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Le Centre culturel suisse de Paris rêve de «performance»

A la tête du Centre depuis 2008, Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser ont de grands projets pour son 30e anniversaire. Eddy Mottaz

Pour son trentième anniversaire, le Centre culturel suisse de Paris prépare un grand livre-bilan. Et un festival centré sur la performance artistique. Portrait d’un lieu pluridisciplinaire.

Le Centre culturel suisse de ParisLien externe s’apprête à célébrer ses 30 ans d’existence. Pour l’heure, les projets d’anniversaire mûrissent dans les esprits féconds des deux codirecteurs, Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser.

«Il y aurait tant à faire, tant à dire sur ces 30 années foisonnantes, constate Olivier Kaeser. On va recenser dans un grand livre tout ce qui s’est passé dans cette maison.» Empilage? Bien plus que ça. «On trouvera aussi dans cet ouvrage le portrait de trente artistes helvétiques qui ont marqué l’histoire du CCSP. « Nous aurions pu en choisir soixante, mais il a bien fallu se limiter», se désole Olivier Kaeser, installé dans son bureau étroit et tout en hauteur, dans le calme Hôtel Poussepin, au cœur du quartier historique du Marais.

Nicolas Bouvier, Robert Frank, Christoph Marthaler, Thomas Hirschhorn, Ursula Meier et bien d’autres figures de la création suisse seront ainsi portraiturées par des auteurs savamment sélectionnés. «On a déjà reçu dix-sept textes», confie Kaeser un brin impatient, qui espère une publication avant fin 2015.

L’art contemporain d’abord

Les esprits critiques ou nostalgiques pointeront que cette liste n’est plus tout à fait représentative de ce qu’est devenu le Centre culturel suisse: un lieu très pointu dans l’art visuel contemporain, en architecture, design et graphisme. Mais plus dilettante pour ce qui est du théâtre ou de la littérature.

A voir actuellement au CCSP : les «mots/tableaux» de Rémy Zaugg. Simon Letellier/CCSP

«La perception du centre et de son histoire est presque clanique, note Olivier Kaeser. Les amateurs de théâtre et de littérature sont nostalgiques de l’ère Daniel Jeannet (directeur entre 1991 et 2002). Et ceux qui apprécient l’art contemporain préfèrent la période Michel Ritter (2002-2007). Jean-Paul Felley et moi venons de l’art visuel, mais on a complété nos «lacunes» depuis notre arrivée en 2007. La vocation pluridisciplinaire du centre s’en trouve confortée.»

La preuve, ce mercredi 25 mars. Dans la salle d’exposition jouxtant le bureau des directeurs, un hommage est rendu au plasticien Rémy ZauggLien externe, décédé il y a dix ans. Sur les murs blancs trônent ses fameux «mots/tableaux»: des petites toiles horizontales peintes d’une bonne couche de blanc puis d’un mot usuel en noir – «Rien», «Là», «Peut-être», etc. Révolutionnaire? Sûrement à l’époque, dans les années 1980, quand le Jurassien refondait les canons de la perception artistique. 

Le CCSP

Le Centre culturel suisse de Paris est situé 32-38 rue des Francs-BourgeoisLien externe, au cœur du quartier du Marais, dans l’Hôtel Poussepin.

 Il appartient à la Fondation suisse pour la culture Pro HelvetiaLien externe, dont le siège est à Zurich et qui est présidée par le Genevois Charles Beer. Avec un budget global d’environ 2 millions de francs le CCSP finance chaque année trois programmes pluridisciplinaires. 

Créé en 1985, il a d’abord été dirigé par Otto Ceresa (1986-1988). Walter Düggelin lui a succédé (1988-1990), puis Daniel Jeannet (1990-2002), Michel Ritter (2002-2007) et la paire Jean-Paul Felley-Olivier Kaeser.

Vive le néon!

Dans cette petite salle, les tableaux sont éclairés au néon. Zaugg aurait été ravi de cette lumière ordinaire, lui qui fulminait, dans la revue ‘L’Architecture d’aujourd’hui’: «Les musées présentent les œuvres de manière fétichiste. Il y en a que pour les objets, le sujet qui les perçoit ne compte pas. C’est pour cela que l’on met des spots et parfois des projecteurs à découpe qui illuminent l’œuvre. Le sujet percevant est rejeté dans une obscurité de salle de spectacle.»

Au CCS, le «percevant» se balade gaiement dans un espace délivré des spots. «N’oublions pas que la Suisse est pionnière dans l’éclairage neutre, rappelle l’historien d’art qu’est Olivier Kaeser. C’est chez nous, avant New York, qu’ont eu lieu les premières transformations d’espaces industriels en musées. À Bâle, en 1980, avec le Museum für Gegenwartskunst, puis à Schaffouse et son Hallen für Neue Kunst.»

Dans les autres salles d’exposition, l’artiste genevois Pierre VadiLien externe a installé son univers inquiétant et jaune, fait de meubles en bois inachevés, recouverts de résine.

Le soir, pour se changer les idées, le visiteur descendra dans la salle de spectacles pour voir Eric LinderLien externe, alias le chanteur Polar, inventer de nouvelles formes de passerelles artistiques. Mercredi, le musicien suisse faisait danser les chorégraphes Marthe Krummenacher et Perrine Valli, sur un gazon en forme de «huit».

L’art de la performance

Aucun doute: Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser s’inscrivent dans le créneau très «art contemporain» ouvert par le controversé Michel Ritter, décédé en 2007. Mais leur approche est plus sereine, la forme plus conviviale. Ils ont créé un journal, «Le PhareLien externe», d’une qualité remarquable. Entièrement transformée, la librairie, qui a pignon sur rue dans ce quartier ultra touristique du Marais, présente toutes les richesses de l’édition helvétique.

Prochaines expositions

Marc-Antoine Fehr, «Point de fuite», peinture, du 17 avril au 12 juillet.

Seline Baugartner, «Nothing Else», vidéo, du 17 avril au 24 mai.

Dominique Koch, installation, du 29 mai au 12 juillet.

Les deux codirecteurs ont un autre grand projet pour le 30e anniversaire. Une exposition/festival, intitulée PerformanceProcess. «On assiste aujourd’hui à un grand engouement pour les performances artistiques, constate Olivier Kaeser. La «Performa» à New York, la nouvelle section de la Tate Gallery de Londres, baptisée The Tanks, le Nouveau Festival du Centre Pompidou: partout, on s’intéresse à ces productions en «live» impliquant à la fois théâtre, danse et arts visuels.» Nouveau? «C’est vrai que Dada et le Cabaret Voltaire en 1913, c’était déjà en quelque sorte de la performance», note Kaeser.

On verra, parmi les invités «performeurs», l’artiste Gianni Motti subir les tours d’un magicien. Ou Massimo Furlan faire tourner un manège philosophique. «Mais rien n’est fait», assure prudemment le codirecteur.

L’inauguration est prévue le 18 septembre, en présence du ministre en charge de la Culture Alain Berset.

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