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Tissus high tech pour créations de haute couture

A Milan, la jeune styliste suisse Julie Farronato a également dû apprendre à répondre aux médias. Instituto Europeu de Design / IED

Les produits de l’industrie textile suisse continuent d’avoir la cote en Italie, notamment dans le milieu de la haute couture. La crise économique qui frappe la Botte a certes provoqué une diminution des échanges. Mais les industriels suisses peuvent compter sur un atout: la maîtrise de la haute technologie appliquée au textile.

Les mannequins défilent d’un pas décidé sur le podium. Nous sommes fin juin, au Centre culturel suisse de Milan. Les modèles portent les vêtements de jeunes stylistes qui n’ont utilisé que des tissus fabriqués en Suisse. Toute la collection est le fruit du travail d’une nouvelle génération de créateurs en phase avec une matière première de niche.

La vingtaine de jeunes stylistes présents ont un point en commun: tous viennent de terminer leurs études auprès de l’Institut européen de design (IED), une école basée dans les principales villes italiennes mais également en Espagne (Madrid et Barcelone) et au Brésil (Sao Paulo).

Dans le bâtiment du Consulat suisse de Milan, la cérémonie de fin d’études se déroule devant un parterre d’acheteurs et de journalistes, tant italiens qu’étrangers. Le défilé, d’un peu plus d’une heure, est l’aboutissement de trois ans d’études et de travail, en collaboration avec Swiss Textiles, l’organe faîtier de l’industrie textile helvétique.

Les étudiants ont ainsi eu l’occasion de visiter le parc industriel textile suisse, dans différents cantons, et de connaître de près ses produits. Chacun d’entre eux a ensuite pu choisir ce dont il avait besoin parmi un vaste échantillonnage. L’événement a contribué à rapprocher davantage encore le monde de la mode italienne et la réalité des textiles suisses. Et le concours + Swiss Cross Textile Award visait à donner plus de visibilité à cette industrie, chose fondamentale en temps de crise.

L’objectif était aussi de présenter l’industrie textile suisse comme option naturelle pour qui mise sur des tissus alliant «high-tech», esthétique et fluidité. De prestigieuses marques de la péninsule, comme Prada, Dolce&Gabbana, Valentino et Armani (qui a un site de production au Tessin), mais aussi d’autres pays, comme Tom Ford ou Hugo Boss, achètent des matières-premières suisses.

La premier prix du concours est revenu à l’Italienne Ingrid Audano. En collaboration avec la société Schoeller Textiles, cette styliste de 23 ans a créé une collection dans laquelle la technologie du néoprène s’associe à la douceur de la laine. «L’industrie textile suisse est connue pour ses produits de niche, de haute qualité, déclare Jacqueline Hutter, de Swiss Textile. L’utilisation de technologies de dernière génération permet de conférer à cette branche les mêmes caractéristiques que celles présentes dans d’autres secteurs de l’économie suisse, comme la rigueur et la sophistication.»

Instituto Europeu de Design

Polyvalence et qualité

«Le commentaire que nous entendons le plus souvent est: ‘je ne savais pas qu’il était possible de créer un tel tissu’», indique la styliste suisse Gianna Ferrosa, qui a elle aussi participé au concours. Agée de 23 ans, elle est née à Zurich. Son diplôme de Shoes and Accessories Design lui servira à se faire une place au soleil sur un marché très disputé.

Sa collection Daaria se distingue par la combinaison des accessoires et des vêtements. «J’ai utilisé un macramé en cuir de la société Forster Rohner, explique la jeune styliste. Nous avons pu constater que les tissus suisses sont de très haute qualité, élaborés et dotés d’une remarquable résistance, malgré le caractère non technique du tissu que j’avais choisi.»

Pour sa collection baptisée Cime de l’est 87, la styliste valaisanne Julie Farronato a quant à elle opté pour un tissu de l’entreprise Schoeller. Elevée dans les montagnes et connaissant bien le monde de l’alpinisme, elle a choisi un tissu technique, un nylon bicolore. «Je souhaitais créer un vêtement de ville qui puisse servir à une personne sensible à l’environnement extrême de la montagne. J’ai été impressionnée par la capacité qu’a ce tissu de ne pas se déformer, par sa résistance et par le fait qu’il se travaille facilement», commente-t-elle.

