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Avec Beromünster s’éteignent les ondes moyennes

L'antenne de l'émetteur de Beromünster.

Après l'arrêt de l'émetteur à ondes courtes de Schwarzenburg, en 1998, l'émetteur radio de Beromünster, l'équivalent de Sottens, cesse d'émettre le 28 décembre. Un vent de nostalgie va encore une fois souffler sur la Suisse.

C’est toute une génération qui va verser une larme à l’arrêt de l’émetteur d’ondes moyennes 531 kHz. Pour elle, Beromünster évoque – comme Sottens en Suisse romande – la guerre et les émissions de «défense spirituelle», la voix «neutre» écoutée à l’étranger.

Les aînés se souviennent en effet de la réputation de l’émetteur lucernois de leur jeunesse. Une visite à l’heure du café dans un home en témoigne.

«Nous n’avions pas de poste radio à la maison, raconte un pensionnaire. A l’époque, dans les années 30, peu de gens en avaient un.» Et ceux qui avaient pu s’en offrir un rappellent que, de toute façon, «il fallait travailler et on n’avait pas le temps d’écouter la radio.»

La peur d’Hitler

Pour cette génération, Beromünster est avant tout synonyme d’informations sur la deuxième guerre mondiale. «Tous les jours, nous attendions les informations avec impatience, rappelle cette dame. Nous nous demandions si Hitler allait arriver. Nous avions tous tellement peur.»

Beromünster était aussi écouté en cachette par les Allemands. Car l’émetteur s’est très vite fait une réputation de radio diffusant des informations indépendantes grâce à la Chronique mondiale de J.R. von Salis et à celles, en français, de René Payot.

Les aînés ne se souviennent par contre pas d’un programme radio quotidien. Certains disent même ne pas avoir su où était Beromünster.

Pédagogie populaire

Après la guerre, l’émetteur s’est consacré à des émissions centrées sur les valeurs suisses. Les programmes étaient alors fortement teintés de couleurs nationales, avec une légère tendance à donner des leçons.

Quant aux pièces radiophoniques à partir des œuvres de Jeremias Gotthelf, elles sont restées célèbres. Ueli der Knecht et consorts étaient de véritables stars dont on parlait partout. Ceci même si cette manière de relire Gotthelf a suscité de vives polémiques.

Demi-frère d’Adolf Muschg, l’écrivain Walter Muschg avait critiqué durement ces pièces radiophoniques et reproché à Beromünster d’instrumentaliser Gotthelf pour sa propre publicité. Il critiquait aussi la «banalisation de Gotthelf par des poètes patriotiques et niais». Mais le public en redemandait.

Pas de rockn’roll

La jeunesse de l’époque elle a perçu très vite à quel point les programmes suivaient une ligne conservatrice. Dans les années 50, Beromünster avait parfaitement ignoré le rockn’roll et n’avait presque rien dit des Beatles. La «culture de la jeunesse» qui s’annonçait n’avait en effet pas sa place sur ces ondes-là.

Collaborateur de la direction générale de SRG SSR Idee Suisse, Peter Stähli a mené l’enquête dans les journaux des programmes de l’époque. Il a trouvé par exemple ceci, en date du 8 février 1964, un samedi, de 13h à 13h15: «Le succès du jour avec le groupe anglais The Beatles».

En dessous, une image des Fab Four les montrait en train de sauter par-dessus un mur. La légende se voulait un avertissement: «Les Beatles dansent sur des ruines. Citoyens, protégez vos oreilles!»

Concurrence des ondes courtes

En 1967, alors que les Suissesses n’avaient toujours pas le droit de vote, le nom d’émetteur de Beromünster a cédé la place à celui de «Radio suisse DRS». Parallèlement, la télévision s’imposait et remplaçait peu à peu la radio, devenue un média d’accompagnement dans la voiture, au bureau ou dans les loisirs.

Reste que même avec un nouveau nom, le canal ne pouvait pas satisfaire tout le monde. Du club de jodleurs d’Oberhofen à Led Zeppelin, c’était mission impossible. L’apparition de nouvelles chaînes dans les années 80 a permis de résoudre cette quadrature du cercle.

