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Affaire UBS: il n’y aura pas de commission d’enquête

Les sénateurs This Jenny (centre), Rolf Schweiger (droite) et Pankras Freitag (gauche) s'entretiennent sur la nécessité d'une CEP. Keystone

Contrairement aux députés, les sénateurs ont refusé lundi de créer une commission d'enquête parlementaire (CEP) dans l'affaire UBS. Malgré quelques voix discordantes, la majorité bourgeoise de la Chambre haute a eu gain de cause. Le projet est enterré.

Les sénateurs ont donc rejeté par 28 voix contre 15, la création d’une CEP, jugée superflue après le rapport accablant des commissions de gestion rendu fin mai.

Le rapporteur Hans Hess a rappelé que les commissions de gestion avaient mené une enquête approfondie, n’hésitant pas à entendre plusieurs fois les ministres concernés. La Banque nationale suisse (BNS) a bien travaillé, a-t-il souligné comme d’autres orateurs. Suite au rapport des commissions, recommandations, motions et postulats ont afflué devant le Parlement.

Il était clair que si la Suisse ne donnait pas suite à la demande des autorités américaines, UBS aurait subi de graves conséquences aux Etats-Unis. Le sauvetage de la Confédération était également indispensable.

Les risques financiers nous ont été confirmés par les experts, a ajouté le sénateur démocrate-chrétien (PDC / centre droit) Konrad Graber. Selon lui, les commissions n’ont «pas regardé si les routes avaient été nettoyées mais où elles avaient été nettoyées plus tard».

Transparence souhaitée

La population veut la transparence, a cependant reconnu Konrad Graber. Il faudrait trouver une personne respectée pour diriger cette commission d’enquête parlementaire avec un accès aux documents d’UBS. On ne doit pas attendre un travail d’historien, mais un travail d’expert avec une analyse de fond pour répondre aux questions.

Comment UBS a-t-elle été amenée à demander un prêt de 6 milliards de francs à la Confédération? Qui est responsable de la mauvaise évaluation des risques?

Le rapport aurait dû agir comme une sonnette d’alarme et ne pas déboucher sur des formules creuses, a expliqué le sénateur socialiste Claude Hêche. Il y a peu de signes de réveil ou de révolution dans «cette longue histoire d’amour-haine entre politiciens et banquiers» et il s’agit aujourd’hui de continuer une relation sur des bases saines et solides.

Or, la CEP est «l’outil le plus tranchant» pour analyser cette intervention de l’Etat avec un accès illimité aux documents dont dispose la FINMA. Cela devrait être bénéfique aux nouveaux banquiers et favoriser un retour de la confiance dans la population.

Gouvernement absent

Un regret: que la place du gouvernement soit vide, a lancé le sénateur écologiste Robert Cramer. Selon lui, le travail de la commission de gestion a été remarquable et ce travail le convainc qu’une CEP est indispensable. Il a rappelé les précédentes CEP, notamment celles de l’affaire des fiches et de la caisse de pension de la Confédération. Elles ont abouti à des réformes.

Un passage du rapport montre que la FINMA et auparavant la CFB (Commission fédérale des banques) ne souffrent pas d’une dépendance des banques, mais que la surveillance est impossible avec les éléments dont elles disposent et qui leur sont fournis par les banques.
Robert Cramer y voit un test pour la bonne crédibilité des institutions. Il ne suffit pas de dire qu’il faut prendre des mesures, il faut dire quelles mesures il faut prendre, a-t-il souligné.

«Pas de gaspillage»

Le sénateur de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) Alex Kuprecht a rappelé qu’en 30 séances de commission, 16 ont été consacrées à des auditions. Il y a certainement des questions encore ouvertes, mais c’est le cas dans tous les rapports, a-t-il plaidé.

On y découvre que la BNS a eu le comportement le plus professionnel de toutes les banques centrales. Que peut apporter de plus une CEP qui n’a pas de pouvoir de police? La Chambre haute est connue comme une «Chambre de réflexion» et il ne doit pas gaspiller des moyens en créant une CEP, a-t-il conclu.

Le rapport montre un gouvernement qui navigue par beau temps et qui n’a pas de stratégie en cas de tempête, a observé son collègue de parti This Jenny. Et on va encore nous dire dans le futur que l’on a rien prévu, comme avec la débâcle de Swissair.

«Un outil plus fort»

Pour le sénateur socialiste Alain Berset, le rapport de la commission est un travail fouillé et une source d’informations de première qualité mais il ouvre toute une série de question. Quel a été le rôle du G20, d’UBS avec ses actes illégaux? On a pu avoir la transparence sur toutes sortes d’éléments mais il reste des zones d’ombre.

Avec sa recommandation 19, la commission nous dit est-ce qu’un groupe d’experts neutres ou une commission d’enquête parlementaire pourrait faire mieux? Le socialiste fribourgeois pense qu’il faut poursuivre le travail de la commission avec un outil plus fort: la CEP.

La commission a mis les faits sur la table et il n’y a aucune raison de créer une CEP. En plus, tous les partis étaient représentés dans la commission, a rappelé le démocrate-chrétien Urs Schwaller. Il reconnaît que les 19 recommandations du rapport montrent que le travail n’est pas terminé mais il se poursuit.

Quant au démocrate-chrétien Eugen David, il a renchéri en soulignant qu’il ne voit pas pourquoi créer une CEP alors que l’on n’a pas utilisé toutes les possibilités offertes par la loi.

La Chambre basse avait accepté mercredi dernier à la création d’une CEP par 123 voix contre 57 et cinq abstentions. Après ce refus de la Chambre haute, l’idée d’une commission d’enquête parlementaire est maintenant enterrée.

swissinfo.ch et les agences

CEP. L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) et le Parti socialiste ont réclamé à plusieurs reprises la constitution d’un commission d’enquête parlementaire (CEP), au pouvoir plus étendu que celui des commissions de gestion, pour faire toute la lumière sur le comportement du gouvernement et des autorités de surveillance de marché dans l’affaire UBS.

Mesure d’exception. Jusqu’ici, le Parlement suisse a accepté la création de quatre commissions d’enquête parlementaire (CEP) seulement.

«Mirages». En 1964, la première a enquêté sur les dépassements de crédits (576 millions de francs) lors de l’acquisition des avions de combat français «Mirages». C’est dans la foulée que le Parlement a crée la base légale nécessaire à l’instauration des CEP.

Affaire Kopp. En 1989, une deuxième CEP a enquêté sur les circonstances ayant mené à la démission de la ministre de Justice et Police d’alors Elisabeth Kopp.

Fiches. Lors de cette enquête, il est apparu que les services de renseignement militaire pratique le fichage de citoyens suisses. Une troisième CEP est créée en 1990 pour enquêter à ce propos.

Caisse fédérale de pension. La dernière CEP à avoir vu le jour, en 1995, a porté sur les dysfonctionnements de la Caisse fédérale de pension, lesquels ont été attribués principalement à l’ancien conseiller fédéral socialiste Otto Stich, mais aussi aux autres membres du gouvernement d’alors.

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