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Chauffards sans frontières

Certaines nationalités semblent plus sujettes que d'autres aux accidents. Keystone

Les étrangers causent-ils davantage d’accidents de la route que les Suisses? D’ici 18 mois, la statistique permettra de le dire. Mais pour l’heure, elle n’existe pas.

Ce qui n’empêche pas les assureurs de majorer les primes de certains conducteurs, en fonction notamment de leur nationalité.

Les chauffards sont-ils majoritairement d’origine étrangère? Que ce soit à Lausanne ou à Genève, les polices cantonales restent très discrètes sur la question. N’ayant pour l’heure aucune obligation légale de tenir une statistique de la nationalité des auteurs d’accidents, elles ne le font simplement pas.

Une appréciation «à vue de nez», alors? «Non, vraiment pas, réplique Claude Wyss-Brunner, porte-parole de la police vaudoise. En l’absence de statistiques, nous ne pouvons rien dire. Et sur un sujet aussi sensible, on doit s’appuyer sur des faits.»

En Suisse alémanique, certains responsables policiers semblent moins formalistes. Selon le quotidien Le Temps, leurs «constatations empiriques» montreraient une «très nette sur-représentation» des conducteurs originaires des Balkans parmi les auteurs des accidents les plus meurtriers.

Dans la population, la gloire soudaine et nettement sulfureuse acquise à fin septembre par le jeune Amir n’a fait que renforcer ce sentiment. A 21 ans, ce fils d’immigrés albanais est devenu, en une émission de TV et deux «unes» du quotidien de boulevard Blick, le chauffard cynique que vous aimeriez détester.

Nouveau protocole d’accident



Reste qu’en l’état actuel, il n’existe aucun moyen de savoir si les étrangers causent plus d’accidents que les Suisses. A l’instar des autres, la police genevoise relève bel et bien l’identité complète des personnes impliquées (nationalité comprise), mais cette donnée n’entre pas dans les tableaux statistiques.

Ceci va changer bientôt. A Berne, Thomas Rohrbacher confirme que l’Office fédéral des routes (OFROU) planche depuis plus d’une année sur un nouveau protocole d’accident, qui sera le même pour toutes les polices cantonales. Il devrait être opérationnel au milieu de l’année 2006.

«Ce que nous voulons, explique le porte-parole de l’OFROU, c’est un protocole qui décrive le lieu de l’accident ou le type de véhicule impliqué de manière plus détaillée que ce qui se fait aujourd’hui. Et on y ajoutera la nationalité.»

Le but: identifier et répertorier plus systématiquement les «points noirs» du réseau routier. Et mieux cibler les campagnes de prévention. Selon Thomas Rohrbacher, ce sont les polices cantonales et les organismes chargés de ces campagnes qui ont demandé l’inscription de la nationalité.

Au Bureau de prévention des accidents (bpa), Magali Dubois confirme. «La question est soulevée régulièrement, et pas toujours dans des cas aussi dramatiques que les accidents de la route», relève sa porte-parole.

«Nous faisons aussi de la prévention pour les nouveaux parents, poursuit-elle. Et on se dit que lorsque la population change, il faudrait peut-être avoir plus que des campagnes dans les trois langues nationales.»

Les assureurs ont déjà leurs certitudes

En attendant, les conducteurs ne sont pas tous égaux face à leurs primes d’assurance auto. Les compagnies d’assurance la calculent en tenant compte de nombreux facteurs, et la nationalité en est un.

A la Winterthur, Renata Tschudi confirme qu’elle est prise en compte depuis l’année dernière, alors que La Vaudoise et Generali s’y sont mises cette année et les autres «depuis plus longtemps». Mais la nationalité n’est qu’un critère parmi une quinzaine d’autres, dont le lieu de domicile, le type de véhicule et naturellement les antécédents du conducteur.

«Nous avons remarqué que certaines nationalités enregistraient bien plus d’accidents que d’autres. Nous avons donc réparti les pays d’origine des conducteurs en quatre groupes», explique la porte-parole de la compagnie d’assurances.

Quels pays recouvrent ces groupes? Renata Tschudi ne peut pas le dire «à cause de la concurrence». Mais selon Le Temps, La Vaudoise majorerait en tous les cas les primes des ressortissants des pays de l’ancien bloc soviétique, de l’ex-Yougoslavie et de la Turquie.

swissinfo, Marc-André Miserez

– Depuis 1965, le nombre d’accidents de la route enregistrés en Suisse est passé de 55’000 à 70’000 (en chiffres ronds), soit une augmentation modeste en regard de l’explosion du parc automobile.

– En 1965, la route avait tué 1304 personnes. Ce chiffre, qui n’a cessé de baisser depuis, est encore de 546 en 2003. Le nombre de blessés graves a diminué dans les même proportions, passant de 15’000 en 1965 à 5900 en 2003.

– Le nombre de morts pour 10’000 accidentés de la route a chuté lui aussi, passant de 423 en 1965 à 178 en 2003.

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