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Idylle dans les Alpes, revendications urbaines

La foule des randonneurs en quête de nature intacte dans les Alpes ne cesse de grossir. swissinfo.ch

Au pied du massif du Wildstrubel, la cabane du Lämmeren est située dans un paysage alpin de glace, de roches, de fleurs sauvages et de gypaètes barbus. Les gérants de la cabane y accueillent un nombre grandissant de randonneurs. Un défi permanent.

De la cuisine – où l’on aperçoit de jeunes aides maniant la louche à longueur de journées – parviennent des fumets appétissants. Les randonneurs affamés peuvent se sustenter avec des röstis ou des spätzlis, une assiette de fromages et de viande séchée de la région ou une coupe de birchermüesli.

Pour le journaliste qui vient de grimper en mountain bike depuis le côté bernois, en passant par le col de la Gemmi puis en effectuant le dernier périmètre à pied, la soupe de légumes avec saucisses de porc sonne comme une juste récompense.

Les parois du restaurant sont recouvertes de photos du majestueux maître des airs, le fameux gypaète barbu. D’autres montrent les glaciers de Lämmeren et du Wildstrubel, autrefois et aujourd’hui. Un texte explique et quantifie la fonte des glaces.

Le visiteur n’a qu’à jeter un regard par la fenêtre à l’ouest, contempler le misérable squelette de glace qui subsiste pour comprendre, concrètement, les effets du changement climatique.

Eau toujours bouillie

En amenant la soupe, Barbara Wäfler lance la discussion sur le thème de préoccupation numéro un dans la cabane: l’eau. Mais, contrairement à la plupart des autres cabanes du CAS, le problème, à la cabane du Lämmeren, est davantage lié à la qualité qu’à la quantité d’eau. La prise d’eau est effectuée dans l’eau courante du ruisseau qui coule au-dessus de la cabane. Elle est régulièrement contaminée par les moutons et bouquetins.

Des mises en garde informent les hôtes que l’eau du robinet n’est pas potable. «Certaines personnes arrivent avec l’idée qu’il ne peut y avoir que de l’eau de source pure dans les montagnes», affirme Barbara Wäfler. D’autres râlent quand ils doivent payer une bouteille d’eau minérale 8 francs pour 1,5 litre.

«Mais c’est un prix équitable, explique Barbara Wäfler lorsqu’on compare avec les tarifs pratiqués en plaine et si l’on sait que tous les biens doivent être amenés ici par hélicoptère.» C’est aussi le cas des énormes réserves de bois qui sont entreposées pour le fonctionnement du four à la cuisine. En hiver, quand les 100 lits de la cabane sont occupés par les randonneurs à ski, les Wäfler doivent entretenir le feu 24 heures sur 24. Sinon, les conduites gèleraient.

Toujours plus haut, toujours plus simple

La foule des randonneurs en quête de nature intacte dans les Alpes ne cesse de grossir, explique Roland Schuler, de l’organisation Pro Natura. Les habitants de plaine, des agglomérations de plus en plus urbaines et densifiées veulent retrouver ce sentiment de nature.

Trains de montagne et téléphériques, le réseau étendu de chemin de randonnée et des équipements toujours plus perfectionnés favorisent la tendance aux excursions en altitude, ajoute le porte-parole de l’organisation.

C’est un élément positif: «Avec cette expérience de la nature, la population comprend la fascination pour les paysages et ce qui doit être protégé. Mais cette curiosité, positive en soi, ne doit pas se retourner contre les paysages ou les animaux et les plantes qu’ils abritent.» Les randonneurs devraient donc respecter la nature, ne pas quitter les chemins et ne pas marcher sur les plantes protégées.

5% ne veulent pas comprendre

Barbara Wäfler estime qu’environ 5% des hôtes de la cabane ne comprennent pas la situation et l’approche parcimonieuse qu’il faut avoir avec l’eau. Mais, dans la majorité des cas, une discussion avec les personnes se révèle très profitable.

Certaines personnes causent aussi des problèmes sans le savoir. «Lorsqu’un groupe de huit enlève les housses de duvet avant de partir, c’est en pensant bien faire, explique Barbara Wäfler. Mais nous ne pouvons nous permettre de laver les housses et les draps tous les jours.»

