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Congo: Les viols augmentent malgré une paix fragile

En RDC, les viols perpétrés par milliers comme armes de guerre sont en train de devenir pratiques quotidiennes contre les civils. Keystone

En dépit d’une stabilisation militaire, les viols brutaux à l’encontre des femmes et des enfants en République démocratique du Congo (RDC) sont aussi pratiqués par les civils. Dick Marty et Dimitri rentrent d’une mission de solidarité organisée par l’OMCT.

C’est l’un des pays au sous-sol le plus riche du monde. Et pourtant, en dépit d’une relative stabilisation interne, les violences sexuelles envers les femmes et les enfants, d’une brutalité sans nom, continuent d’augmenter.

La République démocratique du Congo (RDC) illustre tout particulièrement les antagonismes qui éclatent quand la recherche de la paix prime sur la justice. En RDC, les viols perpétrés par milliers comme armes de guerre sont en train de devenir pratiques quotidiennes contre les civils.

Dans cette société disloquée, les criminels, impunis, réintègrent leurs fonctions militaires, les défenseurs des libertés doivent fuir, avec leurs familles, de province en province, pour éviter d’être achevés à la machette, les femmes et les petites filles sont exécutées ou mutilées après avoir été violées, et, phénomène nouveau, les petits garçons sont aussi violés par des adultes dans leur propres quartiers.

Dimitri choqué

En février dernier, le parlementaire tessinois Dick Marty et le célèbre mime suisse Dimitri accompagnaient une mission de solidarité organisée par l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture), avec la collaboration du ministère suisse des affaires étrangères (DFAE). Du voyage aussi, le réalisateur Daniel Schweizer, récemment primé par le Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains (FIFDH) de Genève. Ce dernier prépare pour juin un court-métrage.

«Nous avons tous été choqués par ce que nous avons vu et entendu, raconte Dimitri, joint par téléphone. Ces petites femmes terrées dans leurs désespoir. L’une d’elles – seule survivante d’un viol collectif – car les criminels la croyaient morte – a vu ses bourreaux découper les têtes et les membres de ses compagnes. Elles sont ainsi des milliers n’osant pas aller à la police ni devant le tribunal, car tout est tellement corrompu».

Mais à côté de ce «tragique cercle vicieux», Dimitri dit avoir été émerveillé par l’engagement des défenseurs des droits humains sur place. «Ils prennent d’énormes risques, ils sont persécutés par les groupes armés et par l’Etat. Les femmes sont doublement exposées», raconte-t-il. Quel espoir met-il dans ce genre de mission? «Il est vrai que nous sommes tous revenus avec un sentiment d’impuissance. Pourtant, ces défenseurs n’ont cessé de nous rappeler que chaque action à l’extérieur, même minime, est importante pour eux.»

De fait, un rapport accablant, présenté mercredi au Conseil des droits de l’homme par sept experts de l’ONU, confirme: «Des membres des Forces armées de la RDC (FARDC), de la Police nationale congolaise (PNC), de l’Agence nationale de renseignements (ANR) sont responsables d’exécutions sommaires, d’actes de violence sexuelle, de tortures et de mauvais traitements. Des groupes armés tels que l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) commettent des atrocités qui constituent de graves violations du droit international humanitaire et qui, dans certains cas, pourraient constituer des crimes contre l’humanité… La violence sexuelle la plus brutale est utilisée comme arme de guerre par toutes les parties locales au conflit».

Une paix cher payée

«Nous payons très cher le prix de la stabilité en RDC», affirme Delly Mawazo Sesete, Directeur du Centre de Recherche sur l’Environnement, la Démocratie et les Droits de l’Homme (CREDDHO), basé à Goma. Ce militant a été invité à Genève par l’OMCT.

«L’impunité est totale, car personne ne veut toucher aux alliances qui ont été créées pour instaurer la paix. On réintègre dans l’armée des milices qui ont commis les pires crimes. Et lorsque nous les défenseurs, nous demandons que ces gens soient écartés de l’armée et qu’ils soient jugés pour leurs crimes, nous sommes accusés de ne pas vouloir la paix.»

Aussi invitée à Genève, Julienne Lusenge, présidente de l’organisation Solidarité des Femmes pour la Paix et le Développement Intégral (SOFEPADI), témoigne des difficultés, pour les femmes, de travailler dans la défense des libertés.

Violées pour avoir porté plainte

En 2009, son ONG a déposé devant la justice 148 dossiers de femmes violées et a obtenu 76 jugements. «Mais seulement 14 personnes sont derrière les barreaux. A peine jugés, les criminels quittent la prison et s’attaquent aux victimes et aux défenseurs. Nombres de femmes ont été violées à nouveau pour avoir osé porter l’affaire devant la justice. Quant aux militantes, certaines ont été attaquées à la machette ou par balles, d’autres ont perdu des enfants. Moi-même j’ai dû déménager trois fois avec toute ma famille.»

La Congolaise déplore l’absence d’engagement des autorités. «Nos lois sont très bonnes mais elles ne sont pas appliquées. Seul 1% du budget national est consacré à la justice, qui est en plus corrompue. Lors d’un procès, nous devons payer nous-mêmes les frais des transports des victimes, des avocats et parfois même des accusés.»

Au cours des 9 premiers mois de 2009, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a recensé 7’500 cas de violences sexuelles au Nord et Sud-Kivu. «Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg, précise-t-elle. Selon nos informations, il y aurait eu 12’500 cas rien que dans le Nord Kivu. La plupart n’osent pas avouer ce qui leur est arrivé. Car elles sont alors rejetées de leur communauté. Il n’y a aucune prise en charge pour les enfants issus de ces viols ni pour les mères. Et ces victimes doivent continuer de vivre à coté de leurs tortionnaires qui ne sont pas inquiétés.»

Carole Vann/InfoSud, swissinfo.ch

Sept. Quelques mois après avoir supprimé le mandat de l’expert chargé de la RDC, le Conseil des droits de l’homme décidait en décembre 2008 d’y envoyer sept rapporteurs spéciaux.

Pour quoi. Ces rapporteurs sont des experts indépendants sur la violence contre les femmes, les déplacements de population, l’indépendance des juges et des avocats, les défenseurs des droits de l’homme, le rôle des multinationales, les mineurs dans les conflits armés et le droit à la santé.

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