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Controverse autour d’une présidente chantante

Micheline Calmy-Rey, en Indonésie, occupée à une tâche traditionnelle liée à ses fonctions présidentielles Keystone

La présidente de la Confédération va interpréter 'Les trois cloches', dans une émission télévisée de divertissement, qui sera diffusée le 19 mai. Déjà, la performance musicale de Micheline Calmy-Rey suscite des critiques.

Selon des experts, cette affaire témoigne de l’évolution du rôle des médias dans le monde politique suisse réputé pour son sérieux.

La présidente et ministre des Affaires étrangères a choisi d’interpréter ‘Les trois cloches’. Ecrite par le grand chansonnier vaudois Jean Villard–Gilles et popularisée dans les années 50 par Edith Piaf, cette chanson avait été remise au goût du jour en 1997 par la chanteuse australienne Tina Arena, qui en fit un tube planétaire.

La prestation présidentielle a déjà été enregistrée. Elle sera diffusée le 19 mai prochain lors de l’émission ‘Les coups de Cœur d’Alain Morisod’, un programme de divertissement de la Télévision suisse romande (TSR).

Mauvais genre

«Ce n’est pas une chanson facile, mais elle chante juste et pige vite. Elle adorait chanter dans sa jeunesse. On a juste réglé quelques petits problèmes de tonalité», explique le chanteur Alain Morisod, animateur de l’émission, dans les colonnes du journal populaire «Le Matin».

Mais tout le monde ne partage pas l’admiration du musicien et compositeur vaudois, en particulier en Suisse alémanique où les critiques n’ont pas manqué.

«Un membre du gouvernement ne devrait pas chanter dans ce genre d’émission», assure Urs Altermatt au quotidien «Mittelland Zeitung». Selon ce professeur d’histoire à l’université de Fribourg, il y a danger de réduire ainsi la politique à du divertissement et à de l’humour de bas étage.

D’autres critiques estiment que la ministre se montre ainsi préoccupée par son image, sans pour autant lui donner un contenu solide.

Une explication attendue

Micheline Calmy-Rey réserve ses explications pour l’émission. Mais elle a déjà laissé entendre dans les médias qu’une telle participation est un moyen comme un autre d’entrer en contact avec la population, la priorité de son année présidentielle.

Mirko Marr, spécialiste des médias à l’université de Zurich, est bien d’accord que cette prestation permettra à la déjà très populaire ministre de toucher un public encore plus vaste. Mais l’opération n’est pas sans risque.

«De plus en plus de responsables politiques ont recours au divertissement pour faire parler d’eux, constate Mirko Marr. Mais ils prennent le risque d’avilir leur message politique.»

Moritz ‘Leuenblogger’

L’incursion de Micheline Calmy-Rey dans le monde de la chanson française intervient peu de temps après le lancement du blog du ministre des communications. Une initiative de Moritz Leuenberger qui a rencontré un grand succès. En dix jour, le blog a suscité plus de 900 contributions.

Selon Mirko Marr, ce blog peut promouvoir l’image du ministre, mais la capacité de ce nouveau support à lancer des nouvelles idées reste une question ouverte.

Le chercheur ajoute qu’il est normal que les medias traditionnels soient critiques à l’égard de politiciens recourant à de nouveaux médias, en particulier les blogs qui passent par-dessus les journalistes. L’essentiel étant de faire parler de son blog dans les médias traditionnels, en bien ou en mal.

«Des articles négatifs stimulent souvent l’intérêt pour le blog », insiste Mirko Marr.

Une chose est sûre: Moritz Leuenberger suit une tendance générale, comme le montre les blogues de Hillary Clinton, candidate à la présidentielle américaine ou des présidentiables français Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.

Du reste, Micheline Calmy-Rey et sa collègue de l’économie Doris Leuthard étudient la possibilité de lancer le leur.

Des relations nouvelles

Mirko Marr estime que les politiciens développent une relation particulière avec les medias, comparée aux autres pays.

Selon ce dernier, les spots électoraux sont interdits et le manque relatif de personnalités politiques, comme d’affrontement gauche-droite constutuent une caractéristique du paysage politique suisse.

Ce qui n’empêchent pas les membres du gouvernement d’utiliser les medias pour leur propre fin.

Le ministre de la santé et des questions sociales Pascal Couchepin tient une chronique dans le tabloïd alémanique «Blick» depuis décembre dernier.

Son collègue de Justice et Police, lui, ne dédaigne pas se montrer au milieu de sa collection de peinture d’Albert Anker et de Ferdinand Hodler. Christoph Blocher doit également apparaître dans une émission de divertissements télévisuels.

Mais la plus grosse surprise vient peut-être de Hans-Rudolf Merz, un ministre des finances peu connu pour ses extravagances. Or quand il était parlementaire, il s’est fendu d’un livre de contes intitulé «Paysans, sexe et taxe », dont le «Blick» a publié les bonnes feuilles.

swissinfo, Isobel Leybold-Johnson
(traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

Junichiro Koizumi. L’ancien Premier ministre japonais et grand amateur de rock, s’est déguisé en Elvis Presley.

Tony Blair. Etudiant à l’Université d’Oxford, le Premier ministre britannique jouait de la guitare et chantait dans un groupe de rock, les Ugly Rumors.

Bill Clinton. L’ancien président américain est un saxophoniste talentueux. Durant sa campagne électorale, il s’est produit dans un show télé très populaire.

Silvio Berlusconi. L’ancien Premier ministre italien a sorti un CD de ses propres chansons. Avant de devenir milliardaire, il était chanteur de charme lors de croisières en bateau.

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