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Climat: la Suisse rejette la solution Bush

Berne veut développer une économie qui prend en compte l'environnement. Keystone Archive

Le président américain veut combattre le réchauffement climatique sur une base volontaire. La Suisse n'approuve pas son plan de rechange.

L’an dernier, les États-Unis ont annoncé qu’ils abandonnaient le Protocole de Kyoto sur la réduction des fameux gaz à effet de serre. Un traité qu’ils avaient pourtant signé à l’époque où Bill Clinton était encore à la Maison Blanche.

En automne dernier, à Marrakech, après bien des péripéties, les négociations internationales ont finalement débouché sur un compromis qui rendait enfin possible la mise en œuvre du traité. Plusieurs pays – dont la Suisse – ont d’ailleurs déjà entamé les procédures de ratification.

Mais cela se fera sans les Etats-Unis. Le président américain George Bush vient en effet de révéler son propre plan de rechange pour combattre le réchauffement climatique.

En résumé, c’est non à la méthode Kyoto que l’administration Bush juge nuisible à l’économie américaine. Mais c’est oui à des mesures volontaires de la part des industriels et oui à des incitations fiscales.

C’est une position que la Suisse n’approuve pas du tout. Les explications de l’ambassadeur Beat Nobs. Qui dirige la division des affaires internationales à l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP). Et qui a participé à toutes les négociations sur le Protocole de Kyoto.

swissinfo: Monsieur l’Ambassadeur, quelle appréciation faites-vous du programme décrit par le Président Bush?

Beat Nobs: «Commençons par le positif. En soi, c’est une bonne chose que les Américains, enfin, révèlent la solution alternative qu’ils annonçaient depuis quasiment une année.

Mais nous déplorons qu’ils se mettent en dehors du Protocole de Kyoto. Si la Suisse y adhère fortement, c’est parce qu’elle croit que c’est le premier pas dans la bonne direction. Les pays ont maintenant des objectifs clairs et des délais pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Nous déplorons aussi que les États-Unis ne restent pas dans l’attitude qu’ils avaient auparavant. C’est regrettable qu’un des pays qui s’était fait le promoteur du système de Kyoto ne s’y tienne plus aujourd’hui parce qu’il a peur de remplir des obligations précises.

Dans la proposition américaine, il n’y a pas de but concret. Et nous ne sommes pas sûrs que les États-Unis vont vraiment beaucoup contribuer à cet effort global alors que c’est l’un des grands défis de notre temps.»

L’an dernier, Moritz Leuenberger, alors Président de la Confédération, avait écrit à George Bush, lui demandant de reconsidérer sa position. Son message n’a donc pas eu d’écho…

– B.N.: «Beaucoup de pays ont écrit des lettres dans le même sens. Tous appelaient les Américains à se joindre à l’effort commun. Le défi des changements climatiques est un défi global. Il y faut une réponse globale et solidaire.

On ne peut absolument pas suivre le Président Bush quand il prétend que le Protocole de Kyoto est un mauvais traité. Pour la Suisse, comme pour la majorité des pays, le protocole de Kyoto est la bonne manière de réagir.»

L’argument majeur de George Bush est basé sur «le bon sens qui veut que la croissance économique est la clé du progrès écologique». N’a-t-il donc pas raison?

– B. N.: «C’est sans doute exact. Mais nous croyons, et nous l’avons toujours dit, qu’une économie forte est aussi basée sur l’utilisation de nouvelles technologies qui prennent en compte l’impact sur l’environnement.

La Suisse croit que ces technologies lui offrent de bonnes chances de progrès, y compris dans la concurrence internationale. Mais nous ne croyons pas qu’il faille protéger les technologies qui nuisent à l’environnement.

D’ailleurs l’économie suisse a toujours soutenu notre approche dans ce domaine de la réduction des gaz à effet de serre. Elle appuie également la loi sur le CO2 et notre volonté de ratifier bientôt le Protocole de Kyoto.»

Vous n’êtes donc pas d’accord non plus avec le Président Bush quand il dit que la manière de faire des Américains dans la lutte contre le réchauffement climatique bénéficiera au monde entier?

– B.N.: «C’est bien si, au bout du compte, les Américains obtiennent une réduction des gaz à effet de serre. Il ne faut pas oublier que ce sont eux qui en émettent le plus. Le monde va donc en profiter s’ils réussissent vraiment.

Mais nous ne voyons pas très bien comment les industries américaines vont s’y prendre pour y parvenir puisque le plan Bush repose sur une attitude volontaire. Annoncer des mesures est une chose, en voir ensuite les résultats en est une autre.»

Propos recueillis par Bernard Weissbrodt

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