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Combattre la famine, une urgence

Devant l'assemnblée, Kofi Annan a réclamé des actions concrètes contre la faim. Keystone

«Il n'y a plus de temps à perdre», lance Kofi Annan à l'ouverture du Sommet de Rome sur l'alimentation. La Suisse y défend le droit qu'a chacun de se nourrir.

Pour le secrétaire général des Nations Unies, les participants à ce Sommet «doivent donner un nouvel espoir» aux victimes de la famine et de la malnutrition «en adoptant des mesures concrètes». L’objectif est de réduire de moitié le nombre des victimes d’ici à 2015.

Jean Ziegler, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, juge quant à lui que la faim dans le monde est «un massacre silencieux». Et d’autant plus scandaleux, lit-on dans son dernier rapport, qu’il a lieu «dans un monde plus riche qu’il ne l’a jamais été, qui produit déjà plus d’aliments qu’il n’en faut pour nourrir la population mondiale».

Pour que le droit à la nourriture devienne réalité, dit encore celui qui vient de mettre fin à Genève à son enseignement universitaire, il faut que la justice s’en mêle, «les gouvernements doivent être tenus de rendre des comptes en cas de violation de leurs obligations concernant le droit à l’alimentation».

Cinq années perdues

On n’en est pas encore là. Loin s’en faut. Mais l’idée que les droits économiques ont autant de valeur que les droits politiques est en train de faire son bonhomme de chemin. La délégation suisse qui participe du 10 au 13 juin à Rome au Sommet mondial sur l’alimentation se dit officiellement prête à participer à l’élaboration d’un code en la matière.

Ce sommet, qui doit faire le bilan des bonnes résolutions prises en 1996, aurait dû en fait se réunir en novembre dernier. Mais, suite aux attentats du 11 septembre et comme d’autres rendez-vous prévus à cette époque, il avait dû être reporté.

Ce retard ne change rien au constat: peu de gouvernements se sont engagés à lutter contre la faim, les institutions internationales n’en ont pas fait une priorité, et les ressources affectées au développement agricole n’ont pas augmenté. Dixit la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

En 2002 comme en 1996, «réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées d’ici à l’an 2015 au plus tard» risque bien, faute de volonté politique, de se réduire à un slogan sans lendemains.

«C’est d’un cynisme total, nous dit Jean Ziegler, «le monde riche accepte la faim comme une normalité». Et d’argumenter: en termes démographiques, le pourcentage des gens victimes de la faim a quelque peu diminué, mais en chiffres absolus, leur nombre n’a cessé d’augmenter.

Dans ces conditions, à quoi peut servir un nouveau sommet? «Au moins à capter l’attention médiatique pendant quelques jours, à susciter peut-être une insurrection des consciences.» A l’heure du Mundial, il est permis de douter de ce bel optimisme.

La Suisse maintient le cap

En 1996, la Suisse avait des positions claires: il faut améliorer la capacité de gestion des pays touchés par la faim, s’intéresser davantage au développement des régions rurales, utiliser les ressources de façon écologique et donner la parole aux populations directement concernées.

L’analyse, six ans plus tard, n’est guère différente. La Suisse insistera plus que jamais sur la durabilité du développement agricole, notamment dans les régions de montagne, et sur l’équité commerciale, entre autres par la levée des restrictions aux importations des pays les plus pauvres.

L’idée d’un code de conduite semble également faire l’unanimité au sein de la délégation suisse. Ce serait une bonne façon, nous dit Jacques Chavaz, sous-directeur de l’Office fédéral de l’agriculture, «de concrétiser et d’accélérer la protection effective des populations les plus menacées». Et de responsabiliser davantage les pouvoirs politiques et économiques.

Il existe déjà une première ébauche de «code de conduite sur le droit à une nourriture adéquate», rédigé par un groupe d’ONG. C’est une bonne référence, estime Jacques Chavaz, elle pourrait servir de base de travail si le Sommet de Rome décide de suivre cette voie.

Pour Jean Ziegler, un tel code ne constituerait cependant qu’une mesure intermédiaire. Mais il pense utile, provisoirement, de passer par là. Tout en sachant que certains pays, États-Unis en tête, ne reconnaîtront jamais ce genre de droit économique, eux qui ne jurent que par les lois du marché.

Le droit avant la mondialisation

«La libéralisation du commerce doit céder la priorité à la souveraineté alimentaire», clame néanmoins l’association tiers-mondiste suisse de la Déclaration de Berne, qui soutient, elle aussi, l’adoption d’un code de conduite.

En clair: les États ont le droit de décider eux-mêmes de leur politique agricole et de leur approvisionnement alimentaire. Ils devraient aussi refuser les technologies (on pense aux OGM) qui poussent les paysans dans une situation de dépendance vis-à-vis des marchands de semence.

Dans sa liste de revendications, la Déclaration de Berne demande également la suppression des subventions agricoles du Nord qui affectent négativement le revenu des paysans des pays en développement et la garantie qu’ils aient accès à la terre, à l’eau et aux ressources génétiques.

swissinfo/Bernard Weissbrodt

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