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Barrigue: «On va tirer sur tout ce qui bouge»

Epaulé par des journalistes cabochards, le célèbre caricaturiste lausannois Barrigue lance Vigousse. Un hebdomadaire satirique romand en double version, l'une électronique, l'autre en papier, dont la première édition sortira le 4 décembre. Entretien.

«Ils sont cons ces Suisses, ils ont mis le pianiste au violon!». C’est signé Barrigue, et c’est accompagné d’une caricature ad hoc: un prisonnier en camisole rayée traînant un boulet au pied. Roman Polanski s’y reconnaîtra très aisément. Du «cinéma porno», dit encore le titre du dessin paru en page d’accueil de Vigousse, le nouvel hebdomadaire satirique romand qui vient d’être lancé sur le Web.

En matière de pornographie, on peut imaginer plus lubrique. Mais là, Barrigue s’est montré plutôt gentil. On l’a connu plus féroce au journal Le Matin avec lequel il a collaboré des années durant. Méfions-nous tout de même. Sa grosse artillerie, le journaliste la réserve peut-être pour plus tard; pour la version papier de Vigousse dont le premier numéro sortira le 4 décembre prochain et viendra compléter le site Vigousse.

Pour en parler, voici donc Barrigue, grand caricaturiste devant l’Eternel, fondateur, avec quelques trublions comme lui, de ce Vigousse à deux visages.

swissinfo.ch: La version électronique de votre hebdomadaire, qui paraît sur le Net tous les vendredis depuis le 25 septembre, ne compte qu’une page comprenant une chronique et deux dessins. On s’attendait à plus copieux…

Barrigue: Nous l’avions annoncé dans la presse, mais visiblement ça n’a pas été compris: il n’a jamais été question de sortir intégralement Vigousse, sur la Toile. On n’allait pas se mettre une balle dans le pied et bousiller d’avance la curiosité de nos futurs lecteurs.

A partir du 4 décembre paraîtra donc Vigousse, en papier. Il continuera bien sûr à être accompagné par notre page Web. Mais ce sera un hebdomadaire beaucoup plus complet que celui que nous proposons en version électronique. On y trouvera des articles sur la société, la politique, les livres, le cinéma… Il y aura même un cahier sport qui se résume à trois brèves. Bref, tout ce qui fait la vie, la vie en Suisse romande avant tout.

swissinfo.ch: Comment comptez-vous réussir là où d’autres ont échoué avant vous? On pense ici aux publications satiriques romandes de ces dernières années, comme «1er degré – Le journal des gens aisés » ou encore «Saturne», qui ont eu une vie très courte.

Barrigue: Cela fait 30 ans que j’ai quitté Paris pour venir vivre en Suisse. Eh bien, depuis 30 ans, je ressens le besoin d’avoir ici un journal type Le Canard enchaîné ou Charlie Hebdo. Il y a une lacune dans ce domaine en Suisse romande, que nous souhaitons combler. Notre ambition est d’arriver à un tirage allant de 10’000 à 15’000 exemplaires et d’avoir entre 3500 et 5000 abonnés. C’est jouable, à condition de ne pas faire ce qui a déjà été tenté auparavant.

Je compte donc pour réussir sur une équipe de chroniqueurs et de caricaturistes suisses confirmés, comme Plonk & Replonk, Mix et Remix, et de dessinateurs français qui travaillent pour le quotidien Le Monde. Il s’agit là de journalistes que les gens ont l’habitude d’écouter ou de lire. C’est important de reconnaître une plume, de s’y retrouver. Cette équipe-là, dynamique, expérimentée, saura rester iconoclaste. Elle tirera sur tout ce qui bouge et apportera ses surprises dans la manière de traiter l’information.

swissinfo.ch: Vous êtes d’origine française. Les Français sont frondeurs, volontiers insolents. Pensez-vous que cela vous aidera plus que d’autres à installer un vrai climat journalistique satirique?

Barrigue: J’entends ça depuis 30 ans: comment peut-on faire de l’humour en Suisse, me demande-t-on, quand on vient de Paris? Je réponds toujours que j’ai quitté Paris pour fuir le nombrilisme parisien. Les Français adorent se moquer des Suisses et des Belges notamment, mais ils se moquent difficilement d’eux-mêmes.

En matière d’autodérision, les Suisses se montrent beaucoup plus forts, plus libres aussi. Il suffit pour s’en convaincre d’aller voir des humoristes comme Vincent Kohler, Frédéric Recrosio ou Lambiel. Il y a donc une demande à ce niveau-là.

Je sais que le public romand apprécie le rire. Il nous reste à le satisfaire en lui proposant un humour fait non seulement par des Genevois ou des Lausannois, mais aussi par des Valaisans, des Neuchâtelois, des Fribourgeois… Des journalistes de tous les cantons qui nous élargissent le bassin de population.

swissinfo.ch: «Mille futurs lecteurs sont déjà avec nous!», dit le site de Vigousse du 2 octobre. Parmi les abonnés, il y a Pascal Couchepin, ça c’est vous qui l’affirmez dans une interview. Est-ce vrai?

Barrigue: Oui, c’est vrai, pourquoi voulez-vous que ce soit faux? Je suis, en effet, allé voir Couchepin pour lui demander une aide financière. Il me l’a refusée, mais il m’a dit: «Tu peux annoncer en revanche que je serai le premier abonné de ton journal, ça fera chier tout le monde».

Ceci dit, je reçois un soutien gigantesque de la part de beaucoup de personnes, dont le bras droit de Couchepin précisément. Il a l’intention de nous prendre entre 800 et 1000 abonnements pour les consulats et ambassades suisses dans le monde.

swissinfo.ch: A combien s’élève votre budget de fonctionnement?

Barrigue: A un million de francs par an. Pour vivre, nous comptons bien sûr sur les abonnés, les ventes en kiosque et la pub.

Ghania Adamo, swissinfo.ch

De son vrai nom Thierry de Barrigue de Montvallon, né en 1950 à Neuilly-sur-Seine (France). Il est le fils du dessinateur Piem. Sa première publication remonte à 1971, dans le magazine «Extra».

Durant les années 1970, il travaille comme journaliste et dessinateur pour plusieurs organes de presse dont «Rock & Folk», «Le Point», «Le Matin de Paris» ou encore «France Soir».

Il s’installe plus tard en Suisse romande où il devient célèbre, à partir de 1979, grâce à ses caricatures parues dans «La Tribune de Lausanne», devenue «Le Matin».

Il publie plusieurs recueils de ses dessins et participe à diverses émissions de la Télévision Suisse Romande (TSR), dont «Le fond de la corbeille».

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