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A Bâle, des écoliers testent l’uniforme

Les élèves peuvent choisir parmi les 14 pièces de la collection dessinée par une styliste bâloise. Keystone

A l'heure où la question suscite le débat en Suisse, les élèves de deux classes bâloises vont devoir porter une tenue uniformisée pendant six mois pour aller en cours.

Les promoteurs de ce projet pilote veulent évaluer l’influence de cette mesure sur l’atmosphère en classe et sur les dépenses des jeunes en matière d’habillement.

Depuis mardi, quelque 40 élèves de 14 à 15 ans de l’école Léonhard de Bâle se rendent en classe vêtus de tenues uniformisées. Ce n’est pas pour autant le strict uniforme des écoles anglaises.

La collection de 14 vêtements dans laquelle les adolescents peuvent puiser ne rappelle d’ailleurs en rien l’uniforme dans son acceptation traditionnelle. Dessinée par la styliste bâloise Tanja Klein, elle colle au look actuel des jeunes et a été choisie par un jury où siégeaient également des élèves.

Dans son communiqué, l’établissement préfère d’ailleurs parler de “tenue d’école” (“Schulbekleidung”) plutôt que d’uniforme scolaire, qui évoque pour elle “le drill et la discipline”.

Expérience unique en Suisse

Le but de cette expérience, unique en Suisse, est de déterminer dans quelle mesure l’uniforme influence le climat d’enseignement, la formation de l’identité et le rapport des jeunes aux vêtements de marque, expliquent les autorités scolaires du canton de Bâle-Ville, qui soutiennent le projet.

Avec un look certes moderne mais uniformisé, l’élève ne pourra plus se mettre en scène et se profiler comme il le fait actuellement avec sa façon de s’habiller. Du coup, l’attention devrait être reportée sur l’enseignement et l’atmosphère en classe s’en trouver améliorée.

De plus, on espère à Bâle que la tenue scolaire permettra de soulager les budgets des familles et d’éviter les dettes des parents comme des enfants, tout en renforçant chez les élèves le sentiment d’appartenance à une communauté et la conscience de leur propre valeur.

Certes, la nouvelle tenue d’école a son prix: 730 francs. Mais les familles n’en payeront que 100, le solde étant à charge des sponsors.

Selon le bureau de conseil en matière d’endettement et de gestion “Plusminus”, associé au projet, le port de l’uniforme permettrait de faire baisser de 30% le budget “habits” d’une famille.

A noter que l’Université de Bâle accompagne scientifiquement le projet. Dans six mois, elle livrera des réponses à ces questions relatives à l’ambiance en classe et aux dépenses des familles.

Avis partagés

Les avis sont clairement divisés, relève le professeur Alexander Grob, de l’Uni de Bâle. Les défenseurs, dont il fait partie, estiment que les élèves en uniforme dépensent moins de temps, d’énergie et d’argent pour des questions d’apparence.

«Nous pensons qu’une restriction vestimentaire collective permettra aussi aux jeunes de mieux remarquer les qualités humaines chez les autres», ajoute le professeur.

Les élèves, quant à eux, sont diversement motivés: «Nous espérons que cela mettra fin à toutes ces taquineries sur nos vêtements», expliquent en choeur Lara et Tabea. Leur camarade Lukas souhaite lui surtout une économie budgétaire «et un meilleur climat en classe».

Autres cantons sceptiques

A terme, les responsables espèrent que le port de l’uniforme sera rendu obligatoire dès l’école enfantine dans tout le canton de Bâle. Une révision législative serait toutefois nécessaire.

Le retour de l’uniforme à l’école fait débat en Suisse, mais l’expérience bâloise est inédite. Les autres cantons sont plutôt sceptiques.

A Bâle-Campagne, les Démocrates suisses (extrême droite) ont lancé en août une initiative populaire qui demande d’ancrer le port de l’uniforme dans la loi sur l’école obligatoire.

En janvier, le gouvernement lucernois a refusé un postulat de l’UDC (droite dure) sur la question. Les gouvernements des cantons de Zurich et de Soleure se sont prononcés contre l’uniforme.

La Suisse romande n’est pas en reste. A Genève, le Mouvement Citoyens Genevois (populiste) a déposé début mai une motion invitant le gouvernement à étudier s’il était faisable d’introduire une tenue standardisée. Dans le canton de Vaud, une députée socialiste a déposé un postulat identique le 13 juin dernier.

swissinfo et les agences

S’agissant de vêtements, les élèves sont soumis à une double pression: financière et psychologique.

Selon Rolf Leemann, chargé de cours à la Haute Ecole pédagogique de Berne, le port de l’uniforme pourrait certainement atténuer cette pression. «Mais un uniforme reste un uniforme, il va dans le sens de l’anonymat, et les vêtements sont une expression importante de la personnalité», avertit le psychologue.

Pour lui, donc le strict uniforme scolaire n’est pas la solution. Il est plutôt pour la fixation d’un cadre vestimentaire qui représenterait un juste milieu.

Rolf Leemann pense que chaque école devrait fixer ce cadre elle-même. Selon lui, si les directives venaient d’en haut, ou si, par exemple, on essayait d’imposer les mêmes à tout un canton, le système ne fonctionnerait pas.

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