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A Pékin, des entrepreneurs suisses qui ont le sourire

«Etudiants aujourd'hui, grands patrons demain. La Suisse construit l'avenir en misant sur la relève chinoise». (Alain Arnaud) Alain Arnaud

Un vent d'optimisme souffle sur la CIMT, la foire internationale de la machine-outils de Pékin, organisée du 7 au 9 avril. La Suisse y est représentée par plus de 50 fabricants, qui se réjouissent de la bonne marche des affaires. Rien à voir avec la morosité qui règne ailleurs. Reportage.

«Amazing!» Tan Jiyong n’en finit pas de s’extasier devant l’Hydromat de l’entreprise zurichoise Pfiffner. Cet étudiant en ingénierie mécanique à l’Université de Xian admire ce bijou robotisé qui tronçonne, molète, chanfreine, saigne, broche, transforme de simples barrettes d’acier en pièces complexes et de haute précision.

Voici dix ans que Swissmem – l’organe faîtier de l’industrie suisse des machines – profite du Salon international de la machine-outils de Pékin (CIMT) pour faire découvrir l’excellence des produits suisses à 22 jeunes étudiants chinois issus des meilleurs instituts techniques du pays.

«Ce sont les managers de demain», prédit Yves Béguelin, ingénieur de ventes chez Affolter technologies, une PME de Malleray, dans le Jura bernois. «Ils se souviendront de la qualité des pignons tournés sur nos machines.»

Premier marché mondial

L’enthousiasme des jeunes Chinois est partagé par les responsables des plus de 50 entreprises suisses qui exposent ici – participation record depuis la création du CIMT, dont c’est la 11ème édition.

Alors que l’économie mondiale est assommée par la crise, que les usines ferment, licencient, sont au chômage technique, il souffle sur Pékin un vent d’optimisme rafraîchissant.

«Contrairement à ce qu’affirment les médias, ça se passe mieux qu’on pensait», constate Yves Béguelin. «Les clients sont bien là, l’intérêt est tout aussi grand qu’à la dernière édition, sinon plus. La récession, on n’en parle pas vraiment ici», renchérit Micheal Orschel, responsable des ventes Asie – Pacifique chez Feintool, le groupe industriel bernois.

«Je pense que la Chine sera dans 10 ans le marché le plus important au monde. La crise, on la ressent bien moins ici qu’ailleurs, et sans la Chine notre entreprise se porterait moins bien», explique encore Fernando Pellegrino, responsable du marché chinois pour Reishauer AG, fabricant à Wallisellen.

Avions chinois, turbines jurassiennes

«Ma dernière foire, c’était à Chicago, en septembre», déclare Ami Sueur, ingénieur chez Willemin-Macodel SA. «L’ambiance était morose, et ça serait pire aujourd’hui. Mais ici, c’est tout différent, nous faisons des bonnes affaires.»

C’est que la PME jurassienne de Bassecourt avait vu venir les choses. Voici plus de 15 ans qu’elle participe au CIMT, et plusieurs années aussi qu’elle a diversifié sa production. Initialement active dans l’horlogerie, elle fait aujourd’hui dans le médical, le dentaire et l’aéronautique, «des secteurs porteurs en Chine», constate Philippe Zürcher, directeur des ventes.

«Il y a ici des plans d’investissements qui prévoient l’acquisition de matériel très sophistiqué» (le premier gros porteur entièrement «made in China» doit être lancé entre 2015 et 2020). Et peut-être que les futurs avions chinois voleront avec des rotors jurassiens.

Une image à promouvoir

A propos d’envols, Laurent Castella se réjouit de ne pas avoir réduit la voilure à la foire de Pékin. Directeur de GF AgieCharmilles pour l’Asie du nord, ce Fribourgeois partage l’optimisme ambiant. «C’est au-delà de nos espérances. En deux jours et demi d’exposition, on a déjà vendu bien plus qu’on pensait, et du très haut de gamme. Le made in China n’est plus uniquement synonyme de bon marché. Ils ont besoin de la haute technologie suisse pour produire des articles de qualité. Sans doute que Chine rime avec salut pour les entreprises suisses, en tous cas dans le domaine de la machine-outil.»

Ce qui est vrai pour tant de fabricants l’est aussi pour Tornos, le fabricant de Moutier dont on connaît les difficultés. Daniel Hess, son directeur pour l’Asie, constate lui aussi que «l’Asie est l’une des régions du monde où l’on trouve encore des acheteurs». L’édition 2009 de la CIMT s’annonce plus intéressante que les précédentes.

Encore faut-il propager la réputation de précision et de qualité liée aux machines suisses. Seul une poignée des 22 étudiants chinois invités par la Suisse en avaient-ils conscience avant leur passage à Pékin.

«La Suisse peut faire mieux, doit faire mieux pour promouvoir son image d’excellence», reconnaît Ruedi Christen, chef de la communication chez SwissMem. A coups de 22 étudiants tous les deux ans, c’est un peu maigre.

Certes, Tan Jiyong promet que lorsqu’il sera grand patron, il fera tout pour s’équiper en Suisse. Mais Yuan Yanping, brillante future ingénieure de Pékin, refroidit un peu les enthousiasmes lorsqu’elle déclare que la carrière dont elle rêve vraiment, «c’est celle de guide touristique».

swissinfo, Alain Arnaud, Pékin

Omniprésence. Peu connues du grand public, les machines-outils régissent pourtant la fabrication d’à peu près tous les objets de la vie quotidienne, du gobelet de yoghourt au boîtier de téléphone portable en passant par les rotors d’avion ou les sacs poubelle.

Jura. Elles servent à couper, tailler, façonner, déformer un matériau. Riche de sa tradition de précision horlogère, la Suisse a développé une réputation d’excellence en la matière, notamment dans l’Arc jurassien.

Doublement. A la mécanique fine s’est ajoutée la robotisation, dans laquelle la Suisse excelle aussi. Depuis 2003, les exportations de machines-outils suisses ont doublé, notamment vers la Chine, avec un record en 2007. Mais la crise financière a fortement affecté le marché ces 6 derniers mois.

En 2008, la Suisse a vendu pour 306 millions de machines-outils en Chine, soit à peu près 10% de l’ensemble des exportations.

Le premier débouché reste l’Allemagne, suivie par les Etats-Unis et l’Italie.

Mais la crise financière fait chuter les carnets de commande sur les marchés traditionnels, alors qu’elle semble n’avoir que peu d’effets sur la demande en Chine. La plupart des exposants à Pékin prévoient des chiffres de vente en légère hausse en Asie.

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