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Un peu plus de précision suisse dans la quête des mondes lointains

Le satellite Cheops en vol
Photomontage de Cheops dans ce qui sera son environnement: le froid de l'espace et la splendeur de la voûte céleste. ESA

Petit télescope, grandes attentes. Fin 2019, l’Europe placera en orbite le Suisse Cheops. Il permettra d’en savoir plus sur certaines de ces planètes situées à quelques parsecs de la Terre, et qui pourraient abriter la vie.

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Lancement Cheops

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Le télescope suisse Cheops est en orbite

Ce contenu a été publié sur Le télescope spatial Cheops a décollé ce matin de Kourou. À 12h19 (heure suisse), il a atteint son orbite, à 700 km au-dessus de nos têtes.

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«Notre mission est très suisse dans son approche. Les autres télescopes regardent des milliers d’étoiles pour trouver de nouvelles planètes. Cheops va regarder une étoile à la fois et mesurer des choses à très haute précision sur les plus intéressantes parmi les planètes déjà identifiées», explique Willy Benz. Physicien à l’Université de Berne, il est également investigateur principal de CheopsLien externe, dont l’objectif est inscrit dans son acronyme (en anglais): «satellite de caractérisation des exoplanètes».

Décryptage: les exoplanètes sont des planètes tournant autour d’étoiles autres que notre soleil. Bien qu’on en ait soupçonné l’existence depuis toujours, la première n’a été formellement identifiée qu’en 1995, par les Suisses Michel Mayor et Didier Quéloz. Depuis, on en a catalogué plus de 3600, et c’est n’est qu’un début. L’objectif ultime de cette vaste quête, c’est de détecter un jour une présence de vie ailleurs dans l’univers.

Une année-lumière, c’est la distance parcourue par la lumière (à 300’000 km/seconde) pendant une année, soit en chiffres ronds 10’000 milliards de kilomètres.

Pour les petites distances, on utilise également l’unité astronomique (UA), soit la distance Terre-Soleil (150 millions de kilomètres), et pour les plus grandes, le parsec, une ancienne unité qui vaut environ 3,2 années-lumière.

Seulement voilà: les quelque 100 à 400 milliards d’étoiles qui forment la Voie Lactée, notre galaxie, sont très, mais alors vraiment très, très loin les unes des autres. Proxima du Centaure, la plus proche de nous est à 42’000 milliards de kilomètres (4,2 années-lumière) et Sirius, Véga, Rigel, Deneb, Altaïr, et les autres joyaux du ciel nocturne sont à des dizaines, des centaines, voire des milliers d’années-lumière.

Comment voir des planètes à des distances pareilles, quand même nos plus gros télescopes ne nous montrent leurs étoiles que comme de simples points de lumière? On y arrive pourtant, grâce à deux méthodes désormais bien au point: celle des vitesses radiales et celle des transits. Le film que voici vous explique comment ça marche.

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Chasse aux exoplanètes

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Des milliards de mondes à découvrir

Ce contenu a été publié sur L’homme s’est toujours demandé ce qu’il y avait là-haut. Aujourd’hui, il sait que le ciel fourmille non seulement d’étoiles, mais aussi de planètes.

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Pas juste un télescope de plus

La détection par vitesses radiales se fait depuis le sol, en connectant un télescope à un spectromètre, gros engin qui analyse les variations de la lumière des étoiles. Les deux spectromètres les plus précis actuellement se nomment Harps et sont suisses. L’un sonde le ciel de l’hémisphère sud, depuis le Chili, l’autre le ciel de l’hémisphère nord, depuis les Îles Canaries. Mais bientôt, ils seront supplantés par un autre engin, de fabrication suisse lui aussi: EspressoLien externe, qui promet une précision encore dix fois supérieure!

Pour observer des transits, on peut se poster dans l’espace, d’où l’on voit nettement mieux les étoiles. Dès 2006, le CNES (Centre national français d’études spatiales) et l’Agence spatiale européenne (ESA) ont lancé le télescope spatial CorotLien externe, suivi en 2009 par l’Américain KeplerLien externe. Ensemble, ils ont déjà identifié plus de 3000 nouvelles planètes. Et à l’été prochain, la NASA lancera encore TessLien externe, voué à scanner l’ensemble du ciel. Alors quelle sera la contribution de Cheops à ces fructueuses moissons passées et à venir?

