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Corruption: la Suisse en progrès constants

Bien-être social et croissance durable ne font pas bon ménage avec la corruption. swissinfo.ch

Dans son rapport 2004, Transparency International place la Suisse au 7e rang des pays les moins corrompus.

Pour Philippe Lévy, président de la section Suisse de l’organisation, c’est le manque de transparence du secteur public et du monde politique qui l’empêche d’occuper les toutes premières places.

L’an dernier, la Suisse avait réintégré le top ten après trois années «sans». En 2004, elle progresse encore d’une place pour se retrouver au septième rang.

Une place enviable parmi les pays dont l’administration et les cercles gouvernementaux sont les moins corrompus aux yeux des hommes d’affaires et analystes interrogés par l’organisation Transparency International.

Concrètement, la Suisse obtient un 9,1 sur 10 (Indice de perception de la corruption – CPI), après un 8,8 sur 10 l’an dernier.

Elle fait moins bien que la Finlande, la Nouvelle-Zélande et le Danemark – le trio de tête – mais mieux que beaucoup d’autres. 106 des 146 pays notés obtiennent moins de 5, et soixante, moins de trois (corruption rampante).

Les nations pétrolières s’en sortent particulièrement mal. L’Angola, le Tchad, la Russie ou le Nigeria, par exemple, obtiennent de très mauvais scores.

«Dans ces pays, l’action publique dans le domaine du pétrole est minée par la disparition de fonds qui finissent dans les poches de cadres occidentaux, d’intermédiaires ou d’officiels locaux», écrit Transparency International.

Or, bien-être social et croissance durable ne font pas bon ménage avec la corruption, c’est bien connu…

C’est pourquoi Transparency International Suisse s’implique dans la campagne «Publish what you pay». Son objectif: pousser les multinationales occidentales actives dans le pétrole, le gaz et les mines à publier sur une base volontaire les montants payés aux gouvernements et institutions officielles.

Philippe Lévy, président de Transparency International Suisse, revient sur la performance suisse.

swissinfo: Comment la Suisse se classe-t-elle?

Philippe Lévy: On constate une légère amélioration pour la Suisse. Mais ce qui compte avant tout n’est pas la comparaison entre pays. C’est son score effectif. Qui s’est là aussi légèrement amélioré.

Vu les indicateurs utilisés, fondés sur une période de trois ans, un saut spectaculaire n’est pas envisageable. Mais l’amélioration est évidente, même si elle ne va pas aussi loin qu’on le voudrait.

swissinfo: Qu’a fait la Suisse pour améliorer sa position?

P.L.: La structure de l’économie d’exportation suisse a changé. La Suisse n’est pas active dans les champs particulièrement touchés par la corruption, comme l’armement.

D’abord, comme d’autres pays de l’OCDE, la Suisse a changé sa législation. Aujourd’hui, soudoyer un agent officiel étranger est un crime puni.

Ensuite, des instruments ont été développés pour le secteur public et les entreprises. Chez Transparency Suisse, nous cherchons à convaincre les deux partenaires d’appliquer ces instruments. Car notre objectif n’est pas encore atteint.

swissinfo: Qu’en est-il du blanchiment d’argent sale?

P.L.: A cet égard, la situation s’est très sérieusement améliorée. Les millions d’Abacha ont été rendus au Nigeria. C’est un bon exemple.

Dans d’autres domaines – la corruption dans le privé, la protection des fonctionnaires ayant révélé avoir été soudoyés – beaucoup plus doit être fait.

Nous voulons protéger les dénonciateurs, leur éviter de devenir les victimes de leur courage, comme cela est souvent le cas.

Nous espérons que ce sera possible dans le contexte de la ratification d’une convention du Conseil de l’Europe que le gouvernement devrait proposer ce mois-ci. Et que le Parlement pourra adopter l’année prochaine.

En Suisse, la petite corruption est plus répandue que la corruption à large échelle.

swissinfo: La Suisse a introduit une loi contre la corruption en octobre 2003. A-t-elle eu un impact en matière de lutte?

P.L.: Il est trop tôt pour en juger. Mais aujourd’hui, les individus comme les entreprises peuvent être traduits en justice. En Suisse et dans la plupart des pays de l’OCDE pourtant, ces nouvelles lois ne sont pas appliquées et les poursuites restent très rares. Dans ce domaine, nous devons améliorer notre performance.

swissinfo: La lutte contre la corruption est-elle mieux coordonnée à l’échelle nationale?

P.L.: Au niveau fédéral, la situation s’est améliorée, mais elle n’est toujours pas idéale. Sur le plan local et cantonal, nous espérons que des progrès seront faits. Nous développons actuellement un programme dans ce but.

swissinfo: Qu’a-t-on entrepris face au clientélisme en Suisse?

P.L.: C’est l’une des particularités suisses, et il est très difficile de faire quelque chose contre. Du point de vue légal, la situation n’est pas claire. Et la problématique demeure sous le couvert. La seule façon de combattre le clientélisme est d’en faire une question publique. Car il met en jeu la bonne réputation des entreprises et les individus.

swissinfo: Les mesures contre le blanchiment d’argent ont-elles eu un impact sur l’image de la Suisse?

P.L.: Nous avons amélioré notre réputation. Nous avons maintenant une politique, une attitude considérée comme plus adéquate que par le passé – la question des fonds Abacha le montre. D’ailleurs, en comparaison internationale, nous avons amélioré notre performance.

Interview-swissinfo: Katalin Fekete
(Traduction et adaptation: Pierre-François Besson)

Les Tops à l’aune de l’indice CPI:

Finlande 9,7
Nouvelle-Zélande 9,6
Danemark 9,5
Singapour 9,3
Suède 9,2
Suisse 9,1

Les Flops:

Haïti 1,5
Bangladesch 1,5
Nigeria 1,6
Myanmar 1,7
Paraguay 1,9

– La Suisse se situe au septième rang des pays les moins corrompus aux yeux des experts et agents économiques interrogés par Transparency International.

– La Suisse est notamment dépassée par la Finlande et la Nouvelle-Zélande, probablement à cause du manque de transparence au sein du secteur public et du monde politique.

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