CEDH: double condamnation pour violation de la liberté d’expression
(Keystone-ATS) La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a prononcé mardi 2 condamnations contre la Turquie pour des violations de la liberté d’expression. Elles concernent une employée de service public et un étudiant qui avaient exprimé leur opposition envers les autorités.
Le premier cas concerne une employée contractuelle du ministère de l’Education nationale turc qui avait apposé la mention « J’aime » sur Facebook sur certains contenus, critiquant notamment les pratiques répressives dont sont accusées les autorités, ou encourageant à manifester contre ces pratiques.
L’employée avait été licenciée sans indemnisation, les autorités turques estimant que ces mentions pouvaient « perturber la paix et la tranquillité du lieu de travail ». Elle avait ensuite été déboutée en justice, alors qu’elle demandait sa réintégration.
Motifs de licenciement pas pertinents
A l’unanimité, les sept juges de la CEDH ont estimé que cette employée avait été licenciée en violation du droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
« L’article 10 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans deux domaines: celui du discours politique et celui des questions d’intérêt général », soulignent les magistrats dans leur décision. Ils notent que les motifs du licenciement « ne peuvent être considérés comme pertinents et suffisants ».
La Turquie a par conséquent été condamnée à verser 2000 euros à l’ex-employée pour « dommage moral ».
Discours de soutien
Le deuxième dossier concerne un étudiant, condamné au pénal après avoir prononcé en 2012 un discours de soutien à des étudiants placés en garde à vue pour s’être opposés à la venue de Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, sur un campus universitaire.
La CEDH reconnaît que les propos de l’étudiant contenaient « une certaine défiance et une dose d’hostilité » à l’égard de M. Erdogan. Mais elle souligne que « les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier ».
Elle estime qu’il n’y a « pas de rapport de proportionnalité raisonnable » entre la condamnation de l’étudiant et « le but légitime de la protection de la réputation de la personne concernée ».
A l’unanimité, les sept juges ont donc condamné la Turquie pour atteinte à la liberté d’expression, et lui ont ordonné de verser 2000 euros à l’étudiant pour « dommage moral », et 2000 euros pour frais et dépens.