Les deux stylistes s’accordent à dire que les tissus suisses allient la qualité à la créativité. Et aussi qu’ils sont difficiles d’accès, car ils visent le monde de la haute couture. «Je pense qu’il sont très exclusifs et chers, ainsi que nous l’avons constaté durant la phase initiale de notre recherche. Beaucoup d’entreprises suisses travaillent seulement pour la haute couture, avec des maisons comme Armani, Jean-Paul Gaultier ou Dior», déclare Gianna Ferrosa. «Pour un jeune styliste, ce n’est pas facile, car ces tissus sont destinés à une élite, complète Julie Farronato. Mais ils sont exceptionnels de par leur technique et les effets qu’ils provoquent.»

La Suisse exporte 15 types différents de tissus en Italie.

Après l’Allemagne, l’Italie est le second partenaire de la Suisse dans le secteur textile.

Durant le premier trimestre 2013, l’industrie suisse du textile a exporté pour un total de 689,6 millions de francs de tissus et de vêtements dans le monde.

Le secteur textile occupe 8700 personnes dans les tissus et 4900 dans les vêtements, soit un total de 13’600.

Une douzaine d’entreprises font partie de Swiss Textiles. Les micro entreprises représentent 85,2% des fabricants.

S’adapter à la crise

Une marque reconnue pour sa haute qualité coûte cher sur le marché international et l’exportation est la principale source de revenus du secteur. Après l’Allemagne, l’Italie représente le second marché pour le textile suisse. «Nous savons que les tissus ‘made in Switzerland’ ont une grande réputation en Italie. Les clients sont sensibles non seulement au haut niveau de technologie, mais aussi à la créativité et à l’innovation», affirme Philippe Praz, responsable du Swiss Business Hub du Consulat de Milan.

Mais cette industrie est très sensible à des facteurs économiques extérieurs tels que la force du franc suisse ou la crise qui frappe l’Italie. Au début du 21e siècle, l’Italie achetait des tissus suisses pour un montant de 339 millions de francs et vendait ses produits à la Suisse pour un montant de 429 millions. Mais le volume des échanges entre les deux pays a récemment subi un coup de frein. De 2011 à 2012, les importations italiennes ont diminué de 12,7% et ses exportations de 9,8%. Dans le secteur des vêtements finis, la baisse a été plus importante encore: 22%.

«Adaptation est l’un des mots d’ordre en ces temps de crise, affirme Jacqueline Hutter. L’autre est innovation, un point capital pour maintenir notre place sur les marchés internationaux. Nos structures s’adaptent aux situations économiques défavorables. Et la productivité dans notre secteur comme dans l’industrie suisse en général a augmenté d’un peu plus de 50% depuis l’an 2000.»

Miser sur la technologie

La principale différence entre la production suisse et celle de ses concurrents est la recherche menée dans le domaine des tissus «intelligents». Certains sont antiallergiques; d’autres émettent des substances soignantes lorsqu’ils entrent en contact avec la peau. Il existe même déjà des trames métalliques capables d’empêcher le passage d’ondes électromagnétiques en créant une sorte d’«armure» efficace contre leurs éventuels effets négatifs. Et c’est sans parler des fils intégrés dans des tapis et des rideaux qui contrôlent l’intensité de la lumière et équilibrent l’acoustique d’un local.

Le transfert de ce genre de tissus vers le monde de la mode est un phénomène qui ne cesse de se développer. C’est l’un des secrets de la vitalité de l’industrie suisse, même en ces temps difficiles. «Tissus techniques, fils spéciaux et processus de finition sont le résultat de recherches réalisées dans d’autres domaines comme la médecine, le sport, l’architecture, la sécurité ou le transport. Nous conservons ainsi de vieux marchés et nous en ouvrons de nouveaux», déclare Jacqueline Hutter, pour qui il est important d’accélérer les négociations de libre-échange avec les autres pays du BRIC, après le succès des négociations avec la Chine.

(Traduction du portugais: Olivier Pauchard)

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