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1ère visite officielle d’un président algérien

En 1999, c'est Joseph Deiss (à g.) qui avait rendu visite à Abdelaziz Bouteflika en Algérie. Keystone Archive

La signature d’un accord de soutien aux investissements a été le point fort de la visite officielle, mardi à Berne, d'Abdelaziz Bouteflika.

L’occasion pour Amnesty International (AI) de rappeller que la torture et les violations des droits de l’homme sont encore monnaie courante en Algérie.

C’est la première visite officielle d’un chef d’Etat algérien en Suisse depuis l’indépendance du pays en 1962. Suisses et Algériens sont d’accord pour dire que cette étape marquera un tournant dans la coopération économique entre les deux pays.

Et cela même si les relations entre les deux pays remontent à la guerre d’indépendance menée contre la colonisation française (1954-1962). En effet, la Suisse a joué un rôle important dans le processus de négociations qui a mené à la signature des accords d’Evian (18 mars 1962).

Les deux partenaires ont, cette fois, paraphé un accord-cadre de soutien aux investissements. Et, un plan de coopération dans les domaines de la recherche et de la formation professionnelle va être mis en chantier.

Priorité à l’économie

Cette visite a une signification politique particulière pour l’Algérie. «Elle prouve que les relations de confiance et d’amitié qui existent depuis la guerre de libération sont solides et elle permet d’exprimer notre reconnaissance, au gouvernement et au peuple suisse, pour le rôle joué durant ces années-là», affirme l’ambassadeur d’Algérie en Suisse, Kamel Houhou.

Les deux pays ont à cœur le développement des relations économiques. Dès la moitié des années 90, les autorités algériennes ont entrepris une politique de réforme structurelle et de libéralisation du marché. De nouvelles perspectives sont ainsi offertes aux investisseurs.

L’anneau manquant

Le point fort de la visite du président Bouteflika en Suisse a été la signature, avec le président de la Confédération Joseph Deiss, d’un accord-cadre sur la protection et la promotion des investissements.

Cet accord doit donner des garanties supplémentaires aux entreprises suisses en Algérie. Les principales dispositions concernent le traitement des investissements étrangers, le transfert des revenus de l’investissement et autres paiements en rapport avec celui-ci, le rapatriement du capital, l’indemnisation en cas d’expropriation et les procédures de règlement des différents.

A en croire l’ambassadeur Jörg Reding du Secrétariat d’état à l’économie (seco), l’accord «facilitera les échanges entre les entrepreneurs des deux pays» et lancera, par la même occasion, un signal fort à l’économie suisse.

«La Suisse voit l’Algérie comme un partenaire commercial digne d’un grand intérêt au sein du bassin méditerranéen», souligne Jörg Reding.

Pour le porte-parole de l’Organisation patronale suisse economiesuisse, Florian Roduit, la signature de l’accord «répond à une des exigences fondamentales posées par les investisseurs et contribuera à donner un nouvel élan aux négociations pour l’entrée de l’Algérie dans l’Organisation mondiale du commerce ainsi qu’aux réformes souhaitées par le Fonds monétaire international (FMI)».

4 sur l’échelle des risques

Jusqu’ici, la Suisse a placé l’Algérie au quatrième rang d’une échelle qui évalue les risques pour les investisseurs sur la base d’un paramètre allant de un à sept.

Cette donnée est révélatrice dans les échanges commerciaux : en 2003, la Suisse a importé d’Algérie l’équivalent de 140 millions de francs dont 92% en hydrocarbures et énergie tandis que les exportations suisses n’ont pas dépassé 128 millions de francs dépensés essentiellement en voitures, produits pharmaceutiques et chimiques.

L’ambassadeur algérien à Berne admet qu’actuellement un cadre légal qui protège les investissements fait défaut. «Désormais, dit-il, les entreprises suisses pourront avoir davantage confiance dans notre pays.»

Outre les progrès politiques obtenus ces dernières années, l’ambassadeur Kamel Houhou met l’accent sur les immenses ressources monétaires dont dispose l’Algérie grâce à l’augmentation du prix du pétrole.

«Le gouvernement a décidé d’investir 50 milliards de dollars dans la relance de l’économie et la Suisse pourra participer au développement du pays», précise Kamel Houhou.

