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Comment conjurer la malédiction du pétrole

L'expérience du Nigeria est un exemple à ne pas suivre selon l'ONG Swissaid. Ici, une raffinerie près de Port Harcourt dans le delta du Niger, une région riche en pétrole. Keystone

Avec le soutien de la coopération suisse, l'ONG Swissaid a organisé à Genève une conférence sur le boom pétrolier en Afrique et ses effets sur les populations.

L’ONG poursuit son engagement initié au Tchad en faveur de revenus pétroliers profitables à l’ensemble des pays producteurs. Explications de sa porte-parole Catherine Morand

Quelque 200 représentants des milieux pétroliers, de gouvernements africains, d’organisations internationales et de la société civile se sont retrouvés jeudi à Genève pour une conférence intitulée «Le pétrole n’est pas fatalement une malédiction pour l’Afrique.»

Un titre à la mesure du défi que constitue une répartition équitable des revenus du pétrole. Notamment au Tchad.

Depuis 2003 en effet, ce pays pauvre d’Afrique produit de l’or noir. Dès 1998, les ONG tchadiennes font pression sur leur gouvernement pour que cette manne pétrolière profite à l’ensemble de la population. Et ce dans le cadre d’une structure réunissant la Banque mondiale, les sociétés pétrolières, l’Etat et la société civile tchadienne.

Les explications de Catherine Morand, porte-parole de Swissaid.

swissinfo: Quel est le sens de votre engagement dans la gestion du pétrole au Tchad?

Catherine Morand: Swissaid est présent au Tchad depuis des décennies. Dès l’annonce que ses gisements pétroliers allaient être exploités, les Tchadiens, la société civile avec qui nous travaillons, ont décidé de se mobiliser pour que les revenus du pétrole servent réellement l’ensemble du pays.

C’est dans de cette mobilisation que nous avons pris la décision de soutenir nos partenaires tchadiens.

swissinfo: Quel bilan tirez-vous de ces premières années de mobilisation?

CM: La prise de parole des ONG tchadiennes constitue le point le plus positif. Elles sont devenues de facto un contre-pouvoir avec lequel il faut compter. Aujourd’hui, l’exemple tchadien fait école au Niger et en Guinée Bissau, deux autres pays dotés de réserves pétrolières où nous sommes également présents.

Cela dit, la situation est très instable au Tchad, y compris avec la crise de la région soudanaise du Darfour frontalière du Tchad. Quant au dossier pétrolier, il a connu un grand nombre de rebondissements. Ce qui a entrainé une modification de la loi tchadienne sur le pétrole.

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Direction du développement et de la coopération

Ce contenu a été publié sur La Direction du développement et de la coopération (DDC) est l’agence du ministère des Affaires étrangères chargée de la coopération internationale. Cet organisme effectue des actions directes et finance les programmes d’organisations humanitaires suisses et internationales, en particulier dans les domaines du développement, de l’aide humanitaire et de la coopération avec l’Europe de l’Est.

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swissinfo: Le principe du fond pour les générations futures alimenté par 10% des revenus pétroliers est-il définitivement abandonné?

CM: Le gouvernement tchadien a remis en cause ce principe en objectant qu’il avait besoin de cet argent pour lutter maintenant contre la pauvreté. N’djamena a donc renégocié le contrat initial passé avec la Banque mondiale et les compagnies pétrolières et obtenu la suppression de ce fonds.

Mais les ONG ont réussi à se coordonner et à se faire entendre y compris à Washington, siège de la Banque mondiale.

swissinfo: la conférence que vous avez organisé à Genève participe de cette mobilisation?

CM: Le Tchad, le Niger ou la Guinée Bissau vont connaître des flux financiers très importants quand l’exploitation des ressources pétrolières aura pleinement démarré. Il est donc essentiel de s’assurer que ces fonds profitent réellement au pays.

Pour cela, Swissaid tient à maintenir un élément clé du processus engagé il y a plusieurs années: la possibilité donnée à l’ensemble des partenaires du dossier pétrolier (gouvernement, compagnie pétrolière, Banque mondiale, agences de développement et ONG) de se retrouver et d’échanger.

C’est dans cet esprit que nous avons organisé cette conférence à Genève. Il s’agit de plancher sur de nouvelles pistes dans l’intérêt bien compris de chacune des parties pour que le pétrole serve à améliorer les conditions de vie de la population des pays producteurs en Afrique.

L’objectif est de ne pas répéter l’expérience du Nigeria marquée par la violence, la corruption ou l’arrêt même de la production. Car ce scenario catastrophe ne profite à aucune des parties, que se soit le pays producteur ou les sociétés pétrolières.

Or Genève est une ville tout à fait appropriée pour tenir ce genre de conférence puisqu’elle abrite tous les acteurs concernés par l’industrie pétrolière, y compris les ONG et les organisations internationales.

swissinfo: Mais ce combat est loin d’être gagné.

CM: L’Afrique de l’Ouest et centrale connaît un boom pétrolier et l’industrie pétrolière réussit à obtenir des contrats très profitables, vu que les gouvernements en place sont politiquement affaiblis et économiquement sinistrés.

Il est donc essentiel que les investissements colossaux de l’industrie pétrolière qui dépassent de loin l’aide au développement et les investissements passés profitent à l’ensemble des pays concernés.

Un certain nombre d’initiatives au niveau international ont d’ailleurs été prises pour améliorer la gestion et la transparence des affaires pétrolières.

De plus, malgré l’importance des enjeux, la société civile tchadienne discute d’égal à égal avec la Banque mondiale ou les sociétés pétrolières. Et ces compagnies tiennent de plus en plus compte de l’opinion publique des pays occidentaux. Ce qui pousse à l’adoption de codes éthiques.

Il faut également relever l’arrivée massive des compagnies pétrolières chinoises qui investissent l’Afrique. Cette irruption constitue un nouveau défi, vu le peu de cas qu’elles font des droits de l’homme.

Interview swissinfo. Frédéric Burnand à Genève

L’Afrique subsaharienne connaît actuellement un boom pétrolier.

Selon la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), les investissements étrangers en Afrique ont atteint un record de 18 milliards de dollars en 2004.

Mais dix pays seulement en attirent les trois quarts, dont la plupart sont des
pays pétroliers notamment: Guinée équatoriale, Angola, Soudan, Nigéria, Tchad, Congo-Brazzaville.

Swissaid a organisé à Genève le 2 novembre 2006, une conférence internationale intitulée : « Le pétrole n’est pas fatalement une malédiction pour l’Afrique. Comment l’Afrique subsaharienne peut tirer parti de l’actuel boom pétrolier.»

Swissaid a reçu le soutien du CRES (Centre de Recherches Entreprises et Sociétés), du Bureau international du travail (BIT/ILO) et de la coopération suisse(DDC).

Cette conférence a réuni des représentants des sociétés pétrolières, de la société civile africaine, d’Etats producteurs de pétrole, d’organisations internationales, d’ONG internationales, d’organismes de coopération au développement et d’institutions financières.

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