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Criminalité: la Suisse se rapproche de l’Europe

Le 24 septembre, la Suisse signe avec Europol. Keystone

La signature imminente de l’accord avec Europol rapproche un peu plus la Suisse de l’Union européenne (UE) dans le domaine de la lutte contre la criminalité.

Depuis le 1er juillet 1999, Europol combat le crime organisé et le terrorisme international. Le champ d’action de ce corps de police est bien délimité. Mais il y a des voix discordantes.

Sur la base du mandat reçu de l’UE, Europol assiste les Etats membres dans les domaines de la prévention et de la lutte contre le crime organisé.

Concrètement, les tâches de ce corps sont de faciliter l’échange d’informations entre le pays, de mener des analyses stratégiques et opérationnelles ainsi que de mettre à disposition des experts et des moyens techniques pour des enquêtes.

Europol intervient surtout dans cinq domaines d’activités criminelles: le trafic d’êtres humains, le trafic de migrants, le trafic de stupéfiants, le terrorisme et le recyclage d’argent sale.

L’intérêt de la Suisse

Pour la Suisse, le principal intérêt d’Europol est l’échange d’informations. C’est en septembre 2001 que le gouvernement suisse a décidé d’ouvrir des négociations pour intensifier la coopération internationale.

Il parlait alors d’Europol comme d’un «centre névralgique pour les informations de police, dont la mission est de recueillir, de réunir et d’analyser les données et les informations qui lui sont transmises».

En disposant d’informations opérationnelles, stratégiques ou d’autre nature, la Suisse «peut combattre plus efficacement les formes les plus graves de la criminalité organisée», soulignait par ailleurs le gouvernement.

Protection des données



Les conditions de traitement des informations et le droit de les consulter sont stipulés dans la Convention Europol. Des mécanismes de contrôle sont prévus, explique Jean-Philippe Walter, préposé fédéral suppléant à la Protection des données.

«Europol est réglementé par une convention qui contient toute une série de dispositions concernant la protection des données, déclare-t-il. Ces dispositions sont très détaillées et très précises. Une autorité de contrôle commune est chargée de surveiller le respect de la convention et des lois nationales.»

«Pour avoir personnellement eu la possibilité de rencontrer les responsables d’Europol, poursuit Jean-Philippe Walter, je peux affirmer que les exigences légales en matière de protection des données vont souvent plus loin que ce que nous connaissons dans le droit suisse.»

Pas un FBI européen

Mais peut-on comparer Europol à une sorte de FBI à la sauce européenne? «D’après ce que je connais, parler de FBI européen est exagéré, déclare Jean-Philippe Walter. Il est vrai qu’Europol a certaines ambitions, mais les structures ne peuvent pas être comparées.»

«A commencer par le fait que le FBI est une organisation relevant d’un seul Etat, alors qu’Europol est une organisation multilatérale au sein de laquelle chaque Etat membre veille jalousement sur ses propres compétences. C’est la raison pour laquelle, en fin de compte, Europol a moins de compétences que ce qui avait été souhaité lors de sa création.»

Le système informatique d’Europol se divise en trois parties. La première est constituée d’un système central d’informations, dans lequel sont conservées des données sur des personnes déjà condamnées ou susceptibles de commettre des délits.

La seconde concerne le traitement des données et la troisième l’échange d’informations avec des agences d’autres pays non membres de l’UE (comme la Suisse, les Etats-Unis ou la Turquie).

Europol oui, Schengen non

Europol n’est cependant pas l’unique système européen d’informations. Schengen, qui a un rôle distinct, représente aussi un instrument de contrôle qui intéresse la Suisse.

L’accord sur la participation de la Suisse à Schengen a déjà été signé, mais il doit encore être ratifié par le parlement suisse. De plus, l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure) menace de lancer le référendum. Le parti est par contre favorable à Europol.

«L’UDC n’a rien contre la signature de cet accord, déclare son porte-parole Roman S. Jäggi. Il s’agit d’un accord de coopération entre polices européennes qui, à notre avis, ne peut que renforcer la sécurité dans notre pays et en Europe. Avec Schengen, c’est un toute autre histoire.»

L’UDC craint en effet que la Suisse ne perde sa souveraineté en adhérant à l’accord de Schengen. Une crainte jugée totalement non fondée par le gouvernement suisse.

«Un monstre d’informations»



Il y a pourtant des critiques contre Europol. Notam,ment celles lancées par le groupe «Archiv Schüffelstaat Schweiz» (littéralement ‘L’Archive de l’Etat fouineur’), à Berne.

«Le système de fichage d’Europol est impressionnant, déclare le politologue Heinrich Busch, son expert pour les questions de police. A mon avis, c’est en totale contradiction avec la protection des données, qui est un droit fondamental des citoyens.»

«Face à cette fabrique à informations, le citoyen est pratiquement sans défense, poursuit-il. En théorie, Europol garantit, par exemple, le droit de consulter ces informations. Mais en réalité, il s’agit d’une tâche impossible.»

Une personne qui veut consulter ses données doit en effet d’abord s’annoncer auprès de la police de son propre pays, qui, à son tour, demande à toutes les autres polices d’Europol l’autorisation d’accès à ces informations. «Avec un tel système, la consultation est pratiquement impossible», estime Heinrich Busch.

Autre problème pour le politologue, Europol collecte des informations sur des personnes, des associations et des organisations qui ont commis des délits, qui sont suspectées de commettre des délits ou qui sont potentiellement susceptibles de commettre des délits.

Bref, pour le politologue, il n’y a pas de limites. C’est en fait Europol qui décide si quelqu’un est plus ou moins intéressant à ficher. Le nombre de personnes fichées est même si élevé qu’une enquête efficace semble peu probable.

«Je n’ai aucun doute: Europol représente un danger pour la protection des données», conclut Heinrich Busch.

swissinfo, Françoise Gehring
(traduction: Olivier Pauchard)

Europol existe depuis le 1er juillet 1999.
Tous les pays de l’Union européenne en font partie.
La Suisse signera un accord avec Europol le 24 septembre prochain.

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