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Berne défend UBS à Washington

Le Secrétaire d'Etat Michael Ambühl, no 2 du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE), a multiplié les contacts à Washington. Keystone Archive

En visite aux Etats-Unis, le Secrétaire d'Etat Michael Ambühl vient de boucler une série d'entretiens au cours desquels il a défendu UBS, accusée d'évasion fiscale, ainsi que le contrat gazier signé par la firme suisse EGL avec l'Iran en mars dernier.

Michael Ambühl qualifie notamment de «très productif» l’entretien qu’il a eu à Washington avec le nouveau numéro trois du Département d’Etat, William Burns, le Secrétaire d’Etat américain adjoint chargé des Affaires Politiques.

Avec William Burns, comme avec la plupart de ses autres interlocuteurs (y compris le ministre adjoint de l’Economie et des Finances, Stuart Levey, et le président de la sous-commission de la Chambre sur le Proche-Orient, Garry Ackerman), les entretiens ont été dominés par l’affaire d’évasion fiscale qui frappe l’UBS et par le contrat de gazier signé par la compagnie suisse EGL avec l’Iran.

«J’ai réaffirmé l’offre des autorités suisses de coopérer avec le gouvernement américain dans le cadre légal existant», explique Michael Ambühl interrogé par swissinfo.

Mais le diplomate suisse lance aussi un avertissement aux Etats-Unis. «Nous nous attendons à ce qu’aucune mesure unilatérale ne soit prise contre UBS pour obtenir des renseignements en Suisse, du moment que la coopération continue».

Tant qu’il y était, Michael Ambühl a rappelé à ses interlocuteurs américains qu’UBS, comme Crédit Suisse, s’est retirée d’Iran depuis 2006. Il s’agissait pour le diplomate helvétique de souligner que, contrairement à ce que les Américains pensent, la Suisse applique déjà des sanctions contre l’Iran.

Une entreprises privée

Dans une interview accordée récemment à swissinfo, le numéro deux des Affaires Européennes au Département d’Etat américain, Kurt Volker, avait appelé la Suisse à se joindre aux Etats-Unis et à l’Union Européenne en sanctionnant l’Iran dans le cadre des résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Par ailleurs, Kurt Volker avait jugé que le contrat d’exportation de gaz naturel signé avec l’Iran par la firme suisse EGL et applaudi lors d’un voyage a Téhéran par la ministre suisse des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, constituait «une erreur».

Mais pour Michael Ambühl, il n’y a aucune raison de ne pas soutenir ce contrat de gazier.

«Ce contrat est en conformité avec le régime de sanctions de l’ONU, dit-il. Et si la Suisse était le 51ème Etat des Etats-Unis, il serait même en conformité avec la loi votée par le Congrès sur les sanctions américaines contre l’Iran», lance le diplomate.

Avant de souligner que «le contrat n’a pas été conclu par le gouvernement suisse, mais par une entreprise privée et qu’il répond aux intérêts stratégiques à long terme de la Suisse en matière de diversification de son approvisionnement en énergie».

Des professionnels

Reste que le dossier iranien était particulièrement sensible à Washington pendant la visite de Michael Ambühl. En raison surtout des essais de missiles de moyenne et longue portée effectués lundi et mardi par la République islamiste.

«Les essais iraniens ne sont pas vraiment une surprise après les déclarations, il y a trois semaines, d’un responsable israélien qui disait qu’Israël se préparait à une attaque possible contre l’Iran», note au passage Michael Ambühl.

Le diplomate indique cependant que «tous mes interlocuteurs américains sont des professionnels qui comprennent très bien que le contrat gazier n’a rien à voir avec les tirs de missiles». Il ajoute que «la poursuite du mandat de représentation des intérêts américains par la Suisse en Iran n’a pas été remise en question».

Le contrat gazier provoque néanmoins une telle préoccupation aux Etats-Unis qu’à sa demande, diplomate a été reçu par Howard Kohr, le directeur d’AIPAC, le plus influent groupe de pression de la communauté juive américaine auprès du Congrès et de la Maison Blanche qui se définit lui-même comme «le lobby pro-Israël de l’Amérique».

Les conseillers de Barack Obama et John McCain

Un œil fixé sur l’horizon présidentiel américain et l’avenir des relations entre la Suisse et les Etats-Unis, Michael Ambühl a aussi demandé à rencontrer des conseillers en politique étrangère de Barack Obama et de John McCain, les candidats démocrate et républicain à la succession de George Bush.

Il s’est entretenu avec le Démocrate Robert Gelbard et le Républicain Richard Armitage, tous deux vieux routiers des questions internationales et bien connus des milieux diplomatiques helvétiques.

Michael Ambühl a trouvé ces conseillers de Barack Obama et John McCain «très intéressés et bien informés sur la Suisse», mais il a trouvé «l’exposé qu’ils ont fait du programme de politique étrangère de leurs candidats respectifs marqué par les nuances auxquelles il fallait s’attendre».

«Qu’il y ait une présidence ‘McCain’ ou ‘Obama’, il y aura des changements par rapport à l’Administration Bush, mais quant à l’importance de ces changements, cela reste à voir», conclut Michael Ambühl

swissinfo, Marie-Christine Bonzom à Washington

La visite de Michaël Ambühl à Washington a eu lieu une semaine avant une audience au Sénat sur les pratiques bancaires en Suisse et au Liechtenstein. Une sous-commission a annoncé vendredi avoir inclus ces deux pays parmi «les paradis fiscaux» qui peuvent «faciliter l’évasion fiscale».

Le fisc et le ministère public américains accusent UBS d’aider de riches clients domiciliés aux Etats-Unis à cacher des avoirs et à frauder sur leurs impôts. L’UBS assure qu’elle collabore avec l’enquête des autorités américaines, tout en respectant le secret bancaire qui prévaut en Suisse.

L’ancien gestionnaire de fortune de l’UBS, Bradley Birkenfeld, comparaît actuellement devant un tribunal de Floride pour avoir aidé des clients américains à pratiquer de l’évasion fiscale. Il s’est déclaré coupable à l’ouverture de son procès le 19 juin.

La ministre Suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey s’est rendue en Iran les 16 et 17 mars.

L’objectif de sa visite officielle était triple: évoquer le dossier du nucléaire, aborder la question des droits de l’homme et assister à la signature d’un gros contrat gazier entre la société nationale iranienne et une entreprise suisse.

Ce contrat, signé par EGL et la Société nationale iranienne d’exportation de gaz (NIGEC), permettra d’acheminer du gaz iranien en Italie via le gazoduc Trans-Adriatic Pipeline (TAP, 520 km), que l’entreprise zurichoise compte construire d’ici 2011.

Dès sa signature, l’ambassade américaine à Berne a dénoncé cet accord, estimant qu’il violait l’esprit des sanctions de l’ONU contre la république islamique.

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