Des perspectives suisses en 10 langues
Une femme en niqab

Aujourd’hui en Suisse

Chers lecteurs de Suisse et d’ailleurs,

Au terme d’un dimanche de votation à suspense, les Suisses ont décidé d’interdire le port de la burqa et du niqab dans l'espace public. Lancé par la droite dure, le texte a bénéficié de nombreux soutiens dans les rangs du centre et de la gauche.

Pour preuve, les cantons de Neuchâtel et du Jura, généralement considérés parmi les plus progressistes de Suisse, ont voté en faveur de l’initiative.

Dans cette newsletter «100% spéciale votations», vous découvrirez également quel sort les Suisses ont réservé au projet d’identification électronique et à l’accord de libre-échange avec l’Indonésie.

Et pour terminer, je vous parlerai du retour en grâce d’un certain Pierre Maudet à Genève.

Bonne lecture,

Une femme en niqab
En Suisse, on évoque souvent la burqa alors qu’elle est quasi inexistante dans le pays. On devrait plutôt parler de niqab, comme sur cette image. Keystone / Gian Ehrenzeller

À l’image de la France, de la Belgique ou de l’Autriche, les Suisses ont décidé d’interdire le port de la burqa et du niqab dans l’espace public. Le peuple a accepté ce dimanche l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage» à 52% des voix.

Seul parti à soutenir officiellement cette initiative, l’UDC renoue ainsi avec la victoire. La première formation politique du pays n’avait en effet plus gagné une votation populaire depuis l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse le 9 février 2014.

Ce résultat n’est toutefois pas vraiment une surprise. En agitant le spectre de la montée du fondamentalisme islamiste et en rappelant l’importance de l’égalité entre femmes et hommes, le comité d’Egerkingen, déjà à l’origine de l’initiative anti-minarets acceptée par le peuple suisse en 2009, a fait mouche bien au-delà des rangs UDC.

«C’est un immense soulagement», a ainsi réagi Mohamed Hamdaoui, député du Centre au Grand Conseil bernois et fondateur de la campagne «A visage découvert». «Ce vote est révélateur d’une prise de conscience. C’était l’occasion de dire stop à l’islamisme et pas aux musulmans, qui ont évidemment toute leur place dans ce pays».

Ce scrutin a fait apparaître des divisions dans les partis de gauche et parmi les féministes. Le oui à l’initiative anti-burqa risque de «banaliser l’ambiance xénophobe et raciste» à l’encontre des musulmanes, a estimé Myriam Mastour, membre du collectif Les Foulards Violets et de la grève féministe. Les femmes qui portent le voile intégral subissent déjà discriminations, crachats et injures, a-t-elle rappelé.

Plus

Discussion
Modéré par: Samuel Jaberg

L’interdiction de la burqa représente-t-elle une avancée ou un recul pour les femmes musulmanes en Suisse?

De l’article Après les minarets, les Suisses bannissent aussi la burqa

7 Commentaires
Voir la discussion
infographie explicative de l eID
Les citoyennes et citoyens suisses se prononçaient dimanche 7 mars sur la loi relative aux services d’identification électronique. © Keystone / Christian Beutler

Les inquiétudes sur la sécurité des données et leur potentiel usage commercial ont eu raison de la loi sur les services d’identification électronique (eID). Le projet a été balayé dimanche par plus de 63% de l’électorat. Tous les cantons ont exprimé leur désaccord face à ce texte qui visait à assurer l’accès sécurisé aux services et à faciliter les transactions électroniques.

La gestion privée de cet identifiant a été au cœur de la campagne. Il revenait en effet principalement aux entreprises privées, ainsi qu’aux autorités locales, de délivrer les eIDs et d’agir en tant que fournisseurs d’identité.

Un risque intolérable aux yeux des opposants, qui saluent la clarté du résultat. Ce vote ne doit pas être considéré comme une opposition à la numérisation, mais une revendication pour une solution sûre, fiable, démocratique et sous contrôle de l’Etat, estime Benoît Gaillard, coordinateur romand du référendum sur l’eID.

Les partisans du texte veulent maintenant que les choses avancent rapidement. Faute de quoi la Suisse sera perdante en matière d’e-gouvernement, avertissent-ils.

En Indonésie, la surface dédiée aux plantations de palmiers à huile est passée de 0,7 million à 13,5 millions d’hectares entre 1990 et aujourd’hui. AFP

Les entreprises suisses pourront accéder sans entraves au marché indonésien. A une très courte majorité (51%), le peuple a donné son aval à l’accord de libre-échange avec ce pays du sud-est asiatique qui devrait figurer parmi les quatre plus grandes économies mondiales en 2050.

Sans surprise, les Romands se sont montrés beaucoup plus réfractaires au principe du libre-échange que la majorité germanophone du pays. Les cantons de Genève, Vaud, Neuchâtel, Fribourg et du Jura ont glissé un «non» dans les urnes. Outre-Sarine, seul Bâle-Ville a suivi les arguments des opposants, qui englobaient une partie de la gauche et plusieurs associations d’agriculteurs et de défenseurs de l’environnement.

A l’origine du référendum, le vigneron Willy Cretegny a le sourire, même si le «oui» l’emporte: «Nous avions déjà gagné avant les résultats, car on a vraiment ouvert le débat sur le principe du libre-échange. On a maintenant un vrai travail de communication à faire en Suisse alémanique et auprès de certaines ONG.»

Le résultat serré du vote populaire surprend en revanche Monika Rühl, la présidente de la direction d’economiesuisse, qui s’attendait à un «oui» clair et net. «Cela aurait été un signal fort pour les petites et moyennes entreprises exportatrices de notre pays, qui ont besoin d’avoir accès aux marchés émergents», a-t-elle fait savoir. 

Pierre Maudet
Le conseiller d’État genevois Pierre Maudet (PLR) lors de la prestation de serment du gouvernement, le 31 mai 2018. © KEYSTONE / MARTIAL TREZZINI

C’est un résultat qui pourrait donner des idées à Nicolas Sarkozy en vue de la présidentielle française de 2022. Condamné par la justice pour acceptation d’un avantage lié à son voyage à Abu Dhabi, mis au ban de son parti et privé de toutes ses prérogatives par ses collègues de l’exécutif, Pierre Maudet signe un retour triomphal à Genève.

L’ex-magistrat libéral radical (PLR) a créé la surprise en terminant deuxième du premier tour de l’élection complémentaire au Conseil d’Etat (gouvernement). Il récolte ainsi les fruits d’une campagne énergique axée principalement sur les entrepreneurs touchés par la crise sanitaire.

Pierre Maudet se paie même le luxe de devancer largement le candidat officiel du PLR Cyril Aellen, qui ne se présentera pas au second tour de l’élection. Les trois semaines qui séparent désormais les Genevois du verdict final ne manqueront certainement pas de nourrir encore bien des psychodrames.

  • Des politiciens pas si exemplaires, l’article de ma collègue Marie Vuilleumier consacrée à l’affaire Maudet
  • Pierre Maudet crée la surprise, la dépêche de l’agence Keystone-ATS

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision