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Barbier-Mueller dévoile ses samouraïs à Paris

Casque à lamelles à grands rivets. quaibranly.fr

Le musée du quai Branly expose la collection unique d’armures japonaises de Gabriel Barbier-Mueller. Une grande première pour ce Genevois exilé à Dallas.

Une véritable armée de samouraïs a pris position au musée du quai Branly, avec ses armures en fer, cuir laqué et soie, ses masques moustachus et ses casques à lamelles en forme de melon. Entre deux armures du XVIIe siècle japonais, un homme élégant en costume noir, mèche blanche et sourire parfait présente sa collection : pour la première fois, le Suisse Gabriel Barbier-Mueller dévoile en Europe ses trésors amassés depuis une trentaine d’années.

Chez les Barbier-Mueller, on connaît surtout Jean-Paul. Collectionneur célèbre, référence internationale notamment dans le domaine des «arts premiers». Son fils Gabriel a suivi ses pas. «J’ai grandi dans une famille de collectionneurs. Mon grand-père Joseph, originaire de Soleure, a acquis sa première peinture impressionniste à Paris, en 1907. Dans notre maison à Genève, nous vivions entourés de sculptures d’Océanie et d’Afrique», témoigne Gabriel Barbier-Mueller, avec une pointe d’accent texan.

En 1979, le jeune homme part faire ses études et aux Etats-Unis. Pour changer d’air ? Plutôt pour poursuivre, ailleurs, la tradition familiale. Son père Jean-Paul a fait fortune dans l’immobilier en fondant la Société privée de gérance ? Gabriel aussi sera promoteur, à Dallas, Texas, où il préside Harwood International, un groupe très actif dans la rénovation urbaine de l’ancien Dallas industriel. Son père est collectionneur, spécialisé dans les cultures non européennes ? Pourquoi pas moi, répond Gabriel.

Captivé

Tout commence, comme le veut la tradition familiale, chez un antiquaire parisien. «Mes parents m’avaient emmené dans la galerie d’un marchand, rue de Seine. Tandis qu’ils examinaient les objets, je me suis assis près d’une armure de samouraï. Le menpo (demi-masque) me fixait de son air féroce caractéristique, et c’est à ce moment qu’une graine fût plantée. J’ai été captivé par sa présence, sa construction, sa complexité et l’éventail des matières», raconte Gabriel Barbier-Mueller.

Les samouraïs: à l’époque, peu de gens s’y intéressent. «Nous avons commencé ma femme et moi par acheter une armure, puis quelques casques. Plus on fouille, plus on creuse, plus on trouve de choses.» Les prix sont abordables. «Rien à voir avec un Basquiat ou une sculpture africaine de valeur, remarque Barbier-Mueller. C’est un petit marché et l’offre est limitée.»

Le Genevois rachète de nombreuses pièces – presque toutes ramenées du Japon par des Européens à la fin du XIXe et au début du XXe siècle – à de vieux collectionneurs avisés. «On dit que les collections tournent tous les 50 ans. J’ai dû arriver au bon moment.»

Camp retranché du XVIIe siècle japonais

Gabriel craque pour les armures, les casques et le harnachement des chevaux. Sa femme Ann préfère la peinture et les textiles. En quelques années, leur maison de Dallas se transforme en camp retranché du XVIIe siècle japonais. Comme la famille s’agrandit, les guerriers sont priés de se rassembler dans le flambant neuf «Ann and Gabriel Barbier-Mueller Museum», construit dans le quartier de Harwood.

L’exposition du musée du quai Branly parcourt presque sept siècles d’histoire du Japon. Une histoire pleine de feu et de sang, marquée par la guerre civile et les querelles entre «seigneurs de la guerre». Difficile de ne pas penser aux films d’Akira Kurosawa et de Kenji Mizoguchi, dont le musée présente quelques extraits.

La guerre n’est pourtant pas ce qui intéresse le plus Gabriel Barbier-Mueller. «Le samouraï est en quelque sorte un homme de la Renaissance. À la pratique des armes, il ajoute souvent une maîtrise de la poésie et de la calligraphie. Musashi Miyamoto (1584-1645) par exemple fut à la fois le meilleur escrimeur du Japon et un grand peintre et philosophe.»

Inutile et d’autant plus éblouissante

Dès la paix relative qui s’instaure en 1615, le samouraï devient une sorte de citoyen-soldat. Toujours «prêt», mais rarement sur le champ de bataille. Désormais inutile, l’armure du samouraï doit être d’autant plus éblouissante. On voit alors apparaître des motifs subtils inspirés par le milieu naturel, la forêt, la montagne et la mer.

«Les armures témoignent très bien de la singularité animiste du Japon», remarque l’historien de l’art Germain Viatte, cofondateur du musée du quai Branly. Ce dernier rend hommage au travail de Gabriel Barbier-Mueller, «sans équivalent dans le monde, même au Japon». «Je ne suis pas un fanatique des armures japonaises, ramenées par des voyageurs, que l’on peut voir dans nos musées. Elles sont souvent dans un état déplorable. Mais cette collection va bien au-delà du simple assemblage d’objets guerriers.»

Dans les années 1900, la pratique des armes n’est plus qu’un lointain souvenir. En juin 1910, le révérend père William A. Richards arrive à Tokyo pour propager la religion anglicane. Le pasteur fait la connaissance des descendants de la prestigieuse famille Mori, dont les origines remontent au XIIe siècle. Il tombe amoureux de leur ensemble d’effets militaires. Rachète le tout et le ramène en 1928 à Birmingham. Après quelques zigzags, cette collection finira dans les mains de Gabriel Barbier-Mueller.

Samouraï, armure du guerrier. Au musée du quai Branly, jusqu’aux 29 janvier 2012. Avec visites guidées, visites contées et ateliers de pochoirs japonais.

La Bibliothèque nationale de France consacre une exposition à l’artiste suisse Markus Raetz. Né en 1941, Raetz est une figure majeure de la scène européenne. En 2009, la présentation au Grand Palais à Paris d’Une image peut en cacher une autreArcimboldo, Dalí, Raetz a permis de découvrir les nombreuses facettes de son talent qui associe le dessin, la sculpture et l’estampe. 

L’exposition se déroule autour des grandsthèmes que poursuit Markus Raetz: la figure et le visage, le paysage, les mots, la trame et la trichromie, la géométrie et l’amour. Elle met en lumière l’extrême diversité de son œuvre gravée: cliché-verre, héliogravure, pointe-sèche, burin, eau-forte et aquatinte, pochoir ou encore impression à la ficelle.

Une importante donation de Markus Raetz vient compléter les collections de la BnF enrichies par le FNAC. Près de 200 pièces seront exposées: estampes, dessins, carnets et une dizaine de sculptures. 

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