifique ou industrielle pour engager le dialogue. Car face à l’émotion que peut susciter un drame comme Tchernobyl, Bhopal ou l’explosion de la navette spatiale, plus personne n’est en mesure de discuter sereinement.

Science et Cité ne se veut pas une campagne d’information de plus sur la science, mais bien une vraie occasion de dialogue. Lorsque l’on parle de leurs disciplines, les scientifiques ont en effet trop facilement tendance à prendre le public de haut et à considérer qu’ils sont les seuls à pouvoir en débattre de manière autorisée.

Le Festival ne sera pas non plus une opération de relations publiques en faveur du monde scientifique. Loin de la croyance aveugle en une science qui permettra à l’homme de s’affranchir de toutes les contraintes de la nature, il s’agit bien plus, selon la formule de Daniel de Roulet, de susciter une «confiance critique» de la part du public.

«Aujourd’hui, 35% des jeunes Suisses estiment que la science fait plus de mal que de bien, note encore Daniel de Roulet. Et ce n’est pas forcément la partie la moins intéressante de notre jeunesse. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre encore des cerveaux qui pourraient contribuer – même de manière critique – au développement de la science».

Pour que science et cité puissent dialoguer, il importe également que toutes deux parlent le même langage. Les organisateurs du Festival ont commencé par imposer que les manifestations se tiennent dans la langue de la région où elles ont lieu. On évitera ainsi l’anglais, devenu la langue de communication par excellence entre scientifiques.

Le jargon incompréhensible du grand public sera également banni. «Même une demande ou une question formulée en termes non-scientifiques doit recevoir une réponse, promet Daniel de Roulet. Et nous exigeons des savants qu’ils s’adressent au public dans un langage qui reste compréhensible de tous».

Marc-André Miserez

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