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Benno Besson, la félicité légère

Gringoire, une fable de Théodore de Banville. Mario Del Curto

Le metteur en scène romand crée à Lausanne une farce de son compatriote René Morax, précédée d'un conte de Théodore de Banville.

Actuellement à l’affiche du Théâtre de Vidy, les deux pièces, très bien jouées, sont promises à une longue tournée suisse. A voir absolument.

Une joie de théâtre saine, simple, rare. On l’a senti chez le public, on le ressent encore, ce contentement voisin de la félicité légère que seuls les enfants savent d’instinct éprouver et que les adultes peuvent parfois retrouver. C’était l’autre soir dans la grande salle du Théâtre de Vidy, pleine à craquer.

L’Yverdonnois Benno Besson – 81 ans – y crée donc deux pièces présentées au cours d’une même soirée: «Gringoire», une fable du Français Théodore de Banville (1823-1891), et «Les quatre doigts et le pouce ou la main criminelle», une farce paysanne du Vaudois René Morax (1873-1963).

A celui qui penserait que ce dyptique n’est qu’une parenthèse festive dans la longue expérience théâtrale de Besson, on répondra qu’il se trompe. Que l’ancien collaborateur de Bertolt Brecht et l’ex-directeur de la Volksbühne de Berlin et de la Comédie de Genève réussit ici une révérence à l’art dramatique, aussi audacieuse que drôle.

Regard sur le passé

Arrivé en fin de parcours, oserait-on dire, Besson se retourne sur sa vie artistique. Et qui voit-il? Lui-même d’abord. Ah! le malin plaisir de s’auto-citer et de se faire élégamment la nique en donnant à la farce de René Morax l’atmosphère carnavalesque des nombreux spectacles comiques que l’Yverdonnois a montés, comme «Quisaitout et Grosbêta».

Mais dans le regard que Besson pose sur le passé, brille aussi l’image d’un certain Carlo Gozzi. Dramaturge italien dont il a mis en scène plusieurs pièces et qu’il salue dans «Gringoire», comédie fantastique sur la vanité du pouvoir. Le pouvoir de l’amour, de l’art, de l’argent.

«Cela sent son terroir gaulois», dit l’un des personnages de «Gringoire». Et «cela sent son terroir vaudois», voudrait-on ajouter au sujet des «Quatre doigts».

Conte et pochade

D’un côté, donc, un conte merveilleux situé dans la France du Moyen-Age, avec noblesse inquiète et peuple rêveur. Et de l’autre, une pochade, avec comme lieu d’action un théâtre campagnard sis à Villars-les-Biolles.

Dans la fiction, ce théâtre-là René Morax l’a voulu pétri d’humanité tendre et cocasse. Il ne pouvait en être autrement chez celui que l’on considère comme le père du théâtre populaire romand, le fondateur aussi de la Grange Sublime à Mézières.

Théâtre dans le théâtre donc, et fiction dans la réalité avec ces «Quatre doigts» mené fou-rire battant par les fidèles acteurs de Besson -Roger Jendly et Gilles Privat en tête.

Pont entre le Moyen-Age et le 20e siècle

Sur la scène de Vidy, ces acteurs jouent aux acteurs. Ils interprètent devant un public fictif un divertissement où un couple qui s’aime succombe à ses amours interdites. Du «Roméo et Juliette» joyeusement détourné.

C’est dans un immense souk d’accessoires, où les comédiens vont chercher leurs parures pour une turquerie moliéresque, que le récit s’enracine pour cheminer ensuite vers la farce. Au milieu de ce souk, les restes du décor de «Gringoire», joué en première partie.

Alors tout s’éclaire: les comédiens imaginés par René Morax sont ceux-là mêmes qui une heure auparavant interprétaient la pièce de Théodore de Banville.

Et voilà le pont jeté entre le Moyen-Age et le 20e siècle. Plusieurs décennies d’histoire du théâtre que Besson brasse dans un même mouvement, mettant Morax sur les pas de Shakespeare, de Molière ou de Labiche. Plaçant aussi Théodore de Banville dans la lignée d’un Carlo Gozzi. Tous des auteurs que Besson a portés à la scène.

swissinfo, Ghania Adamo

– «Gringoire» suivi de «Les quatre doigts et le pouce ou la main criminelle». Lausanne, Théâtre de Vidy; jusqu’au 7 mars.

– Tournée suisse: Neuchâtel, du 9 au 11 mars. Sierre, le 13 mars. Yverdon, les 16 et 17 mars, Fribourg, le 19 mars. Sion, le 24 mars. Gland, le 26 mars, Bulle, le 31 mars. Monthey, le 2 avril. Berne, le 5 avril. Mézières, du 14 au 18 avril. Morges, le 21 avril. La Chaux-de-Fonds, le 24 avril. Meyrin (GE), du 26 au 30 avril.

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