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A Soleure, Entell accuse violemment la télévision

Peter Entell, ou la dénonciation d’une probable manipulation. swissinfo.ch

La télévision, objet de distraction et d'information ou outil de manipulation globale? Peter Entell apporte des éléments de réponse dans «Le tube».

Pourquoi nos enfants restent-ils rivés au petit écran, yeux fixes et bouche béante? Pourquoi nous-mêmes avons-nous souvent tant de peine à éteindre l’étrange lucarne, même s’il est très tard et que plus rien ne nous y intéresse? Pourquoi enfin, après une longue séance télévisuelle, éprouvons-nous le désagréable sentiment de nous être comportés en légumes?

Intrigué par ces questions auxquelles aucune étude officielle ne répond, le réalisateur américano-suisse Peter Entell, né à New York en 1952 et «accro à la télé depuis l’âge de cinq ans» selon ses propres termes, a décidé de conduire l’enquête. Pour mener à bien son projet, il a mêlé fiction et documentaire en faisant d’un vrai journaliste – Luc Mariot, de la Télévision suisse romande, le détective de l’affaire.

Luc Mariot, son équipe de tournage, et derrière eux, Peter Entell, ont donc investigué. A la TSR, à Genève. Mais aussi à Tokyo, ville bourrée d’écrans géants, sorte d’hymne urbain au miracle télévisuel. A New York aussi, et à Toronto.

L’enquête

Rencontres. Interrogations, discussions, remarquablement bien montées et illustrées. Au cours ce ses pérégrinations, l’équipe genevoise va croiser moult chercheurs, notamment, aux Etats-Unis, un certain Dr. Herbert Krugman. Et aller de découverte en découverte. Par exemple celle-ci: l’état quasiment hypnotique dans lequel la télévision nous plonge n’est pas lié au contenu, aux programmes, mais à la technologie même de la télévision.

Par la technique des trois couleurs de base (rouge, bleu, vert, qui se combinant, composent les autres), par le fait de la projection directe (par opposition à la projection indirecte du cinéma), la télévision favoriserait la partie droite de notre cerveau, défavorisant ainsi la partie gauche, siège privilégié de l’individualisme. On touche alors à la notion de «privation sensorielle», technique bien connue des spécialistes du «lavage de cerveau».

«La télévision entraîne une sorte de sommeil éveillé. Un sommeil où les rêves sont fournis», résume l’un des interlocuteurs rencontrés par Luc Mariot / Peter Entell. Alors, la télévision, invention simplement un peu malsaine ou formidable manipulation à tendance totalitaire?

Les accusations

Une manipulation implique des manipulés… et des manipulateurs. Mais qui? «Qui a financé ces recherches? L’une des premières personnes rencontrées dans notre enquête travaille pour General Electric, une des plus grandes boîtes du monde, qui a fabriqué des milliards de téléviseurs et a acheté NBC, l’une des plus grosses chaînes de télévision américaines. Et l’homme en question s’occupe de marketing», répond Peter Entell.

«C’est la publicité qui a financé ces études, c’est évident. Et à la fin du film, il apparaît que le type en question a auparavant travaillé pour l’armée, aux renseignements. On découvre donc un homme qui a travaillé pour les militaires, avec des spécialistes du lavage de cerveau, qui travaille désormais pour la publicité, avec d’autres gens qui ont suivi le même cursus… pour faire quoi, à votre avis?»

«Le tube» est coproduit par la TSR et Arte. «Mais certaines chaînes n’ont pas du tout aimé ma démarche. Quelqu’un m’a dit: si vous faites ce film-là, cela va ouvrir la boîte de Pandore!» se souvient le cinéaste

Grenade dégoupillée

Peter Entell ne compte pas s’arrêter là. A l’issue de la projection soleuroise, le public pouvait répondre à un questionnaire intitulé «L’enquête continue», questionnaire qui le sondait sur ses habitudes télévisuelles. Et un site Internet sert désormais de tribune.

Mais au fait, quel but recherche sincèrement le New-Yorkais? «Dès le début, ma femme m’a demandé si je ne craignais pas qu’il soit trop dangereux de faire ce film. De scier la branche sur laquelle je suis assis. Peut-être. Mais j’envie de briser une sorte de tabou».

Quel impact aura sa bombe? Explosera-t-elle réellement? Fusera-t-elle discrètement, noyée par les intérêts qui sont en jeu? Suspense. Comme dans doute enquête qui se respecte. Bref, comme au cinéma.

Bernard Léchot

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