Christian Wäfler vient d’arriver. Le gardien de cabane est aussi guide de montagne. Il vient d’emmener un groupe au sommet du Wildstrubel, à 3243 mètres d’altitude. Cet automne, il effectuera sa 500e ascension, au moment où la famille Wäfler fêtera le 20e anniversaire de son arrivée à la cabane du Lämmeren.

Selon lui, les visiteurs les plus difficiles sont ceux du week-end. «Ils arrivent en haute montage après un court voyage, explique-t-il. Ici, ils se rendent compte qu’il n’y a pas de douche et que la carte du restaurant est assez restreinte. Et, à peine arrivés, ils doivent déjà repartir.»

En revanche, les personnes qui restent trois ou quatre jours sont plus conscientes des restrictions en vigueur dans une cabane de montagne. «Elles peuvent aussi mieux se couper de leur vie quotidienne», estime Christian Wäfler.

Prendre l’initiative

«Certains hôtes comparent les différentes offres et demandent si nous avons un steamer, ou de la glace, ou encore du Coca Cola light…», poursuit le gardien du refuge. Le credo de la famille est d’offrir un bon service de bonne qualité. Christian Wäfler aide même les alpinistes à s’entraîner, selon leur degré d’entraînement, sur la paroi et ses 650 pitons.

Le guide a aussi préparé une brochure d’information pour le sentier du glacier. «Les gérants de cabane donnent l’exemple, pour ainsi dire. Ils sont les gérants et les usagers du paysage, ce qui les engage à donner des informations sur le paysage», souligne Roland Schuler. Selon lui, les compagnies de téléphériques et les associations touristiques, sans compter celles qui défendent l’environnement, devraient avoir la même mission.

Quant aux autorités, elles se doivent de garantir des zones pour la vie sauvage et d’autres régions protégées. Ce qu’elles ont déjà fait dans le cas du Lämmeren.

Le gypaète barbu, que l’on peut voir presque tous les jours déployer ses énormes ailes au-dessus du glacier, est également protégé. «Souvent, il n’est que cinq à six mètres au-dessus de la cabane, révèle Barbara Wäfler. On peut le regarder dans les yeux. C’est toujours un moment très particulier.»

En 1993, année où la famille Wäfler a repris la cabane du CAS, celle-ci enregistrait quelque 4800 nuitées par année. En 2011, il y a en eu plus de 7400, ce qui fait de la cabane l’une des quatre les plus fréquentées du Club alpin suisse (CAS).

Avec ses quelque 100 lits, la cabane est arrivée aux limites de ses capacités. Un agrandissement est prévu. Barbara et Christian Wäfler espèrent que ce sera chose faite d’ici quatre à cinq années.

La cabane se trouve sur une terrasse de verdure sur le versant sud du Wildstrubel. Elle est une sorte d’oasis dans l’environnement alpin.

Grâce au téléphérique de Loèche-les-Bains (sur le versant valaisan) jusqu’au col de la Gemmi, la cabane est accessible pour des randonneurs même inexpérimentés en une heure et demie environ.

Les hôtes ont souvent les mêmes exigences à 2502 mètres d’altitude qu’en plaine, alors que l’eau potable est un bien rare. Etant donné les frais de transports, l’offre culinaire est forcément restreinte.

Christian Wäfler, gérant de la cabane du Lämmeren, a réalisé une brochure et un sentier sur le glacier du Lämmeren en collaboration avec deux étudiantes en géologie de l’Université de Berne.

Les visiteurs peuvent, entre le col de la Gemmi, la cabane du Lämmeren et le glacier du Wildstrubel, s’informer des particularités du massif glaciaire grâce à dix postes marqués. La brochure leur livre des informations sur l’endroit où ils se trouvent.

Les thèmes abordés vont de l’eau qui a dessiné les paysages aux formes glaciaires en passant par la fonte des glaces, la réapparition de plantes, la végétation à travers le Lämmerenboden, une zone alluviale alpine d’importance nationale, et la faune.

La brochure peut aussi servir à préparer des excursions scolaires et des semaines thématiques pour les étudiants.

Christian Wäfler a d’autres projets, comme la création d’un sentier informatif vers le lac Hüttensee, de nouvelles routes d’escalade ou la création d’un sentier circulaire. Aujourd’hui, une seule voie amène les visiteurs vers la cabane et en repart.

(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)

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