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Claude Goretta sur les ailes du temps

Agé de 82 ans, Claude Goretta est l'un des réalisateurs suisses les plus connus. Keystone

La Cinémathèque suisse et la Radio Télévision Suisse consacrent au réalisateur genevois une grande rétrospective. A cette occasion, Lionel Baier, jeune cinéaste romand, rend hommage à son aîné dans «Bon vent Claude Goretta», un film documentaire à la touche tendre.

Souhaiter bon vent à Claude Goretta, 82 ans, c’est l’inviter à naviguer sur les ailes du temps. Le temps passé, riche de nombreux films, et le temps à venir qui marquera certainement la présence du cinéaste genevois dans l’imposante histoire du 7e Art.

Passé et futur se conjuguent donc dans Bon vent Claude Goretta, documentaire consacré à un grand Monsieur du cinéma helvétique, à l’occasion d’une ample rétrospective mise sur pied par la Radio Télévision Suisse (RTS) et la Cinémathèque suisse, Lausanne.

But de cette rétrospective? Mettre en valeur «l’œuvre exceptionnelle de Goretta, qui n’a sans doute pas eu toute la gloire qu’elle mérite», écrit Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque. Pour ce faire, il a fallu restaurer de nombreuses œuvres du cinéaste. La RTS s’est donc chargée des films destinés au petit écran (dramatiques et documentaires), et la Cinémathèque des films de fiction.

Trait d’union entre les deux institutions: Lionel Baier, cinéaste lausannois, 36 ans. C’est lui l’auteur de ce Bon vent Claude Goretta qui soulève les souvenirs. Souvenirs de films majeurs de Goretta qui ont ouvert à ce dernier les portes d’une reconnaissance internationale. En tête, L’Invitation et La Dentelière sur lesquels Baier revient par flashs nostalgiques. Comme il revient sur le passé intime d’un homme dont il dresse ici un portrait sensible et touchant.

On regrettera néanmoins l’impasse faite sur certains événements qui ont marqué la cinématographie de ce pays. La création du Groupe 5, par exemple, association de cinéastes romands, dont fit partie Goretta, et qui contribua à l’essor du nouveau cinéma suisse au milieu des années 60.

L’accent genevois de Jean-Luc Bideau

Lionel Baier se souvient donc de cette Invitation, un film «compagnon de route, il a changé ma vie», avoue-t-il dans son documentaire. Avant d’ajouter: «C’est là que j’ai compris que les films n’étaient pas seulement américains ou français, mais qu’ils pouvaient grandir sur le sol suisse».

De la Suisse, L’Invitation gardera surtout l’accent. «L’immense accent genevois de Jean-Luc Bideau», comme le dit avec enchantement Lionel Baier qui voit dans ce célèbre film, primé au festival de Cannes en 1973, le déclencheur de sa propre vocation de cinéaste.

Entre Baier et Goretta, une complicité intergénérationnelle au service du 7e Art. Pour son documentaire, le jeune Lausannois a rencontré quelques grandes figures du cinéma qui ont tourné avec Goretta: Nathalie Baye et Isabelle Huppert. La première jouait Christine dans La Provinciale. La seconde, Pomme dans La Dentelière. Toutes deux incarnaient des jeunes femmes fragilisées par une société de brutes. Aujourd’hui, toutes deux parlent de Goretta avec beaucoup de tendresse.

Isabelle Huppert: «Pomme est une ouvrière, son amant est quant à lui issu de la bourgeoisie. Il y a quelque chose qui ne se répare pas dans cette scission. Goretta était soucieux de montrer l’aspect politique de La Dentelière. Politique au sens large, dans la mesure où l’histoire racontée ne se limite pas à l’émotionnel».

Remarque qui résume bien la démarche du cinéaste. La plupart de ses films (Le Fou, Pas si mal que ça, Si le soleil ne revenait pas…) observent la société et le cœur humain dans leurs moindres soubresauts. Ce que dit en d’autres termes Goretta lui-même: «Pour moi, le cinéma c’est comme de la musique, une respiration».

«Nice Time» à Londres

Lionel Baier écoute son aîné attentivement. Il laisse respirer le passé. Et Goretta se confie: «Mon père voulait que Jean-Pierre (frère du cinéaste et grand reporter à la RSR, ndlr) et moi devenions avocats. Je ne l’ai pas écouté. J’ai suivi ma voie. J’ai eu très tôt la révélation de deux formes de cinéma, la fiction et le documentaire». De très nombreux documentaires, réalisés par Claude Goretta pour la Télévision Suisse Romande. Et puis un, sublime, avec lequel commence la carrière du réalisateur genevois et avec lequel s’achève le film de Lionel Baier: Nice Time.

Nice Time, un documentaire court, en noir et blanc, tourné à Londres, en collaboration avec Alain Tanner, l’autre grand nom du cinéma suisse. C’était dans les années 50. Tanner et Goretta travaillaient alors pour le British Film Institute. Ensemble, ils sont allés un samedi soir humer l’ambiance à Piccadilly Circus. Ils en ont transmis l’âme dans leur court métrage qui en dit long sur la vie tel qu’elle va dans ce quartier de théâtres et de cinémas. Qui en dit long sur la vie tout court, surimpression amusante de réalité et de fiction.

Rétrospective Claude Goretta, jusqu’au 31 décembre.

Fictions, dramatiques, documentaires et reportages à découvrir sur la RTS (Radio Télévision Suisse) et à la Cinémathèque suisse, Lausanne.

En vente: un coffret Claude Goretta contenant le film de Lionel Baier et L’Invitation.

Né en 1929 à Genève, réalisateur, scénariste et producteur de télévision.

Il fait des études de droit à l’Université de Genève.

En 1952, il fonde avec Alain Tanner le Ciné-club universitaire.

En 1955, il rejoint Alain Tanner à Londres pour travailler au British Film Institute.

En 1957, avec Tanner, il tourne Nice Time, à Londres, qui obtient un prix au festival de Cannes.

En, 1958, retour en Suisse. Il travaille alors à la TSR en tant que producteur, notamment pour des documentaires de l’émission Continents sans visa.

Fondation du « Groupe 5 », maison de production qui, au milieu des années 60, a contribué à l’essor du cinéma suisse.

Il est l’auteur de nombreux films au succès international, dont L’Invitation, prix du Jury au Festival de Cannes, 1973, et La Dentelière, primé également à Cannes, en 1977.

Parmi ses œuvres les plus célèbres: Le fou, L’Invitation, Pas si méchant que ça, La provinciale… et sa dernière réalisation Sartre, l’âge des passions, magnifique téléfilm en deux parties, sorti en 2006.

Né en 1975 à Lausanne dans une famille suisse d’origine polonaise.

Dès 1992, il programme et cogère le Cinéma Rex à Aubonne.

Entre 1995 et 1999, il suit des études à la Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne.

Depuis 2002, il est responsable du département cinéma de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL)

En novembre 2009, il fonde Bande à part Films avec les cinéastes Ursula Meier, Frédéric Mermoud, Jean-Stéphane Bron, entre autres.

Parmi ses films de fiction: Garçon Stupide, Comme des voleurs (à l’est), Un autre homme

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