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2009, année charnière pour le commerce de détail

Le vol des oiseaux serait-il de mauvais augure pour le commerce de détail? Les analystes du Credit Suisse tablent sur des bases plus scientifiques. Keystone

Dur retour sur terre pour le commerce de détail: après quatre ans d'expansion, la branche affichera au mieux des taux de croissance en fort ralentissement en 2009. Certains perdront même des plumes. Ce sont les analystes du Credit Suisse qui le disent.

«La fin de l’ivresse consumériste ?» C’est la question que posent les économistes du Credit Suisse (CS), qui ont présenté mercredi à Zurich leurs prévisions pour le commerce de détail en 2009. Sans vouloir «peindre le diable sur la muraille», les chercheurs prévoient un net ralentissement dans ce secteur.

Mais il s’agira davantage d’un «retour à la normale», car l’expansion enregistrée en termes de chiffres d’affaires (1,6% en moyenne par année pour toute la branche) est surtout à mettre sur le compte de l’augmentation des surfaces de vente.

En outre, les effets du ralentissement ne se font pas sentir d’un jour à l’autre, précisent les économistes. Le niveau de consommation ne réagit en effet pas de façon synchronisée au pessimisme sur la situation économique et les acheteurs ne se serrent pas automatiquement la ceinture.

Les prix devraient continuer à augmenter légèrement, ont encore expliqué les chercheurs. Mais là encore, les comportements d’achat ne suivent pas le niveau des prix. Ainsi, lorsque les denrées alimentaires augmentent de 1%, la demande ne recule que de 0,05% – ce qui ne surprend guère s’agissant d’alimentation.

«Mais acheter bon marché, chez les discounters ou dans les gammes de prix réduits, est désormais accepté dans toutes les couches de la population, y compris pour les fruits et légumes», affirme Martin Neff, économiste du CS.

Encore de la marge

«On ne peut quand même pas être surpris que les gens continuent à manger», s’exclame Mathieu Fleury, secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs (FRC), qui appelle de ses vœux de nouvelles baisses de prix.

Selon lui, la marge de manœuvre n’est pas épuisée. «Il n’y a pas assez de concurrence entre grands distributeurs, qui s’accordent toujours de très grandes marges entre l’achat et la vente, dénonce-t-il. Si Coop peut investir 100 millions pour baisser les prix, c’est qu’elle en a les moyens !»

Les économistes du CS de leur côté tablent sur une perte de parts de marché pour les grands distributeurs avec l’arrivée prochaine de Lidl et le développement continu d’Aldi, les deux hard-discounters allemands.

Les biens de longue durée (ameublement, voitures) seront les premiers à subir les effets du ralentissement de la consommation. L’habillement suivra. Les produits de grande consommation, de santé et de soins corporels connaîtront en revanche une progression.

Pertes d’emplois

Ce sont les petits commerces qui risquent de souffrir le plus, selon le CS, tant dans l’alimentaire que dans le non-alimentaire. Le nombre de points de vente avec alimentation a déjà été réduit de moitié ces 30 dernières années. L’arrivée des nouvelles chaînes ne compensera que légèrement le nombre d’emplois perdus.

Car les deux dernières années doivent être vues comme une exception pour le commerce de détail en Suisse. Après la disparition de 63’000 équivalents plein temps entre 1991 et 2006, la branche a recréé des places de travail, 7000 postes en 2007 et 2008.

Raison à cela: les nouvelles surfaces, qui ont poussé comme des champignons, de façon disproportionnée, selon les économistes du CS, par rapport à la progression du chiffre d’affaires.

1,6 m2 de magasin par habitant

Les économistes se sont livrés à une estimation pour en avoir le cœur net, car les données précises manquent: ils en concluent que, additionnées les unes aux autres, la Suisse compte 12 millions de m2 de surfaces d’achat, soit 1,6 m2 par habitant.

C’est la plus forte proportion en Europe «et probablement au monde», selon les chercheurs. La moyenne pour l’Union européenne est de 1,1 m2 par habitant.

Les économistes s’attendent à ce que «l’heure de vérité» sonne dans ce domaine. «L’idée d’attirer des acheteurs à la périphérie des centres urbains n’est pas concluante, selon Martin Neff. Ce qui compte, c’est la fréquence de passages considérés comme intangibles, comme dans une gare ou un aéroport.»

Optimisme forcé?

Malgré ces prévisions en demi-teintes, un sondage auprès de 90 acteurs de la branche commandé par la même étude du CS montre que 80% des détaillistes pensent augmenter leur chiffre d’affaires en 2009. Près de 60% entendent dépenser davantage pour leur frais de marketing.

«Cela relève certes un peu d’un optimisme forcé», admet Martin Neff. «Les acteurs de ce domaine ont intérêt à être proactifs, ou en d’autres termes, à utiliser la méthode Coué, note Mathieu Fleury: ils ont intérêt à ce que ce qu’ils disent se réalise…»

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

En matière de commerce de détail, il n’y a pas lieu de peindre le diable sur la muraille, selon les économistes du Credit Suisse (CS).

L’arrivée de quelque 100’000 immigrés en Suisse en 2008, souvent hautement qualifiés, va soutenir la consommation, pilier de la croissance économique.

En outre, la masse salariale globale moyenne devrait augmenter de 2,5% en 2009.

L’inflation en baisse et les réductions d’impôts (grâce aux allocations familiales notamment) devraient compenser la hausse des primes d’assurance maladie de 4% en moyenne et induire une hausse réelle du pouvoir d’achat.

Selon l’enquête trimestrielle du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), l’indice du climat de consommation a chuté à -27 points à fin octobre 2008, son point le plus bas depuis 5 ans.

Même en étant pessimiste sur l’évolution économique, les ménages ne réagissent pas immédiatement en freinant leurs dépenses.

De plus, la sécurité du travail est encore élevée, notent les chercheurs du CS.

Avec 1,6 m2 de surface de magasin par habitant, la Suisse compte une des densités de commerces les plus élevées au monde.

Les enseignes étrangères ont néanmoins pu s’implanter en Suisse, à l’exception de l’alimentation, où Migros et Coop rendent la vie dure à la concurrence. Migros a racheté Denner et Coop a repris Carrefour.

L’Allemand Aldi s’est néanmoins implanté en 2005. Il comptait fin décembre 2008 quelque 80 magasins en Suisse. L’arrivée de Lidl devrait se faire au premier semestre 2009, mais la chaîne ne donne jamais de date précise.

Les économistes du CS tablent sur une perte de parts de marché pour Coop et Migros.

Le commerce de détail comptait 244’000 postes à plein temps en 2008.

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