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Bulles de métal et laser aux rayons X

Giorgio Margaritondo et son assistante Amela Groso, présentent les premières images des fameuses «bulles de métal». EPFL

Un système de radiologie développé entre Taïwan et Lausanne permet des observations à l'échelle du micron. Médecine et industrie ont tout à y gagner.

«Le mécanisme que nous avons découvert est difficile à comprendre, et même difficile à croire», admet Giorgio Margaritondo, doyen de la Faculté des sciences de base de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Ce jeudi paraît dans la fameuse revue Nature un article que le chercheur cosigne avec son assistante lausannoise, mais également avec quelques collègues de Corée et de Taïwan. Le sujet: la manière dont le métal des placages réalisés par électrodéposition se forme d’abord sur des bulles d’hydrogène.

Les bijoutiers, comme les carrossiers, connaissent bien le phénomène. Lorsqu’on l’examine de près, une montre ou un enjoliveur plaqué d’or ou de chrome révèle toujours des défauts microscopiques. Depuis longtemps, on a remarqué que ces inégalités dans la couche métallique avaient la forme de bulles, mais personne n’avait encore réussi à observer leur formation.

Et c’est cette prouesse que viennent de réaliser ensemble cinq équipes de chercheurs suisses et asiatiques. Ils sont parvenus à prouver que le processus de placage génère des bulles sur lesquelles le métal commence par se fixer avant qu’elles n’éclatent. Ici, l’exploit tient au fait d’avoir pu observer un phénomène qui se déroule en moins d’une fraction de seconde.

Les rayons X du futur

«Maintenant que nous avons compris le processus, de formation de ces bulles, on pourra un jour essayer d’en minimiser la formation, mais c’est encore de la musique d’avenir», admet Giorgio Margaritondo.

De toute façon, ce qui compte pour le professeur lausannois, ce n’est pas tant ce résultat, mais bien plus l’appareil qui a permis d’y parvenir. Une machine qui pourrait carrément révolutionner le monde de la radiologie, tant par la concentration des faisceaux de rayons X qu’elle génère que par la vitesse à laquelle elle prend ses images.

«Cette technique est à la radiologie ce qu’un laser est à une lampe de bureau», explique Giorgio Margaritondo. Au lieu d’envoyer des rayons X dans toutes les directions comme on le fait depuis cent ans, on travaille ici avec des faisceaux pratiquement sans dispersion.

Résultat: on obtient des qualités d’images supérieures avec des intensités de rayons nettement moindres. En médecine, on peut ainsi espérer diviser par cinq ou dix la dose de rayons X que reçoit le patient par rapport à celle encaissée lors d’un examen classique.

«Pensez à toutes les femmes qui refusent la mammographie lorsqu’elles atteignent l’âge auquel elle deviendrait nécessaire simplement par crainte de l’irradiation», note Giorgio Margaritondo. Avec ce nouveau système, il deviendra en effet bien plus facile de les convaincre de se soumettre à cet examen, qui peut sauver des vies.

Incroyablement précise (elle détecte des objets de l’ordre du micron), cette nouvelle machine à rayons X est également rapide comme l’éclair. Pour détecter les fameuses bulles de métal, il a fallu travailler avec des «temps de pose» d’un millième de seconde. Et Giorgio Margaritondo promet déjà que l’on pourra encore descendre en-dessous.

Si pour l’heure ces techniques n’en sont qu’au stade expérimental, il se pourrait bien qu’une révolution soit en marche. Car les médecins et les travailleurs du métal ne sont de loin pas les seuls à utiliser les rayons X. Rien qu’à l’EPFL, on s’en sert pour des applications aussi diverses que l’étude de la microstructure du béton ou l’analyse de spécimens biologiques, voire paléontologiques.

swissinfo/Marc-André Miserez

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