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Banque et finance: la tentation du Prix Nobel

Jean-Pierre Danthine nommé à la direction du Swiss Finance Institute. Keystone Archive

En janvier prochain, le Swiss Finance Institute entamera sa carrière. Son directeur Jean-Pierre Danthine explique sa raison d'être à swissinfo.

Ce pôle de recherche et de formation, présenté cette semaine par les banques, par les universités et les pouvoirs publics ne cache pas ses ambitions.

«La Suisse peut espérer un jour un prix Nobel d’économie», lance Pierre Mirabaud, président de l’Association suisse des banquiers et catalyseur du projet.

Professeur à l’Université de Lausanne et directeur de l’International Center for Financial Asset Management and Engineering (FAME), Jean-Pierre Danthine dirigera le nouvel institut. Il s’explique.

swissinfo: Quels seront les axes de recherche du Swiss Finance Institute?

Jean-Pierre Danthine: L’objectif principal est de construire un centre de recherche en banque et finance qui figure parmi les dix meilleurs mondiaux et les deux meilleurs européens.

Les thèmes seront définis de manière opportuniste, en fonction des thèmes perçus comme étant les plus productifs.

Ce centre aura un lien avec l’industrie financière helvétique, elle-même spécialisée dans la gestion de fortune et le «Private Banking» (banque privée).

swissinfo: L’institut sera plutôt axé sur la recherche fondamentale. Quel intérêt pour les banques?

J.-P.D.: Nous visons la prééminence sur le plan de la recherche fondamentale. Mais aujourd’hui, les meilleurs centres en recherche fondamentale le sont aussi dans la recherche appliquée.

Autrement dit, la recherche appliquée ne sera pas laissée de côté. Elle découlera naturellement de l’accumulation de savoir et de compétences née de notre recherche fondamentale.

swissinfo: Le Swiss Finance Institute répond-t-il aussi à un souci d’image de la part de la place financière suisse?

J.-P.D.: C’est un élément. Le premier but est d’accumuler des compétences, de la substance. Mais il est clair qu’en termes d’image, un centre de réputation mondiale en matière de recherche sera bon pour la Suisse comme pour son industrie financière.

swissinfo: Quel est le retard de la Suisse par rapport à la London Business School, institut de recherche en finance le plus reconnu sur le continent?

J.-P.D.: Nous partons d’un bon niveau, dans la mesure où les efforts entamés assez récemment avec FAME depuis 1996 et avec NCCR FINRISK (National Center of Competence in Research «Financial Valuation and Risk Management» du Fonds national de la recherche scientifique) depuis 2003 ont constitué une première étape et un renforcement très sérieux.

C’est aussi ce qu’indiquait un classement 2004 en fonction du critère de la production de recherche, qui situait FAME au deuxième rang européen.

Mais notre situation est encore fragile. Nous pouvons faire beaucoup mieux avec le Swiss Finance Institute.

swissinfo: L’institut a un côté virtuel. Il n’aura pas de siège véritable et sera géré en réseau sur la base des institutions existantes. Comment va-t-il fonctionner?

J.-P.D.: Son fonctionnement sera modulé en fonction des moyens et de ses axes de développement.

Premier axe: la recherche fondamentale sur projet. En lien avec le NCCR FINRISK, nous allons mettre de l’argent à disposition et demander les meilleures offres des chercheurs pour remplir des objectifs de projets de recherche précis.

Deuxième axe de développement: le programme doctoral, qui consistera à renforcer et coordonner les programmes doctoraux FAME et de l’Université de Zurich. L’objectif est d’améliorer leur réputation. Nous voulons attirer de meilleurs étudiants et les former de façon encore plus performante.

Autre axe, le renforcement structurel. Un travail qui passera essentiellement par l’engagement de nouveaux chercheurs/professeurs – assistants comme confirmés. Et cela, en étroite collaboration avec les universités du pays, qui nommeront ces professeurs.

Enfin, l’axe «executive education», plus proche de la pratique et centré sur la formation continue pour les cadres supérieurs, se basera sur l’expérience déjà acquise dans le cadre de la Swiss Banking School notamment.

swissinfo: Votre objectif est d’attirer des professeurs et des chercheurs. Quelle est la situation aujourd’hui en Suisse?

J.-P.D.: D’un côté, vous avez des professeurs plus âgés, qui ont suivi la tradition de l’université suisse.

Ils ont un très gros contact avec la pratique, des tâches administratives importantes, la production de recherche étant minoritaire dans leur emploi du temps.

Vous avez d’autre part des chercheurs plus jeunes, engagés plus récemment, tout à fait dans la ligne de ce que nous voudrions poursuivre et renforcer.

Ces gens fonctionnent essentiellement comme chercheurs. Ils sont probablement plus occupés que leurs concurrents européens et américains par l’enseignement, mais leur orientation vers la recherche est très claire.

Notre objectif sera de les inciter à mener plus de recherche, en les plaçant dans un environnement propice. Tout en leur adjoignant des collègues fonctionnant comme de véritables locomotives entraînant tout le train.

swissinfo: La Suisse compte-t-elle déjà quelques-unes des ces locomotives?

J.-P.D.: Quelques-unes. Peut-être moins dans les thèmes centraux de la finance que dans les thèmes périphériques. Nous sommes forts en finance mathématique, en économétrie de la finance ou dans certains domaines liés aux produits dérivés.

Dans les thèmes plus proches du cœur de la finance moderne telle qu’elle est perçue par les grandes institutions américaines, nous sommes sans doute plus faibles.

Je pense à tout ce qui concerne la finance d’entreprise moderne ou à des thèmes très proches des préoccupations de l’industrie financière helvétique comme l’«asset pricing» (évaluation d’actifs financiers et gestion de portefeuille).

Sur ces thèmes centraux, nous n’avons pas actuellement en Suisse de chercheurs dont la contribution a été déterminante.

swissinfo: A quel terme prévoyez-vous d’être compétitifs avec la London Business School?

J.-P.D.: Notre priorité sera l’engagement de nouveaux chercheurs. Voire de chercheurs jeunes, que l’on va aider à se réaliser.

Les premiers effets tangibles n’interviendront probablement pas avant deux ans. Il faut compter un horizon de cinq ans avant de pouvoir espérer combler l’écart avec la London Business School (critère: le nombre de publications dans les revues de référence).

Interview swissinfo: Pierre-François Besson

Le Swiss Finance Institut disposera d’un financement de 200 millions de francs sur quinze ans.
Son budget annuel se montera à 18 millions.
Les banques verseront 7 millions, tirés d’un fonds spécial créé à cet effet.
Par l’intermédiaire du Fonds national de la recherche scientifique, la Confédération mettra 3 millions.
Les universités verseront 6 millions et des fondations privées 3.

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