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Benoît XVI, successeur de Jean-Paul II

Le nouveau pape suscite espoirs et craintes. Keystone

Le cardinal allemand Joseph Ratzinger, élu pape mardi sous le nom de Benoît XVI, représente la continuité du règne de Jean Paul II dont il était très proche.

C’est ce qu’indiquent les premières réactions enregistrées tout de suite après son élection. Mais d’autre voix dénoncent déjà le conservatisme du nouveau pape.

«C’est un bon choix. La continuation de Jean Paul II. Il poursuivra la mission de notre cher pape», affirme à Gdansk, en Pologne, le chef historique du syndicat polonais Solidarité, l’ancien président Lech Walesa, un proche du pape défunt.

Le chancelier allemand Gerhard Schroeder salue en Benoît XVI le «digne successeur de Jean Paul II» et relève «l’honneur fait à l’Allemagne».

Le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan a sobrement félicité le nouveau pape, estimant que le cardinal Ratzinger «apporte une très grande expérience à cette fonction élevée».

Le président français Jacques Chirac a adressé ses voeux et assuré que «la France, fidèle à son histoire (…) poursuivra le dialogue confiant qu’elle a toujours entretenu avec le Saint-Siège, en particulier dans les combats communs au service de la paix, de la justice, de la solidarité et de la dignité de l’homme».

Les latinos bons perdants

L’Amérique latine, qui regroupe la moitié des 1,1 milliard de catholiques du monde et qui, de ce fait pouvait espérer voir un nouveau pape sortir du sous-continent, n’en a pas moins adressé ses voeux à Benoît XVI.

Le président argentin Nestor Kirchner, qui déteste quitter son pays, a fait part de sa volonté de se rendre au Vatican. La Conférence épiscopale vénézuélienne, le gouvernement nicaraguayen ou l’archevêque de Panama José Cedeno ont salué le nouveau pontife.

Mgr Cedeno a fait remarquer que le cardinal Ratzinger, une fois n’est pas coutume, «est entré pape au conclave et en est ressorti pape», mettant fin à la malédiction qui pesait sur les favoris au moment des conclaves.

Côté suisse


«En communion avec toute l’Eglise», la Conférence des évêques (CES) se réjouit de l’élection de Benoît XVI. «Nous invoquons Dieu pour que les chemins de l’unité des chrétiens puisse converger encore davantage dans la confession de la foi commune en Jésus-Christ et la conscience de nos mutuels enrichissements», écrit la CES.

«C’est quelqu’un qui a une immense expérience; il connaît parfaitement l’Eglise universelle, il sait exactement où se situent les problèmes et les défis et où peuvent être les solutions», a déclaré pour sa part Mgr Amédée Grab, président de la CES.

Le président de la Confédération Samuel Schmid a envoyé un télégramme de félicitations au nouveau pape. Au nom du gouvernement et du peuple suisse, il lui a souhaité un pontificat fructueux.

De son côté, le ministre de l’économie Joseph Deiss, qui avait accueilli Jean Paul II lors de sa dernière visite en Suisse en juin 2004, a estimé que, de par leur choix, les cardinaux avaient mis l’accent sur la continuité.

Thomas Wipf, président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, espère que l’Eglise catholique romaine ne va pas seulement suivre la ligne du cardinal Ratzinger et que l’esprit d’ouverture vis-à-vis des autres églises chrétiennes ne sera pas perdu.

A juger sur pièces


Grand critique de la papauté, le théologien suisse Hans Küng veut jauger le nouveau pape d’après ses actes. Son élection constitue néanmoins «une immense déception» pour tous ceux qui avaient espéré un souverain pontife réformiste, a-t-il souligné.

«Mais il faut attendre», ajoute Hans Küng, 77 ans, dans une déclaration écrite diffusée après l’élection de Joseph Ratzinger. La fonction de chef de l’Eglise est un tel défi qu’elle peut transformer chaque personne choisie.

Le contestataire lucernois rappelle à cet égard l’élection de Paul VI, qui a fait d’un cardinal progressiste un pape conservateur. Chez Jean XXIII, c’est le contraire qui s’est produit.

Premiers signaux décisifs


Les premiers signaux émis par Benoît XVI seront décisifs, affirme Hans Küng: ses nominations aux principaux postes de la Curie, son discours inaugural, sa première encyclique, ses commentaires sur l’enseignement, la morale et la discipline.

Pour Hans Küng, le nouveau pape se retrouve en tout cas «devant des devoirs colossaux» que Jean-Paul II n’a pas accomplis: égalité de l’homme et de la femme à tous les niveaux de l’Eglise, intégration active des laïcs, promotion de l’oecuménisme, collégialité du pape avec les évêques et décentralisation du pouvoir dans l’Eglise.

Des sifflets au Vatican


Sur la place Saint Pierre de Rome non plus, tout le monde n’a pas ovationné le nouveau pape. De nombreux sifflements de colère ont été perçus parmi les quelque 200’000 personnes présentes au Vatican et certains ont également quitté les lieux juste après l’apparition du souverain pontife.

Donatella, une étudiante de 23 ans venue avec plusieurs amis, n’a pas attendu longtemps avant de remballer ses affaires et repartir dans les rues de la capitale italienne. «On n’est pas très satisfaits», dit cette jeune fille qui se présente comme une «fan de Jean Paul II». «On attendait (le cardinal italien Carlo Maria) Martini», dit-elle dépitée.

Carlo Maria Martini, 78 ans, ancien archevêque de Milan était considéré comme un des chefs de file du courant progressiste au sein du conclave des 115 cardinaux.

Durcissement


«On va vers un durcissement du dogme», regrette pour sa part Nicola Froggio, qui enseigne la religion. «C’est un retour en arrière, même si l’on peut espérer qu’un homme change quand il devient pape», ajoute ce Romain de 60 ans.

Lundi, en tant que doyen du Sacré collège, Joseph Ratzinger avait prononcé l’homélie de la messe précédant l’entrée en conclave des 115 cardinaux. Il avait alors fermement condamné «la dictature du relativisme» et fait le procès de ceux qui, dans l’Eglise, se laissent séduire par des «courants de mode».

Sur la place Saint-Pierre, Say McGettigan, une étudiante californienne de 20 ans, n’est pas rassurée par le nouveau pape. «Ratzinger est fortement conservateur et il est susceptible de briser tous les efforts de Jean Paul II sur le dialogue intercommunautaire et interreligieux», explique-t-elle.

swissinfo et les agences

Beaucoup d’observateurs s’attendaient à ce que le cardinal Ratzinger, en cas d’élection, prenne le nom de Jean Paul III, en signe de continuité.

Mais le nom de Benoît XVI, prisé des parieurs, n’est pas forcément une surprise. Il était plutôt envisagé comme le symbole d’un revirement vers des politiques réformistes. Benoît XV, élu en 1914, tourna notamment le dos au rigorisme anti-modernité de son prédécesseur Pie X.

Paradoxalement, Joseph Ratzinger est considéré comme le chef de file des conservateurs.

Pour le cardinal suisse Georges Cottier, il faut chercher le motif de ce choix dans le combat de Benoît XV, «grand apôtre de la paix durant la Première Guerre mondiale».

«Cela a probablement une signification pour Joseph Ratzinger», a ajouté Mgr. Cottier, qui a bien connu le nouveau pape.

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