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Les résultats sont clairs, mais les progrès modestes

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Le contrat intergénérationnel en Suisse reste sous pression même après le «oui» à la réforme du système de retraite. Keystone

Voici cinq leçons à tirer des résultats des deux votations à l’ordre du jour ce dimanche en Suisse. Et ce que cela signifie pour les élections législatives fédérales du mois d’octobre.

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Le peuple suisse a largement avalisé dimanche la nouvelle réforme de la fiscalité des entreprises et son lien avec l’AVS (RFFA). Il a également donné son accord à une révision de la loi sur les armes qui doit permettre à la Suisse de se conformer à la législation européenne. Quelles leçons peut-on en tirer?

L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) a érigé la révision de la loi sur les armes en plébisciteLien externe pour ou contre l’Union européenne (UE). Le «oui» de ce dimanche est un «oui» à une approche pragmatique dans les rapports entre la Suisse et l’UE. Une continuité de la politique européenne de la Suisse en somme.

La Suisse profite des accords de Schengen et de Dublin. Elle est aussi prête à donner quelque chose en retour, même s’il s’agit de toucher à une partie de ses traditions, ce qui est le cas du droit pour chaque citoyen de posséder une arme. Cette fiabilité est également perceptible dans la votation sur la réforme de la fiscalité des entreprises. La Suisse fait partie du monde, elle est membre de l’OCDE. Si des contributions sont nécessaires, elle est prête à le faire.

Le «oui» à la réforme de l’imposition des entreprises et à son pan social – plus d’argent pour les retraites – est limpide. Mais les progrès sont modestes. Il reste encore un long chemin à parcourir avant que le système des retraites soit véritablement restructuré. L’AVS recevra désormais deux milliards de francs supplémentaires par année. Cela permettra de répondre aux besoins urgents, mais seulement pour quatre ans. Dès 2023, le premier pilier du système des retraites helvétiques sera à nouveau dans le rouge.

Le projet a été vendu comme un compromis typiquement helvétique. Il s’agissait de la fusion de deux dossiers «chauds», dont aucun n’avait réussi à trouver une majorité séparément. Et pourtant, c’est ce que le Parlement parvient à obtenir de mieux en ce moment. C’est symptomatique. Au Palais fédéral, les bâtisseurs de pont ont disparu. La Berne fédérale se politise comme si elle était tétanisée par le peuple souverain. Non sans raison toutefois: ce sont les citoyens qui ont coulé dans les urnes les deux grandes réformes de cette législature, celle des retraites et celle de l’imposition des entreprises.

Au Parlement, on se soucie toujours plus de sa propre clientèle électorale. Trop souvent, les idées des autres sont simplement balayées. Aucun projet constructif ne peut sortir du législatif de cette façon. En ces temps de mutation rapide dans tous les domaines de la société, la polarisation est particulièrement fatale en Suisse. Jusqu’à présent, la lenteur était une caractéristique de la démocratie directe. C’est sympathique à un certain degré: on peut l’interpréter comme une manière d’apporter du soin aux choses. Mais lorsque les camps politiques se figent, cela se transforme en impasse.

Avec la solution choisie aujourd’hui pour assainir l’AVS, la grande injustice demeure. De plus en plus de personnes âgées vivent aux dépens des jeunes. Si la Suisse veut restructurer son système de retraite, elle devra discuter du relèvement de l’âge de la retraite. Un pas qui n’est toutefois pas encore suffisant. Si le pays continue à vouloir échapper à ce débat, ses enfants en paieront le prix.

Les propositions adoptées dimanche dans les urnes montrent combien le dénominateur commun doit être petit au cours de cette législature pour qu’un consensus soit possible en Suisse. La prochaine législature approche à grands pas, puisque le pays élira un nouveau parlement en octobre.

La campagne électorale a débuté. Jusqu’à présent, il n’y a guère de raisons de penser que tout ce qui pourrait être résolu à Berne deviendra effectivement un sujet de discussions. Outre le système des retraites et nos relations avec l’UE, les chantiers sont nombreux: l’explosion des coûts de la santé et l’augmentation des charges sociales, mais aussi, à plus long terme, la bombe à retardement que constituent les soins apportés aux personnes âgées et les effets toxiques de la concurrence fiscale entre cantons.

Des facteurs qui, à long terme, produisent plus de riches et plus de pauvres, c’est-à-dire un déclin de la classe moyenne. Et, au final, un changement dans la structure sociale du pays, qui engendrera une plus grande polarisation encore. Résultat: les chances de compromis vont encore s’amoindrir. 

C’est à cette équation délicate que la Suisse devra répondre ces prochaines années. 

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Traduit de l’allemand par Samuel Jaberg

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