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Une vie aventureuse au couvent

Schwester Ruth
Ruth Meili est sœur Ruth au couvent des Bénédictines de Schwanberg en Allemagne. zVg

Elle voulait une vie variée et passionnante, et c’est dans un couvent allemand qu’elle l’a trouvée. Depuis bientôt un demi-siècle, Ruth Meili est sœur bénédictine.

«Un seul homme ne m’aurait pas suffi. Il m’en aurait fallu plusieurs. Un seul, c’est ennuyeux», plaisante Ruth Meili (78 ans), quand on lui demande pourquoi elle est entrée dans les ordres. Depuis près de 50 ans, cette Suissesse vit dans le couvent des Bénédictines de SchwanbergLien externe, près de Nuremberg.

Sa vocation s’est dessinée très tôt. Avec ses amies, la petite Ruth imaginait déjà une maison communautaire réservée aux femmes, avec sa propre école. Les jeunes filles s’imaginaient un avenir commun dans cette communauté fictive. Et dans ce jeu, les conjoints ou les enfants n’avaient pas leur place. Une de ses amies est entrée effectivement au couvent, et Ruth l’a fait un peu plus tard.

Communauté des Suisses de l’étranger

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Avant de prendre sa décision, elle a observé la vie des jeunes adultes autour d’elle. Sa grande sœur s’est mariée et est devenue mère. Ruth y voyait un mode de vie manquant d’action et de changement. Une vie avec un homme et des enfants, ce n’était pas pour elle, elle en était sûre. A l’époque, les parents ont regretté la décision de leur fille d’entrer au couvent. Ils auraient bien voulu d’autres petits-enfants. Mais à 30 ans, la décision de Ruth était définitive, et elle est partie pour Schwanberg. «Vivre ensemble, assumer une tâche ensemble et faire le bien… Ce sont des idées que j’ai toujours beaucoup aimées».

Au couvent, Ruth a vécu beaucoup de choses, dirigé de nombreux projets et assuré diverses tâches de leader. En tant que théologienne et biologiste, elle était à la fois professeure et pasteure. A l’intérieur du couvent, elle a aussi co-dirigé l’internat. Mais être cheffe ne lui a pas autant plu qu’elle l’aurait imaginé: «En Suisse, on se rencontre à hauteur des yeux. En Allemagne par contre, il y a une grande distance émotionnelle avec le chef. Je n’arrive pas à m’habituer à cette hiérarchie stricte», dit-elle. C’est pourquoi elle a abandonné ses fonctions dirigeantes. Elle voulait à nouveau travailler et vivre à égalité avec ses sœurs.

Reformierte Nonnen im Kloster bei einem Gottesdienst
Dans ce couvent protestant, les sœurs ne portent leur costumes que pour les services religieux. Le reste du temps, elles s’habillent “en civil”. zVg

Allemagne exotique

Pour Ruth, l’Allemagne d’alors était un endroit bien plus exotique qu’on ne peut l’imaginer aujourd’hui. Plus jeune, elle suivait les nouvelles depuis la Suisse. L’Allemagne de l’Est était si proche, mais si lointaine et si différente à la fois. Elle n’y a jamais vécu, mais les tensions entre Est et Ouest étaient sensibles. En 1989, Ruth a vu la chute du Mur et le bouleversement social en témoin d’un événement historique, comme une aventure.

C’est à Munich, après la chute du Mur, qu’elle a vécu sa période probablement la plus passionnante. A la demande d’un pasteur du lieu, elle a ouvert avec trois autres sœurs un salon de thé pour les sans-abris et les alcooliques. Un lieu pour des gens qui cherchaient un endroit ouvert, ou qui ne savaient pas où aller. L’aventure a duré huit ans. «La porte entre le salon de thé et la chapelle était toujours ouverte, se souvient Ruth. La fumée des cigarettes entrait dans la chapelle et la fumée du Saint Esprit entrait dans le salon. C’était l’époque où on pouvait encore fumer partout».

De la joie et des rires

Une époque pleine de vie. Entre les marginaux et les sœurs bénédictines s’était instauré une atmosphère détendue et familière, dont Ruth se souvient avec beaucoup de joie: «Nous restions souvent ouverts tard, et on s’amusait bien ensemble. Nous avons même fait des performances artistiques et rigolé jusqu’à en tomber des chaises».

A la suite de désaccords avec le nouveau pasteur, Ruth est finalement rentrée à Schwanberg. Elle y vit aujourd’hui avec 31 autres sœurs. Elle n’a jamais remis en question sa vocation. «Le couvent est un lieu très vivant. Bien sûr, la vie est très structurée, mais elle apporte aussi beaucoup de variété, de sens et de profondeur».


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(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez)

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