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Berne dit non à un 2e tunnel routier au Gothard

Le tunnel a enregistré un record en 2000 avec 6,8 millions de véhicules. Keystone

Pour le Conseil fédéral, le percement d’un second tube routier au Gothard n’est pas indispensable. Et ce, même si la réfection complète du tube de 17 km, entre 2020 et 2025, entraînera la fermeture de l’ouvrage pendant 900 jours. Les riverains sont consternés.

Pour l’Exécutif, le percement d’un second tunnel sous le massif du Gothard entraînerait inexorablement un accroissement de la capacité de l’axe routier nord-sud, ce qui serait contraire à la volonté du peuple et des cantons et exigerait une modification de la Constitution fédérale.

De plus, l’ouvrage, dont le coût atteindrait les 2,023 milliards de francs, ne pourrait pas être achevé à temps pour le début des travaux de réfection de l’actuel tunnel routier, qui aura 40 ans à l’horizon de 2020, relève encore le Conseil fédéral.

D’ici 10 à 15 ans, il s’agira notamment de rénover les installations techniques et d’élargir l’espace utile, la hauteur de la voûte devant passer de 4 m à 4 m 80.

Deux options sont privilégiées: une fermeture annuelle sur deux ans et demi devisée à 650 millions de francs et une fermeture 280 jours par an, entre mi-septembre et fin juin, pour un coût de 752 millions.

Colère et résignation

A la fois fâché et déçu, Marco Borradori, le chef du Département tessinois du territoire, cachait mal sa colère vendredi. «Je n’ai pas encore eu le temps de prendre connaissance du dossier qui nous a été remis il y a moins d’une heure!»

«Mais à ce stade, je ne peux que regretter amèrement que le canton du Tessin, le premier concerné par cette fermeture, n’aie jamais été associé sur le plan politique  au processus d’élaboration des variantes présentées aujourd’hui, s’insurge le conseiller d’Etat. Et peut importe la formule qui sera retenue, il s’agit de 900 jours de fermeture, et nous avons vu l’impact négatif de la fermeture de deux mois après l’accident de 2001.»

«Je ne suis pas vraiment surpris, on s’attendait à cette variante», a indiqué Filippo Lombardi, alors que le sénateur tessinois prenait connaissance du dossier de l’Office fédéral des routes (OFROU), sur lequel le Conseil fédéral s’appuie dans sa réponse à un postulat d’une commission du Conseil des Etats (sénat).

Le démocrate-chrétien espère néanmoins pouvoir encore «négocier sur quelques aspects pour alléger l’impact sur l’économie locale». Une rencontre politique entre la conseillère fédérale Doris Leuthard et les autorités tessinoises a été fixée au 24 janvier.

Prudence alémanique

Le ministre uranais Markus Züst, espère encore pouvoir convaincre le Conseil fédéral du bienfondé de la variante dite uranaise: «Nous pensons que la meilleure solution reste celle du percement d’un second tube, sans travaux pour l’actuel ouvrage qui serait mis hors service», a-t-il commenté.

Il y a quelques jours, le gouvernement uranais avait fait savoir il y a quelques jours déjà, que «cette formule permettait d’éviter un accroissement des capacités sur cet axe», et partant, respectait la volonté du peuple et des cantons.

En attendant, dans les Grisons, une augmentation inévitable du trafic poids-lourds sur l’axe du San Bernardino préoccupe les autorités cantonales. Et si pour l’heure, les cantons alémaniques restent prudents, au Tessin on compte sur leur soutien: «Il est important que Zurich et les Grisons notamment, s’expriment à leur tour et fassent comprendre au Conseil fédéral la gravité et les conséquences d’une fermeture aussi longue», espère Fabio Abate, conseiller national libéral-radical tessinois.

«Sans leur appui, l’affaire aura encore une fois l’air de ne concerner que le Tessin», ajoute l’édile qui dit se préoccuper aussi des réactions de l’étranger, de l’Allemagne et de l’Italie notamment: «Je ne pense pas que Rome va rester les bras croisés, sachant ce tronçon sur un axe routier essentiel à son économie va être durablement fermé», s’inquiète Fabio Abate.

Impasse prévisible

Concernant les conséquences économiques, elles sont à prendre au sérieux, admet la  ministre des transports. «Le canton d’Uri va se transformer en une impasse, celui du Tessin sera coupé du reste de la Suisse alors que le Valais et les Grisons craignent de voir déferler des hordes de camions et de voitures. La discussion politique s’annonce complexe», reconnaissait Doris Leuthard, vendredi à Berne.

Néanmoins, «nous avons une certitude: la fermeture totale du tunnel ne peut pas être évitée», a souligné la ministre. Des solutions vont donc devoir être mises en place en matière de trafic. On dénombre plus de 30’000 véhicules par jour en période de pointe, a rappelé Rudolf Dieterle, directeur de l’OFROU. Une partie pourra passer par le col, mais il faudra procéder à l’amélioration du transit sur une route très sinueuse.

Transferts à l’étude

L’OFROU pense également à augmenter la fréquence des transports de marchandises par le tunnel ferroviaire de base du Gothard. On pourrait faire passer deux navettes chaque heure dans les deux sens, a observé Rudolf Dieterle. Pour le transport des personnes, le ferroutage est envisagé par le tunnel de faîte du Gothard entre Göschenen et Airolo.

Ces mesures ne suffiront toutefois pas à empêcher les répercussions négatives d’une fermeture à long terme du tunnel, reconnaissent les autorités fédérales. Les cantons d’Uri et du Tessin vont continuer à participer à la planification de la réfection du tunnel. Quant aux cantons des Grisons et du Valais, ils vont être inclus dans ce processus de planification. La bataille politique autour du Gothard ne fait peut-être que commencer.

En service depuis plus de trente ans, le tunnel du Gothard avait été franchi par près de 160 millions de véhicules à la fin 2009. En 2000, l’année record, la galerie avait été traversée par 6,8 millions de voitures et camions.

Composé d’un tube bidirectionnel et d’une galerie de sécurité parallèle, il est long de 16,7 km. Il est à ce jour le plus long tunnel routier à travers les Alpes et le 3e au monde.

Les coûts d’entretien annuels s’élèvent à quelque 20 millions de francs pour 12 millions de frais d’exploitation.

Le 24 octobre 2001, une collision entre deux camions provoque la mort de 11 personnes. La facture des dégâts s’élève à 14 millions de francs. Le tunnel restera fermé durant deux mois.

Pour accroître la sécurité à l’intérieur du tube bidirectionnel, l’infrastructure du tunnel a fait l’objet de divers travaux, dont le renouvellement de la ventilation et l’amélioration de la signalisation des issues de secours et la sonorisation.

Des dispositions ont aussi été pris au niveau de la gestion de la circulation, avec le système dit du compte-gouttes. Ce dernier a permis de stabiliser le passage du nombre de camions à environ 3500 par jour en moyenne.

En 2008, les cantons d’Uri et du Tessin, riverains de l’axe du Gothard, ont déposé chacun une initiative demandant à la Confédération d’accéléer le transfert des marchandises de la route au rail, par la mise en place d’une bourse de transit alpin.

Un rapport de 74 pages

rédigé par l’Office fédéral des routes (OFROU) a été remis aux cantons concernés, pour leur présenter les deux variantes retenus par le Conseil fédéral.

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