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Bon départ pour le ferroutage Nord-Sud

Une amélioration de la fréquentation devrait diminuer les subsides de la Confédération qui s’élèvent actuellement à 450 francs par camion. Keystone

Deux mois après son introduction, le couloir de ferroutage, entre Fribourg (Allemagne) et Novare (Italie), séduit les conducteurs de camion. Reste encore à prouver concrètement les bienfaits de ce passage de la route au rail sur l'environnement. Reportage.

Hupac, une compagnie suisse de transport, mandatée par les Chemins de Fer Fédéraux (CFF), assure le transit des poids lourds entre Fribourg-en-Brisgau et Novare, soit une distance de 410 km. Cinq trains journaliers assurent le passage de 170 camions de 40 tonnes dans les deux sens.

Profiter de la climatisation d’une cabine

«L’avantage de cette route, c’est que mon camion transporte ses marchandises pendant que je dors», explique Salvatore Marchesi. Ce Milanais se prépare à faire grimper son 40 tonnes sur le rail. Nous sommes à l’embarquement de Fribourg à 7 h 30 du matin. La température est déjà caniculaire.

Le conducteur nous fait comprendre que sa gorge est sèche. Une impression partagée par ses confrères à la recherche de boissons fraîches, et d’une bonne douche. «Je fais ce commerce depuis 20 ans, lance Salvatore Marchesi. Et je ne vous cache pas que par cette chaleur, j’aimerais mieux conduire et profiter de la climatisation de la cabine.».

Malgré ce couac caniculaire, les fonctionnaires des CFF saluent l’expérience qui devrait faire diminuer l’explosion du trafic poids lourds dans ce corridor. «Nous sommes à 74% de l’utilisation de nos capacités de transport, alors que nous escomptions les deux tiers seulement, explique Carlo Degelo, directeur de RAlpin, une joint venture des CFF créée pour le fonctionnement de ce corridor.

Une dimension écologique

Pour le directeur de RAlpin, l’esprit écologique de cette expérience ne fait aucun doute et s’avère être économiquement intéressant pour de nombreux transporteurs. Cependant il faut relativiser. Pour preuve, quand le service sera complet, il n’absorbera que 5% du transit routier en Suisse.

«La traversée de la Suisse par le train me coûte 770 francs. Et les dépenses engendrées par la route sont plus conséquentes», explique Pons Timmer, un patron routier des Pays-Bas, corroborant ainsi la thèse du directeur de RAlpin.

Un autre grand avantage de ce transit ferroviaire n’est plus à prouver. Des centaines de conducteurs évitent ainsi les nombreux embouteillages du tunnel du Gothard sur l’autoroute A2.

La police uranaise a bloqué de nombreux poids lourds sur le bord de la route durant les fins de semaines et les jours fériés, pour ne pas retarder les vacanciers.

Toutefois, tout le monde n’a pas profité du train comme il le faudrait. Alors que le week-end dernier, une grande quantité de camions étaient bloqués au Gothard, un convoi entre l’Allemagne et l’Italie ne comptait que huit wagons occupés sur 17.

Eviter des amendes

«Les entrepreneurs ne font pas leurs calculs correctement», explique Rudolph Haag, directeur de l’agence qui opère en collaboration avec Hupac à Fribourg-en-Brisgau. Et d’ajouter que le gain de temps et d’argent est évident en utilisant le service de ferroutage.

La preuve apportée par Rudolf Haag en matière de calcul semble pourtant évidente. Par la route, un poids lourd de 40 tonnes paie 300 francs de taxe routière plus 40 francs de formalités douanières et 70 francs de supplément pour charge lourde. A cela s’ajoutent 150 francs de fuel.

Le total de 560 francs est légèrement inférieur au ticket de jour (580 francs) et de nuit (770 francs). Mais il faut compter avec l’usure du camion et de ses pneus pour une distance de 350 kilomètres, soit 250 francs.

Sans oublier le risque d’amendes, notamment en matière de durée de travail. Les routiers n’hésitent pas à se mettre «hors la loi» en roulant plus longtemps que la norme. Un risque qui n’existe plus avec une traversée en train.

De plus, l’horloge de contrôle de repos peut être activée durant le trajet de neuf heures dans le train. Les conducteurs qui doivent respecter, selon les normes européennes, un temps de repos de 10 heures par jour évitent ainsi toute possibilité d’amende.

Informer les usagers

Si Bruxelles a accepté l’interdiction suisse de circuler la nuit. La Suisse doit, en contrepartie, garantir des services de ferroutage subventionnés, ce qui est le cas avec ce service nord-sud.

Les témoignages de satisfaction de routiers sont donc légions, mais il faut encore convaincre des utilisateurs potentiels.

Pour les dirigeants de la société RALpin, ce sera une tâche délicate. Pour preuve, les conducteurs européens ne prennent pas au sérieux les embouteillages du Gothard. De plus ils y sont souvent habitués et ne disent rien.

Pour palier ce problème, une campagne d’information va être mise sur pied. Elle devrait toucher les transporteurs européens concernés par la traversée de la Suisse.

Le ferroutage est une solution intermédiaire

«Le ferroutage doit malgré tout rester une solution intermédiaire, explique Carlo Degelo. Et d’ajouter «A long terme, les transports se feront uniquement par le rail, sans les camions dessus. Surtout quand les transversales ferroviaires alpines seront en fonction vers 2007.»

En attendant, le service actuel va être étendu à deux paires de trains supplémentaires d’ici à mai 2002. Ce qui assurera un service régulier espacé de deux heures seulement. 105 000 camions pourront utiliser ce service au lieu de 40 000 actuellement.

Une amélioration de la fréquentation devrait diminuer les subsides de la Confédération qui s’élèvent actuellement à 450 francs par camion. Mieux encore, la société Hupac devrait faire des bénéfices avant cinq ans. Des bénéfices qui pourrait permettre quelques améliorations pour le confort des chauffeurs.

En effet, le manque d’installations sanitaires et de services aux terminaux de Fribourg-en-Brisgau et Novare les ont fait souffrir durant la canicule. Et si de nouvelles voitures sont annoncées pour le transport, elles n’auront toujours pas de climatisation.

Markus Haefliger et swissinfo

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