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Ces déchets dont on se sait pas que faire

Sans bloquer le train, Greenpeace a protesté contre l’arrivée de ce premier container à Würenlingen. Keystone

Le premier container de déchets nucléaires vitrifiés à La Hague est arrivé en Argovie. Du provisoire qui va durer des dizaines d'années.

C’est un gros cylindre de 2 m 50 de diamètre sur 6 m de long. A l’intérieur, 28 «coquilles» d’acier, cylindriques également, contenant chacune 150 litres de verre, émaillé de petits grains de matière radioactive.

«Il ne faudrait surtout pas s’aviser d’ouvrir un tel container», avertit Auguste Zurkinden, chef de la section transports et gestion des déchets à la Division principale de la sécurité des installations nucléaires. Chacune des coquilles contient en effet les déchets hautement radioactifs de l’équivalent d’une tonne et demi de combustible nucléaire.

La vitrification, telle qu’elle se pratique à l’usine française de La Hague, a d’abord pour but de stabiliser les déchets et de les rendre insolubles dans l’eau. Le verre n’offre par contre aucune protection contre les radiations.

Containers de haute sécurité

«En fait, c’est le container lui-même qui est notre meilleure garantie de sécurité, poursuit Auguste Zurkinden. Son étanchéité est totale et nous la contrôlons en permanence. Et si une fuite devait survenir quand même, le site d’entreposage dispose d’une chambre spéciale dans laquelle on pourrait lui rendre son imperméabilité».

Une précaution supplémentaire prise par la Suisse et dont des pays comme la Belgique ou l’Allemagne sont notamment privés.

Ce container de près de 100 tonnes a donc pris place mercredi matin aux côtés de deux autres cylindres du même type déjà entreposés dans une halle de la société Zwilag à Würenlingen (Argovie).

Mais si les deux premiers cylindres contiennent du combustible irradié en provenance de la centrale de Leibstadt, le nouveau venu représente le premier lot de déchets rapatriés de l’usine de La Hague. Dix à douze containers semblables devraient suivre dans le futur, au rythme d’un ou deux par année.

Greenpeace monte au créneau

S’ils n’ont rien fait pour bloquer le train arrivé mercredi matin de France, les militants du mouvement écologiste Greenpeace ont tout de même manifesté et déployé des banderoles à Bâle et à Würenlingen.

Clément Tolusso, porte-parole de Greenpeace pour la Suisse, ne croit pas trop aux assurances données par la Division principale de la sécurité des installations nucléaires. Et rappelle que le site de la Zwilag se trouve dans la zone d’approche de l’aéroport de Kloten.

«En 1970, un avion de Swissair, victime d’un attentat à la bombe, s’est écrasé à quelques centaines de mètres du site actuel de Würenlingen. Si cela se reproduisait, rien ne nous dit que l’incendie qui s’en suivrait ne ferait pas fondre le verre à l’intérieur des containers», martèle Clément Tolusso.

Greenpeace réclame depuis longtemps l’arrêt des transports de matériel hautement radioactif. Et bien sûr la sortie du nucléaire, qui serait selon le mouvement particulièrement facile dans un pays comme la Suisse.

Les centrales atomiques y produisent en effet 40% du courant électrique utilisé, alors que le potentiel d’économies serait de 30% de l’énergie consommée.

Lenteur géologique

Reste que les déchets entreposés à Würenlingen ne sont pas destinés à y finir leur vie. Comme tous les pays qui l’entourent, la Suisse cherche toujours un site souterrain capable d’en assurer le stockage sécurisé pour plus de 100 000 ans, période minimale pour les rendre inoffensifs.

Actuellement, quelque 4000 mètres cube de déchets nucléaires en tous genres sont entreposés entre le site de Würenlingen et ceux des quatre centrales nucléaires.

Tout ce qui est considéré comme faiblement et moyennement radioactif devrait un jour être stocké en sous-sol, dans la zone du Wellenberg. Mais comme toutes les autres régions pressenties pour accueillir cette «poubelle atomique», le canton de Nidwald fait de la résistance.

Quant au stockage des déchets hautement radioactifs, on n’en est encore qu’aux premiers sondages dans la région pressentie (le Weinland zurichois).

Autant dire que les containers de Würenlingen auront largement le temps de refroidir avant que l’on puisse transférer leur dangereux contenu dans un puits. Ce qui tombe bien, puisque les spécialistes comptent «quelques décennies» avant que les déchets vitrifiés retombent à la température qui rendra leur stockage définitif envisageable.
Marc-André Miserez

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