La salle blanche de Cheops
Le télescope, pièce maîtresse du satellite Cheops, est actuellement en phase de tests dans une salle blanche de l’Université de Berne, pour le préserver du moindre grain de poussière qui pourrait fausser ses mesures. On le voit ici, au centre de l’image, à travers l’écran de contrôle. swissinfo.ch

Willy Benz le répète: «nous serons les premiers à ne pas faire de découverte. Corot a été le pionnier, puis est venu Kepler, un vrai monstre, qui a fait des découvertes fantastiques. Il nous a livré la statistique, et montré la diversité extraordinaire qui existe entre les planètes, entre les systèmes planétaires. Ce que nous aimerions faire maintenant avec Cheops, c’est aller plus loin, caractériser des planètes, savoir de quoi elles sont faites, quelle température il y fait, s’il y a de l’eau…» 

Poids: 280 kg, dont 60 pour le télescope

Diamètre du miroir: 30 cm (le même que Corot, alors que celui de Kepler fait 1 mètre, et ceux de Tess 4X10 cm).

Orbite: polaire. A 700 kilomètres de la Terre, Cheops tournera d’un pôle à l’autre, en survolant la ligne de séparation du jour et de la nuit, afin de toujours regarder la partie obscure du ciel, en tournant le dos au Soleil.

Lancement: prévu fin 2019 de la base de Kourou, en Guyane, au sommet d’une fusée Soyuz. Cheops sera passager de ce lancement, dédié primairement à un satellite de la constellation italienne COSMO-SkyMedLien externe, qui surveille la Terre, et particulièrement le bassin méditerranéen. 

Prix: environ 100 millions d’euros, dont 50 à charge de l’ESA, 33 à charge de la Suisse et le reste réparti entre les 10 autres pays (mais pas en parts égales).

Tout l’art de cette mission sera de choisir les planètes les plus intéressantes, celles que le physicien nomme «VIPs, pour Very Important Planets». Il y a bien sûr des cibles déjà identifiées, mais il y aura aussi toutes celles qui seront découvertes par Tess, qui doit être lancé six mois avant Cheops. C’est pourquoi le centre des opérations de la mission – installé à Genève – enverra chaque semaine au télescope le programme actualisé des étoiles à observer.

«Contrairement aux autres, on va regarder une étoile à la fois, précise encore Willy Benz. Et comme on sait déjà quand le transit va se produire, on n’aura pas besoin de rester trop longtemps sur chacune, on pourra optimiser au mieux la séquence d’observation». Quant à l’analyse des données, la détection de cette infime baisse de luminosité de l’étoile qui trahit le passage d’une planète devant elle, elle se fera au sol, sur la base des photos que transmettra Cheops, de simples taches de lumière, défocalisées, donc même pas nettes.

Une première dans l’Histoire

Tout cela est très ingénieux. Et a valu à Cheops de décrocher le titre de première «petite» mission de l’ESA (moins de 50 millions d’euros), contre 25 concurrents. «On a gagné parce qu’on était les meilleurs, plaisante Willy Benz. Non sérieusement, quand l’appel d’offres est arrivé au printemps 2012, avec un délai de réponse de trois mois, on avait déjà une étude de faisabilité, fruit de 18 mois de travail, qu’avait financé le Secrétariat d’État à la science et l’industrie spatiale. Nous étions donc prêts».

La Suisse savait aussi que, même classée «petite» pour l’ESA, cette mission était trop importante pour elle toute seule. Mais l’Agence spatiale sert justement à faire ensemble ce qu’on ne peut pas faire seul et au final, le consortium de Cheops regroupe 11 pays.

Le choix d’une mission vouée aux exoplanètes semblait de toute façon s’imposer de lui-même, tant ce domaine de l’astrophysique connaît un boom depuis deux décennies. «On est en train de construire un télescope de 40 mètres de diamètre au Chili et si l’on regarde les justifications scientifiques pour investir un milliard d’euros dans un tel engin, on trouve en tête les exoplanètes», rappelle Willy Benz

«La vie dans l’univers est une des questions fondamentales en science et c’est pour cela que nos domaines de recherche connaissent cette sorte d’emballement. Parce que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, on a la technologie nécessaire pour répondre à la question», explique celui qui est aussi directeur du Programme de Recherche National PlanetSLien externe, voué à soutenir et développer la recherche sur les exoplanètes en Suisse – là où elle est née.

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L’imagination des enfants dans l’espace

«Notre rôle n’est pas seulement d’enseigner à des étudiants, c’est aussi d’éveiller des vocations», estime le professeur Willy Benz. Pour Cheops, qui touche à un domaine fascinant (E.T. et autres sortes d’aliens), on trouve de tout sur le site, du télescope à colorier pour les plus petits au programme à télécharger pour créer sa maquette du satellite sur une imprimante 3D.

Cheops avait aussi lancé un appel aux enfants pour lui envoyer des dessins, qui partiraient dans l’espace. Il en est arrivé plus de 8000, de toute l’Europe, à la direction de la mission, qui a dû procéder par tirage au sort pour en retenir 3000 – tous visibles sur le siteLien externe. Ils seront réduits à la taille d’un millimètre chacun et gravés sur une des plaques de la «carrosserie» du télescope.

Dessin d enfant sur la carrosserie de Cheops
Un des dessins qui volera avec Cheops. cheops.unibe.ch


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