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Barrigue, le goût du foot – sans être dupe

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«Heureux Foot», c'est le titre de la plaquette que publie le dessinateur de presse Barrigue. Un condensé de ses dessins publiés depuis l'Euro 2004. Rencontre.

Après 29 ans de bons et loyaux services au quotidien romand ‘Le Matin’, le dessinateur franco-suisse Barrigue a quitté la maison en avril. Ses divergences de vue avec la ligne suivie par le journal, de plus en plus «de boulevard», ne datent pas d’hier…

Quoi qu’il en soit, c’est donc avec une position différente de celle qu’il connaît depuis près de trois décennies que Thierry Barrigue va suivre l’événement suisse de l’année, l’Euro 2008.

swissinfo: «Heureux Foot», c’est un ‘best of’?

Barrigue: Oui, c’est un ‘best of’ depuis 2004. L’Euro au Portugal, la qualification pour le Mondial en Allemagne, puis le Mondial… Moi j’aime bien le sport en général. Pour le sport, mais aussi pour sa dimension de reflet de la société. Si on pense au Paris Saint-Germain et à la fameuse banderole à propos des Chtis… Cela montre comment le sport – le foot en particulier – a été pris en otage par le fascisme et le populisme; ça, il ne faut pas l’oublier.

Au-delà, ça m’a amusé de faire ce bouquin, parce que la Suisse organise quand même rarement un événement de cette dimension. C’est donc important de sortir un livre à cette occasion, d’être présent pour des dédicaces, c’est de l’événementiel.

swissinfo: En matière de dessin de presse, on sait que les caricatures qui touchent à la religion entraînent souvent des réactions outrées. Le ‘dieu foot’ aussi ?

B.: J’ai eu effectivement d’énormes réactions. Une en particulier ? Pendant la Coupe du Monde, j’avais fait un dessin politiquement très incorrect. L’équipe de Suisse avait rencontré la France, puis le Togo. Sur mon dessin, elle voit arriver des joueurs noirs sur la pelouse et l’un des Suisses dit: «Quoi, on joue encore contre la France?»

C’est très politiquement incorrect, parce que cela peut être perçu comme étant quasiment Front national! Alors que je me suis juste amusé à constater que si, effectivement, dans les années 50, les joueurs étaient blancs, maintenant ils sont noirs! Voilà. Mais ça, on ne peut pas le dire. Cela a été un tollé en France, j’ai été insulté, j’ai reçu des menaces de mort!

swissinfo: Vous avez quitté la rédaction du quotidien ‘Le Matin’. Comment vous apprêtez-vous à suivre l’Euro 08?

B.: Je ne ferai pas de dessin dans un quotidien… à moins que je n’en retrouve un d’ici-là. Mais je ne recherche pas ça dans l’immédiat. J’ai mon site internet, cela me permet aussi de réagir à l’actualité en fonction de mes envies, de mes coups de gueule; ça, il faut que je continue, parce que j’ai toujours des choses à dire.

Pour le reste, je vais le suivre surtout dans des lieux publics, où il y a des rassemblements devant une télévision… pour pouvoir y être en relation avec les gens et y dédicacer mon bouquin. J’aurais pu essayer d’avoir des places grâce à des amis, mais je trouve qu’on voit mieux à la télévision!

swissinfo: Barrigue, vrai supporter qui hurle devant sa télé?

B.: Oui, si le jeu est beau et qu’il y a de l’enthousiasme! Personnellement, je me suis mis à suivre le hockey, parce que le jeu est beaucoup plus rapide, on s’embête moins. Mais de manière générale, oui, je suis pour les émotions, les émotions de gamin. J’ai adoré le foot, j’ai été un vrai supporter de Saint-Etienne.

Et je peux être un peu chauvin: si les Suisses marquent un but, je suis assez content. Surtout contre les Français! Le complexe de supériorité français face aux ‘petits Suisses’, c’est rigolo… Ils ont appris à connaître la Suisse, ces derniers temps. Ça m’amuse, quand David peut éventuellement aller chatouiller Goliath, surtout quand Goliath a des chevilles qui enflent à longueur d’années!

swissinfo: Comment réagissez-vous au fait que le football draine tout ce qu’il draine en agressivité, en nationalisme, en racisme parfois?

B.: Cela me pose problème. Quand je vais dans un stade et que je vois des faces d’ahuris, pour être gentil, qui ont manifestement un problème d’éducation et de culture, ça m’inquiète. Brassens chantait «A plus de trois on est une bande de cons», et bien cela se vérifie souvent dans les stades. Et là, j’ai de moins en moins envie d’y aller.

Il faut quand même dire que ce sport est gangrené par ça, mais qu’il est tout aussi gangréné par l’argent. Les salaires des joueurs, c’est absolument amoral. On croirait le salaire d’Ospel quand il était à l’UBS. Non, c’est même plus qu’Ospel! Franchement, ce n’est pas très éducatif, ni pour les enfants, ni pour les adolescents, ni pour la société en général.

Interview swissinfo, Bernard Léchot

Barrigue, franco-suisse, est né Thierry de Barrigue de Montvalon en 1950, à Neuilly-sur-Seine.

Dessinateur-journaliste depuis 1972, il a collaboré notamment à Rock & Folk, La Quinzaine littéraire, L’Unité, Le Point, Télérama, Le Journal du Dimanche, Le Matin de Paris, ou France-Soir.

Engagé en 1979 comme dessinateur de presse au quotidien suisse Le Matin, il a quitté celui-ci en avril de cette année.

Ses «Barricatures» sont publiées chaque année en albums.

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