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Comment damer le pion au dopage dans le sport

Une affiche placardée dans les rues de Lausanne, en 1999, lors de la conférence du CIO sur le dopage dans le sport. Keystone Archive

Mercredi, des personnalités des milieux sportifs, juridiques, médicaux et politiques ont posé des jalons pour mieux lutter contre le dopage et le surentraînement.

Derrière cette opération se profile Moves, la fondation pour l’éthique dans le sport.

«On ne résoudra les problèmes de dérive du sport qu’en interpellant l’ensemble des acteurs de ce milieu», martèle Marie-Hélène Miauton, la présidente de Moves.

Egalement directrice de l’institut de sondage lausannois MIS-Trend, elle se base d’ailleurs sur les résultats d’un sondage effectué auprès d’un millier de Suisses.

Si le sport est généralement considéré comme porteur de vertus positives, -plaisir et santé notamment -, son image s’est réellement dégradée. Il inspire de plus en plus de méfiance.

Cette image négative a une incidence sur la société qui souffre de plus en plus de la sédentarisation. Les parents, ne faisant plus confiance au monde sportif, hésiteront à pousser leurs enfants à pratiquer une activité physique.

Réhabiliter le sport

Pour tenter de réhabiliter le sport comme l’outil de promotion de valeurs essentielles qu’il aurait dû rester, la Fondation pour l’éthique a organisé mercredi un congrès au Musée olympique de Lausanne.

Son objectif était de réunir des gens qui habituellement ne sont pas en contact. Les 150 personnalités présentes proviennent de milieux aussi divers que ceux du sport, du droit, de la politique ou de la médecine.

Huit intervenants ont présenté leurs exposés. Ils se sont par exemple demandé comment éviter le dopage en adoptant un programme d’entraînement physiologique adéquat.

Le professeur français Jean-François Mattéi s’est lui penché sur l’évolution du sport. Il développe une thèse selon laquelle, de sacré, le sport est devenu une nouvelle forme de compétition vouée à l’éthique du commerce et aux nouveaux dieux du spectacle.

Lacunes juridiques

Deux juristes se sont également exprimés sur la répression pénale des cas de dopage ou de la fraude en général dans le sport.

Car il faut bien admettre que la législation suisse est encore à la traîne de ses voisins français ou italiens. Et cela malgré l’introduction l’an dernier du nouvel article 11 f dans la Loi sur le sport et la gymnastique.

Si cet article de loi a montré une prise de conscience face à ce grave problème, il ne va pas assez loin, selon Alix de Courten.

Cette doctorante, auteure d’une thèse à l’Université de Lausanne sur le sujet, précise que seul le trafic de produits dopants est puni. Par contre le sportif qui consomme ces produits n’est pas poursuivi.

L’athlète n’est donc pas suffisamment responsabilisé en Suisse. Au contraire de l’Italie qui est beaucoup plus sévère dans sa législation.

Alix de Courten souhaiterait voir l’introduction d’une loi sur le dopage, comme ce fut le cas en France. Et ainsi marquer une volonté politique forte de lutte contre cette plaie qui gâche actuellement le sport.

Elle aimerait aussi que la notion de fraude sportive soit reconnue. Comme le fait que un sportif puisse être considéré comme un escroc.

Cela équivaudrait à accepter que le sport est désormais conduit par des buts plus économiques qu’idéaux. Il n’y a donc pas de raison qu’il échappe aux règles qui régissent la vie économique.

Marie-Hélène Miauton déplore encore le manque de cohésion entre les législations européennes. Ainsi que le décalage entre les enjeux financiers énormes du sport et sa structure associative.

Une liste de 17 actions concrètes

Mais ce congrès n’est que la première d’une série d’actions concrètes en matière d’éthique.

La fondation interpelle notamment le milieu médical en lui demandant de ne pas soutenir certaines dérive comme le dopage ou le surentraînement.

Elle demande aux états de s’immiscer d’avantage dans les structures du sport afin d’éviter ces dérives. Et aussi aux sponsors d’adopter un code d’éthique.

Quant aux structures sportives elles-mêmes, elles devraient se doter de moyens d’action concrets. On pense notamment à un carnet du sport qui assure un suivi médical de l’athlète. C’est d’ailleurs la solution choisie par la France.

Créé l’été dernier, Moves a également l’intention de créer une zone pilote en Suisse, et cela malgré ses visées internationales. «Il faut bien commencer à démontrer la pertinence de notre action quelque part», explique Marie-Hélène Miauton.

Cette zone pilote pourrait être mise sur pieds dans un canton ou même plusieurs. A la condition que plusieurs acteurs, dont les autorités, soient d’accord de mettre en place un certain nombre de ces actions.

Indépendance de Moves

Ce projet de zone pilote intéresse d’ailleurs grandement l’Agence mondiale antidopage (AMA) qui est en train de se mettre en place. Alors que l’AMA intervient par le haut, Moves débute son action «avec humilité, par le bas, sur le terrain», selon sa présidente.

Mais Moves revendique son indépendance par rapport à tous les acteurs du monde du sport, ce à quoi l’AMA ne peut prétendre.

Moves a également l’avantage de pouvoir interpeller tous les acteurs et donc dépasser le seul problème du dopage pour envisager l’éthique dans le sport dans son ensemble.

swissinfo, Anne Rubin

Selon le sondage de MIS-Trend

– La pratique du sport est largement répandue en Suisse
– Les motivations pour faire du sport sont le plaisir et les contacts sociaux
– Mais l’image du sport professionnel est plutôt négative contrairement à celle du sport amateur
– Les principaux problèmes du sport professionnel sont la corruption, l’argent et le dopage
– Le sport professionnel n’est plus capable de véhiculer des valeurs idéales comme honnêteté ou respect d’autrui
– Pour les personnes sondées, les responsables de ces dérives sont autant les entraîneurs, les dirigeants que les sportifs eux-même et même les médias

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