Recherche scientifique et formation



De son côté, le gouvernement suisse souligne que son rôle consiste avant tout à mettre au point un cadre légal qui facilite les échanges. Il appartient au secteur privé, affirme Berne, de se lancer à la découverte du marché algérien et cueillir ses potentialités de croissance.

Quant au gouvernement algérien, il table sur une amélioration de la coopération dans les domaines de la recherche scientifique et de la formation professionnelle.

L’ambassadeur Houhou affirme qu’un accord dans ce sens est en bonne voie de préparation et devrait être signé au début de 2005. Les principaux secteurs concernés sont la technologie de pointe et l’industrie de précision.

Par ailleurs, les deux parties voudraient aussi renverser une tendance qui se vérifie ces dernières années : «les étudiants algériens qui s’inscrivent dans les universités suisses sont toujours moins nombreux», déplore l’ambassadeur d’Algérie à Berne.

Or, lors de la guerre d’indépendance, la Suisse était devenue un refuge pour les étudiants algériens contraints d’abandonner la France. Ainsi, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a formé un grand nombre de cadres et d’ingénieurs algériens après la libération.

Banques et énergie

Pour la Suisse, l’Algérie est le troisième fournisseur de pétrole par ordre de grandeur, après la Libye et le Nigeria. Berne suit donc avec un grand intérêt les possibilités qui s’ouvrent dans ce secteur.

Des entreprises suisses comme ABB ont obtenu des mandats pour la rénovation des structures d’extraction du gaz de la compagnie algérienne Sonatrac ou du réseau local d’électricité.

Cependant, l’économie algérienne continue à souffrir des carences de son secteur bancaire qui devrait être réformé ou même privatisé comme d’aucuns, tel le FMI, le demandent. La venue à Berne du ministre algérien des finances devrait permettre d’aborder cette question.

Pas d’explications sur les milliers de disparus

Jürg Keller, porte-parole de la section suisse d’Amnesty International se dit satisfait de l’échange d’informations et des expériences lancées avec l’Algérie.

Cela dit, il rappelle que «les violations des droits de l’homme sont encore fréquentes. La torture est courante et le gouvernement algérien n’a jamais fourni d’explications sur le sort de milliers de disparus.»

«Normalement, avant une visite officielle, nous nous rencontrons avec les représentants du ministère des Affaires étrangères pour faire part de nos perplexités. Mais, cette fois-ci l’occasion ne nous en a pas été offerte», précise Jürg Keller.

L’ambassadeur Kamal Houhou rétorque que «le programme de la visite laisse la porte ouverte à n’importe quel type de réflexion». Pour sa part, il est convaincu que le dialogue suisso-algérien sera «direct, sincère et très amical.»

En fait, l’amitié entre la Suisse et l’Algérie et entre ses deux présidents, Joseph Deiss et Abdelaziz Bouteflika, remonte à un congrès et à une grande exposition sur Saint-Augustin qui s’étaient tenus en 2001 en Algérie.

Et c’est justement pour tirer profit de cette amitié qui les lie que les deux peuples désirent intensifier la coopération économique et les échanges culturels.

swissinfo, Mohammed Chérif
Traduction/adaptation de l’italien, Gemma d’Urso

Berne et Alger ont signé un accord sur la protection et la promotion des investissements.
L’Algérie est le troisième fournisseur de pétrole brut de la Suisse.
ABB, Bühler, Nestlé, Novartis, Sulzer et Roche sont bien implantés sur place.

– L’Algérie a obtenu son indépendance en 1962.

– L’interruption des élections législatives en 1992 a provoqué une guerre civile.

– Bilan de cette décennie noire: 200’000 morts, entre 10’000 et 20’000 disparus, 500’000 exilés, 1,5 millions de déplacés et des millions de traumatisés.

– Les ONG imputent les violences aux groupes islamistes ainsi qu’à l’armée et ses milices.

– Grâce à la flambée des prix du pétrole, l’Algérie dispose de réserves en devises faramineuses, sans aucun impact sur le chômage massif ni sur la misère grandissante de la population.

– Les récents classements de Transparency International rangent l’Algérie parmi les pays les plus atteints par la corruption.

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