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Au Parlement de trancher sur l’interdiction nationale du niqab

Le Parlement peut se prononcer sur l'interdiction du niqab. Le Conseil fédéral préfère miser sur une solution plus ciblée (archives). KEYSTONE/AP/MOHAMMAD ABU GHOSH sda-ats

(Keystone-ATS) Au Parlement de trancher sur l’interdiction nationale du niqab. Le Conseil fédéral lui demande de rejeter cette initiative populaire. Il préfère miser sur une obligation d’enlever son voile pour s’identifier. Et laisser les cantons légiférer comme ils l’entendent.

Le gouvernement a revu vendredi l’ampleur du contre-projet indirect à l’initiative “Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage”. Comme l’exercice de la contrainte est déjà punissable par le code pénal, il a renoncé à une nouvelle disposition ciblant celui qui force une personne à porter un voile intégral.

Cet ajout a été critiqué lors de la procédure de consultation. Le PLR a notamment jugé qu’il n’avait qu’un caractère symbolique. Pour le reste, les partis s’étaient plutôt rangés à l’idée d’un contre-projet, à part l’UDC, davantage favorable à l’initiative, et les Verts, qui jugent inutile de légiférer.

Montrer son visage

Le Conseil fédéral ne conserve que le deuxième volet du contre-projet, qui instaure une obligation de montrer son visage à des fins d’identification dans les domaines des transports, des migrations et des assurances sociales.

Le voile, niqab ou burqa, devra être provisoirement enlevé lorsqu’un représentant d’une autorité doit vérifier, en vertu du droit fédéral, l’identité d’une personne. Le visage devra être découvert du front au menton.

Un voyageur doit par exemple être identifié pour contrôler qu’il est bien le détenteur de l’abonnement qu’il présente. S’il n’a pas de titre de transport valable, il doit attester de son identité et payer le prix de sa course ainsi qu’un supplément. Dans ces cas, le contrôleur doit pouvoir voir son visage pour vérifier le document d’identité présenté.

Refus amendé

L’injonction de se découvrir le visage devra être donnée au moins deux fois. Si la personne concernée refuse d’y donner suite, elle sera punie d’une amende allant jusqu’à 10’000 francs. Mais dans la grande majorité des cas, la douloureuse ne devrait pas dépasser quelques centaines de francs.

Le refus d’obtempérer ne sera pas punissable lorsque l’identification visuelle sert exclusivement les intérêts de la personne qui refuse de montrer son visage. Le plus souvent, la personne concernée se verra refuser la prestation demandée.

Initiative

Le contre-projet n’entrerait en vigueur que si l’initiative a été retirée ou rejetée. Cette dernière a été lancée par le comité d’Egerkingen, également à l’origine de l’initiative anti-minaret. Elle veut interdire la dissimulation du visage dans l’espace public, dans des lieux accessibles à tous (excepté les lieux de culte) ou dans lesquels sont fournies des prestations accessibles à tout un chacun.

Des exceptions pourraient être prévues pour des raisons liées à la sécurité, à la santé, au climat ou aux coutumes locales. L’initiative interdit aussi de contraindre une personne à dissimuler son visage en raison de son sexe. Le droit actuel permet déjà de répondre à cette dernière revendication, souligne le gouvernement.

“Il faut par ailleurs garder à l’esprit que le port du voile intégral peut résulter d’un libre choix, comme c’est le cas par exemple des ressortissantes suisses qui se convertissent”, note-t-il. Une interdiction du niqab en public pourrait en outre isoler encore davantage les femmes concernées.

Phénomène marginal

Le Conseil fédéral reconnaît que le port de la burqa ou du niqab est l’expression d’un courant fondamentaliste au sein de l’islam et d’un refus de s’intégrer. Les cas sont toutefois rares en Suisse et concernent le plus souvent des touristes.

On monte donc en épingle un phénomène marginal en prônant une interdiction qui est susceptible de restreindre certains droits et libertés fondamentales. Quant à l’argument de lutte contre le vandalisme avancé par les initiants, le Conseil fédéral l’écarte, des interdictions de se masquer lors de manifestations existent déjà.

Pas question non plus de toucher à l’autonomie des cantons, qui ne seraient plus libres de choisir la solution qui leur convient le mieux. Notamment quelle règle appliquer aux touristes de pays arabes.

Selon le Conseil fédéral, les cantons doivent décider eux-mêmes s’ils veulent promulguer une interdiction sur leur territoire. Le Tessin et Sait-Gall l’ont fait, d’autres comme Zurich, Soleure, Schwyz, Bâle-Ville et Glaris ont rejeté cette option.

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