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Bonne cuvée pour Porto Alegre

A Porto Alegre, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre la guerre en Irak. Keystone

Les Suisses tirent un bilan globalement positif du Forum social qui s'est terminé lundi à Porto Alegre, au Brésil. Même si certains critiquent son gigantisme.

Mais les avis divergent sur l’utilité d’une participation du gouvernement suisse à ce type de réunion.

«Certains politiciens suisses n’ont pas caché leur mépris pour le Forum social. Du genre: ici, on manifeste, à Davos, on travaille», dit le député socialiste Rudolf Strahm.

«En ce qui me concerne, ajoute-t-il, j’ai participé à Porto Alegre à des séminaires dont le niveau de discussion est au moins équivalent à celui d’une commission parlementaire.»

Pour sa part, Marina Decarro, de la Marche mondiale des femmes, ne tarit pas d’éloges.

«Je suis enthousiasmée. Des femmes ont évoqué à la tribune des thèmes complexes. Ce n’étaient pas des femmes alibis». Et pourtant: «Les thèmes spécifiquement féminins sont parfois encore mis de côté. Le Forum social doit mieux en tenir compte.»

Echo également positif du côté de Pierre Tillmans, député socialiste pour qui «le bilan est excellent». «Le thème d’une éventuelle guerre en Irak était omniprésent. Et c’est clair: tout le monde est contre.»

Il se réjouit particulièrement de la décision de la réunion de parlementaires d’envoyer une délégation en février à Bagdad.

Travail en réseau

«Le forum social a largement dépassé mes attentes», estime de son côté Beat Dietschy, président de la Déclaration de Berne (DB), également organisatrice du «Public Eye sur Davos».

«Nous avons, dit-elle, pu jeter un pont entre Porto Alegre et Davos, et donc rappeler qu’il existe un autre Davos.»

Beat Dietschy a été impressionné de voir beaucoup de jeunes poser des questions très critiques et exiger clairement qu’ils souhaitent une alternative à la globalisation économique.

«Le Forum social est un puissant contrepoids à la globalisation néolibérale», explique Bruno Gurtner, de la Communauté de travail des six principales œuvres suisses d’entraide. «Tous vont maintenant rentrer chez eux gonflés à bloc pour rendre le monde meilleur.»

Présence de la Suisse officielle

Représentant les autorités suisses, Dora Rapold, de la Direction du développement et de la coopération (DDC), a également une bonne impression.

«Nous collaborons depuis des années avec des organisations non gouvernementales (ONG). Il est donc important de connaître leurs préoccupations et leurs opinions. Le forum est une chance unique de nouer des contacts avec autant d’organisations.»

Cette année, la DDC a envoyé quatre collaborateurs à Porto Alegre.

Gérald Pachoud, lui, représentait le ministère des Affaires étrangères. «Nous voulons garder le contact avec cette couche de la société de civile et suivre son évolution», précise ce spécialiste des Droits humains.

«Par exemple, le thème de l’eau était très fortement représenté. Je pense que bien d’autres milieux vont s’y intéresser bientôt.»

Les revers du succès

Cela dit, certains ont critiqué le gigantisme du Forum social. Cette année, les organisateurs annoncent 20 763 délégués venus de 156 pays et plus de 4000 journalistes. Ce qui a augmenté de quelque 100 000 personnes la population de cette ville du sud du Brésil, qui compte un million d’habitants.

«Certaines discussions ont dû se tenir dans le stade. Impossible dans ce contexte d’approfondir les débats», déplore Dora Rapold.

Jean Ziegler a parlé devant quelque 20 000 personnes, le discours de Noam Chomsky a dû être diffusé dans la plus grande salle et dans le foyer de l’université pour que tous puissent l’entendre.

«Porto Alegre a atteint la limite de l’efficacité», constate de son côté Rudolf Strahm.

Les forums régionaux prennent de l’importance

«Il est important de décentraliser afin que le mouvement puisse se développer», estime aussi Eric Decarro, président du syndicat VPOD et cofondateur du Forum social suisse. «Il faut créer un réseau de forums sociaux.»

Plus précisément, Eric Decarro voudrait qu’au Forum social suisse, l’on aborde avant tout des thèmes qui concernent la Suisse: le secret bancaire ou le rôle de la place financière dans la globalisation.

Hubert Zurkinden, secrétaire général des Verts, partage ce point de vue. «Ici, j’ai rencontré des Suisses que je ne connaissais jusqu’ici que de nom. C’est bien, mais on pourrait aussi faire connaissance chez nous.»

Le prochain sommet en Inde

Cette semaine, le comité du Forum mondial a annoncé que sa prochaine rencontre aura lieu en Inde.

A ce propos, une question semble diviser. La Suisse devrait-elle y déléguer un membre du gouvernement? Pour Fernand Cuche, député écologiste, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.

«Si ce forum est important pour qu’un parlementaire comme moi puisse prendre la température du monde, cela est nécessairement utile pour un conseiller fédéral.»

En revanche, ce n’est pas tout à fait l’avis de Gérald Pachoud, du ministère des Affaires étrangères. «Le Forum social n’est pas pensé pour des politiciens et des entrepreneurs».

«Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas y aller. Mais je ne sais pas du tout si le Forum lui-même le souhaite. La Suisse a d’autres moyens d’exprimer son soutien.»

swissinfo, Philippe Kropf, envoyé spécial à Porto Alegre
(Traduction: Isabelle Eichenberger)

Porto Alegre a accueilli 100 000 personnes
20 763 délégués de 156 pays et de 5717 organisations
650 non-affiliés
4094 journalistes

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