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“Une cinquantaine” de paradis fiscaux visés par l’Union européenne

Pierre Moscovici (au centre) en pleine tractation mardi à Bruxelles KEYSTONE/EPA/STEPHANIE LECOCQ sda-ats

(Keystone-ATS) Une “cinquantaine de pays” sont dans le viseur de l’UE en vue d’une future liste noire des paradis fiscaux dans le monde, a déclaré mardi le commissaire européen aux Affaires économiques et financières. Cette liste ne porterait que sur des pays hors Union européenne.

Les ministres des Finances de l’UE se retrouvaient mardi à Bruxelles pour discuter de ce projet, à l’étude depuis des mois, alors que de nouvelles révélations, les “Paradise Papers”, jettent une lumière crue sur le monde opaque des investissements dans les paradis fiscaux. “Les débats d’aujourd’hui ont permis de rapprocher les points de vue. Nous espérons pouvoir adopter la liste en décembre”, a affirmé le ministre estonien des Finances, Toomas Toniste, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE.

Les “Paradise Papers”, “c’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle”, a estimé de son côté le commissaire européen aux Affaires économiques et financières Pierre Moscovici sur France Inter.

“C’est une mauvaise nouvelle parce que ça montre qu’il y a encore des comportements de particuliers aisés ou d’entreprises qui sont prêts à tout pour ne pas payer d’impôts. C’est aussi une bonne nouvelle parce que ça pousse l’opinion publique à se mobiliser et les décideurs publics à aller encore plus vite”, a-t-il expliqué.

Plus tard dans la journée à Bruxelles, il a appelé l’UE à publier cette année encore une liste noire de paradis fiscaux “consistante et à la hauteur” et a prévenu que cette liste, en gestation depuis près d’un an et demi, devait être assortie de “sanctions appropriées”.

Pour vaincre les réticences de pays membres de l’UE comme le Luxembourg, Malte et l’Irlande, qui développent une politique fiscale attractive, cette liste ne porterait que sur des pays hors UE.

Elle pourrait être finalisée lors d’une prochaine rencontre des ministres des Finances de l’UE le 5 décembre. Bruxelles a pour l’instant envoyé des lettres à une soixantaine de pays, dont la Suisse, leur demandant de s’engager à faire des réformes, sans quoi elle pourrait les inscrire sur cette liste. Les pays concernés ont jusqu’au 18 novembre pour répondre, selon une source diplomatique.

Le ministre de l’économie Johann Schneider-Ammann a déjà fait savoir mardi par voie de presse que la Suisse ne figurera pas sur la liste.

Crédibilité en jeu

“Nous sommes en train de ‘screener’, d’examiner la situation d’une cinquantaine de pays. Il n’y en aura pas 50 à la fin, mais je souhaite que la liste soit extrêmement crédible”, a encore précisé mardi le commissaire européen.

“Une autre institution que nous, qui s’appelle l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, ndlr), a sorti une liste avec un seul paradis fiscal, Trinité-et-Tobago, ce n’est pas sérieux, il faut qu’il y en ait plus”, a-t-il ajouté.

Interrogé par ailleurs par Radio France, Pierre Moscovici a indiqué que l’île de Man suscite l’attention de l’UE. Cette île de la mer d’Irlande proche du Royaume-Uni est l’un des centres financiers offshore les plus actifs mis en cause dans les “Paradise Papers”

Divergences sur les sanctions

Concernant les sanctions à adopter, les avis divergent. Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a proposé à ses pairs que “les Etats n’apportant pas d’informations nécessaires pour lutter contre l’évasion fiscale n’aient plus accès au financement des grands organismes internationaux comme le FMI ou la Banque mondiale”.

Mais son homologue luxembourgeois, Pierre Gramegna, a clairement affiché ses réticences quant à d’éventuelles sanctions. “Le fait de figurer sur une liste noire est une sanction déjà extrêmement forte qu’il ne faut pas sous-estimer”, a-t-il dit à la fin de la réunion.

Intermédiaires aussi visés

“Nous devons aussi faire en sorte que les intermédiaires, ceux qui aident à ce que cela se passe, se sentent responsables”, a pour sa part déclaré mardi la Commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, lors d’un salon technologique à Lisbonne.

Selon les calculs effectués pour le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) par l’économiste Gabriel Zucman, professeur à l’université de Berkeley, en Californie, les pratiques des entreprises et des grandes fortunes entraîneraient chaque année près de 350 milliards d’euros de pertes fiscales dans le monde.

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