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Amnesty cloue la police suisse au pilori

Arrestion musclée en marge du G8 en juin 2003, à Genève. Keystone

La plupart des violations des droits humains commises par la police restent impunies en Suisse, selon Amnesty International, qui lance cette accusation dans un rapport publié lundi.

Amnesty (AI) invite la police à mieux respecter les droits humains. De son côté, la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police réfute catégoriquement les reproches de l’organisation.

Préoccupée par les informations récurrentes de mauvais traitements, de comportements humiliants ou inhumains et d’interventions disproportionnées, la section helvétique d’Amnesty International (AI) a observé la pratique des différents corps de police cantonaux et d’entreprises de sécurité privées en Suisse.

Dans son rapport intitulé «Suisse: police, justice et droits humains», l’organisation a recensé une trentaine de cas problématiques survenus dans quatorze cantons ces dernières années.

«Au moins six personnes et également plusieurs policiers ont été tués lors d’interventions policières», a ainsi souligné devant la presse Denise Graf, juriste à la section suisse d’Amnesty International.

Le rapport évoque en outre les interventions contre des groupes-cibles particuliers: requérants d’asile, personnes de couleur, altermondialistes, jeunes, marginaux ou supporters de football, lesquels sont victimes d’interventions policières disproportionnées, de détentions arbitraires ou encore de traitements racistes et dégradants.

Armes à électrochocs

A titre d’exemple, l’organisation de défense des droits humains cite certaines mesures de contrainte – comme menotter une personne couchée sur le ventre – toujours utilisées malgré les avertissements déjà lancés par l’organisation.

Des équipements policiers comme les balles colorantes ou les armes à électrochocs ont également été introduits sans enquête préalable sur le danger potentiel qu’ils représentent, relève AI.

«Dans la plupart des cas, ces violations des droits humains sont restées impunies, voire couvertes par la hiérarchie», selon Amnesty. L’organisation relève que les plaintes des victimes supposées ne font pas souvent l’objet d’une enquête immédiate, indépendante, impartiale et approfondie.

Amnesty note aussi que les agents de police traduits en justice restent largement minoritaires et que ceux qui ont été condamnés sont rares.

Un rapport «pas sérieux»

Pour les responsables cantonaux de la police, l’analyse d’Amnesty n’est pas sérieuse. Ils balaient en particulier la critique selon laquelle les policiers fautifs restent la plupart du temps impunis.

«Le rapport est empreint de défiance à l’égard de la police, des autorités de poursuite pénale et des tribunaux», s’est emportée Karin Keller-Sutter, vice-présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP).

Elle n’admet pas qu’on impute à la police des comportements disproportionnés et qu’on la soupçonne de racisme latent. Pour Karin Keller-Sutter, il n’est pas non plus tolérable d’affirmer que les faux pas de la police restent dans une large mesure impunis.

Président des commandants de polices cantonales, Beat Hensler a pour sa part relevé qu’«il y a de quoi s’interroger lorsqu’Amnesty prétend que la justice épargne les policiers». Il a relevé au passage que les droits de l’homme sont fortement thématisés lors de la formation.

Problème de la sécurité privée

Pour améliorer le dialogue, des tables rondes seront organisées en août-septembre entre Amnesty et les responsables de la police. Une campagne publique sera en outre lancée dans six cantons (GE, VD, ZH, BE, SO, BS).

Dans son rapport, Amnesty soulève aussi les problèmes posés par la délégation des tâches policières à des entreprises de sécurité privées, dont le personnel n’est «absolument pas formé au respect des droits humains».

Or «c’est un secteur économique en pleine expansion», a noté le commandant de la police cantonale neuchâteloise André Duvillard. En matière de sécurité privée, un concordat romand a été signé il y a une dizaine d’années. Mais «une règlementation nationale est nécessaire et constitue un défi à venir», a ajouté André Duvillard.

swissinfo et les agences

Amnesty International (AI) a été fondé en 1961 par l’avocat britannique Peter Benenson.
En 1977, Amnesty International a reçu le Prix Nobel de la Paix pour sa campagne contre la torture.
Selon son dernier rapport, AI compte 2,2 millions de membres et d’adhérents en 2007, ceci dans plus de 150 pays.

Amnesty International recommande notamment aux autorités politiques et aux responsables de la police en Suisse l’introduction d’un code de déontologie, à l’image de celui qui a été adopté par la police cantonale neuchâteloise.

L’organisation réclame aussi l’amélioration de la formation, ainsi que des règles claires pour l’utilisation d’équipements dangereux, voire leur interdiction.

AI demande en outre la création d’une instance indépendante d’enquête et de recours au niveau cantonal ou régional pour enquêter rapidement et de façon indépendante sur les plaintes contre la police et pour punir les éventuels coupables.

Enfin, AI réclame la création de critères clairs pour la délégation de tâches étatiques de sécurité à des entreprises privées.

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