Mais les ondes moyennes aussi commençaient à avoir de la peine. On ne pouvait plus les recevoir partout sans perturbations. Elles étaient de plus en plus souvent troublées par des émetteurs étrangers qui avaient une longueur d’ondes presque identique. On se souvient notamment d’une radio algérienne qui s’était ainsi fait beaucoup d’ennemis en Suisse.

Le public restait néanmoins fidèle et les ondes courtes, de bien meilleure qualité, ont mis du temps à s’imposer. La radio a même eu recours à un conte pour convaincre les gens de régler leur appareil sur elles. Elle a inventé la «fée des ondes courtes», interprétée par l’actrice Birgit Steinegger. Sa mission: amener les ondes courtes dans les foyers, ce qu’elle faisait lors d’émissions retransmises à la radio.

«Onde musicale»

En 1996, la fin des ondes moyennes était proche. Radio DRS a alors lancé une première émission sans l’émetteur de Beromünster. Mais, par respect pour l’ancienne génération, elle a aussi crée une chaîne spéciale à son attention, la «DRS-Musikwelle» («onde musicale»).

L’animateur de l’émission, Jörg Stoller, explique que «les auditeurs et auditrices âgés se sentent à la maison avec nous.» Quelque 160’000 personnes sont toujours fidèles à la «Musikwelle» en ondes moyennes.

Cependant un changement technologique de taille les attend: s’ils veulent continuer d’écouter leur émission préférée, ils devront le faire grâce à la radio digitale. La fée des ondes courtes a même un successeur: le comédien Walter Andreas Müller fait aujourd’hui de la publicité pour la technologie DAB –Digital Audio Broadcasting.

La mise hors service de Beromünster marque la fin définitive des ondes moyennes en Suisse. L’émetteur de Sottens (VD) diffuse certes encore les programmes d’Option Musique. Mais l’émetteur du Monte Ceneri, 3e antenne historique des ondes moyennes, a été mis hors service le 30 juin dernier.

swissinfo, Urs Maurer
(Traduction et adaptation de l’allemand: Ariane Gigon)

En 1929, les Chambres fédérales ont approuvé un crédit de construction de 1,7 million de francs pour la construction des émetteurs de Beromünster (LU) et de Sottens (VD).

Inaugurée le 11 juin 1931, l’antenne lucernoise émettait à une puissance de 60 kW sur 556 kHz. Elle était placée entre deux tours de 125 mètres de haut.

En 1937, une antenne de 215 mètres de haut est construite. On peut entendre Beromünster dans toute l’Europe. Les émissions sont produites dans les studios de Berne, Bâle et Zurich.

En 1968, un émetteur d’une puissance de 500 kW améliore la réception pour faire face à la multiplications des émetteurs.

Dès 1978, Beromünster se voit attribuer la fréquence 531 kHz. Les travaux de rénovation sont quasi permanents.

La chaîne DRS Musikwelle est lancée en octobre 1996. Elle reste la seule émission diffusée par Beromünster.

En 2002, le canton de Lucerne décide qu’il faut soit assainir soit éteindre l’émetteur (protection contre le rayonnement non ionisant).

28 décembre 2008: fin des ondes moyennes.

Beromünster

Ancien nom de la radio alémanique DRS. L’émetteur se trouve en fait non sur la commune de Beromünster (LU), mais sur celle de Gunzwil. «Radio Gunzwil» sonnait néanmoins moins bien, d’où le choix de Beromünster. Il était coutumier de nommer les chaînes d’après le nom de leur lieu d’émission.

FM – OUC

Les radios FM (modulation de fréquence) émettent sur les fréquences de la bande 87,5-107,9 MHz appelée bande des ondes ultra courtes (OUC), initialement de 87,5 à 104 mais élargie ensuite par les possibilités techniques. Les OUC sont moins sensibles que les ondes moyennes ou longues aux perturbations atmosphériques.

SRG SSR idée suisse

Société suisse de radio et de télévision, à qui swissinfo appartient. Elle est la direction générale de toutes les radios et de toutes les télévisions publiques de Suisse.

Digital Audio Broadcasting (DAB)

La radio numérique terrestre ou DAB est appelée à compléter à moyen terme la distribution en OUC/FM. Elle permet de pallier l’actuelle pénurie des fréquences OUC tout en assurant une meilleure qualité de la réception mobile. Il s’agit en outre d’un système convergent qui permet la transmission de programmes de radiodiffusion, textes, images et services de données de toute nature.

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