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Crise: la Suisse touristique drague ses voisins

Keystone

Face à la baisse attendue des nuitées en Suisse cet été, Suisse Tourisme, avec les prestataires de la branche, mène une vaste offensive marketing en France, en Allemagne et en Italie, en plus de la Suisse.

Cet été, le tourisme suisse risque bien de s’enrhumer. Selon les prévisions d’un important institut conjoncturel (BAKBASEL) relayé par l’Etat, la baisse des nuitées atteindra 7,2%.

Un recul qui sera particulièrement sensible pour la clientèle étrangère (-9,5%), responsable de plus de 57% du total des nuitées annuelles (statistique officielle qui ne tient pas compte de la parahôtellerie, goûtée par les Allemands notamment).

Le mécanisme est connu: la crise incite à une réduction des dépenses «contournables», dont font partie les vacances. S’ajoute à cette tendance le regain de force du franc, qui rend la destination suisse moins avantageuse.

Attention, nuance toutefois Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme. On parle d’une baisse des nuitées sur la base de l’année record 2008, la meilleure depuis 1990.

Certes, mais la crise est là et la Suisse touristique ne se laissera pas manger toute crue. D’où la campagne de Suisse Tourisme, l’organisme officiel chargé de promouvoir l’offre touristique helvétique.

Dans le cadre de son deuxième paquet conjoncturel («mesures de stabilisation»), la Confédération a décidé en février d’octroyer 12 millions de francs à cette organisation pour un effort de marketing censé apporter entre 100 et 150 millions de francs de chiffre d’affaires supplémentaire à la branche.

A ces 12 millions s’ajoutent trois autres millions dégagés par les partenaires touristiques publics, comme les régions touristiques et les Chemins de fer fédéraux (CFF).

Grosse artillerie

Quinze millions donc – dont 4,75 réservés à la future campagne hivernale – alors que Suisse Tourisme tourne sur un budget ordinaire de 76 millions. De quoi sortir la grosse artillerie, en complément aux efforts habituels, maintenus.

Quatre marchés cibles ont été choisis – outre la Suisse, la France, l’Italie et l’Allemagne. «Il se taillent la part du lion en termes de nuitées de l’hôtellerie [2/3 des nuitées étrangères], et ce sont les marchés qui, actuellement, semblent offrir le meilleur potentiel de développement dans le cadre de la crise économique», justifie Véronique Kanel.

«Nous n’avons pas choisi d’investir en Grande-Bretagne, par exemple, parce qu’on voit depuis le début de l’année que les nuitées des touristes britanniques chutent.» Sans espoir, donc.

Directeur-adjoint de Valais Tourisme, Vincent Bornet complète: «Certains marchés lointains vont souffrir, d’autres – la zone euro et surtout les pays limitrophes à la Suisse – vont bien répondre, voire même compenser un peu la baisse globale».

Vente d’offres

Contrairement à l’an dernier pour l’Eurofoot, il n’est pas question cette fois de campagne d’image. Mais, initiée en mai, d’une offensive de marketing strictement touristique, et de la vente d’offres.

Le noyau du dispositif marketing, commun aux quatre pays cibles, est situé sur internet. Suisse Tourisme décline sur son site une campagne d’annonces concrètes de séjours. Certains parmi la centaine proposés sont affichés entre -25% et -35% des prix habituels à la même période («Best value»).

Une septantaine de suggestions d’escapades originales sont aussi promues comme «perles» touristiques de la Suisse. L’offensive en ligne se double d’une campagne massive par le biais des médias traditionnels (annonces) et de partenariats (voyages pour lecteurs Coop ou sociétaires Raiffeisen en Suisse, par exemple).

En Italie, Suisse Tourisme adapte son dispositif en recourant aussi à une campagne d’affichage dans les gares. En France, ce sont des spots radio. Et partout, le supplément encarté «Cet été, fuguez en Suisse», tiré à 2,6 millions d’exemplaires, dont 1,2 million pour les trois pays voisins.

Les régions aussi

Valais Tourisme appuie la campagne de Suisse Tourisme, qu’il participe à financer. Pour la visibilité» et la «relance», Vincent Bornet compte aussi sur le voyage de presse destiné aux médias internationaux lancé par Suisse Tourisme depuis le Valais en août (180 journalistes à la découvertes des montagnes suisses et des sites de l’Unesco).

Première destination touristique du pays, le tourisme des Grisons contribue aussi à la campagne de Suisse Tourisme (150’000 francs). Dans cette grande région de l’Est de la Suisse, on s’attend à une saison aussi bonne que l’été 2007, selon Gieri Spescha, responsable de la communication.

Pour la suite, «Graubünden Ferien» vient de toucher un budget exceptionnel de 750’000 francs du canton pour promouvoir l’automne et l’hiver grison (wellness/familles). Mais sur le marché suisse uniquement (70% à 80% des clients sont Suisses et Allemands).

Ratisser large

Avec sa campagne à quinze millions, Suisse Tourisme veut ratisser large. L’organisme cible tous les budgets, tous les segments, avec toute la palette de l’offre touristique suisse. A des conditions avantageuses, mais pas systématiquement à prix cassés, précise Véronique Kanel.

Elle explique, en effet, qu’avec la crise, la guerre du marketing entre les pays-destinations touristiques s’est durcie sur le critère des prix. Les Allemands, les Français et les Italiens comme les autres sont appâtés partout, y compris à domicile.

Mais Suisse Tourisme évite de transiger sur un trait cardinal de la destination suisse, comme le résume Véronique Kanel: «Le message donné aux prestataires touristiques est de ne pas axer les offres uniquement sur les prix, mais aussi sur les prestations. La Suisse ne peut pas se battre uniquement sur les prix, il faut aussi la qualité.»

Pierre-François Besson, swissinfo.ch

Les Suisses représentent 42% des nuitées de l’hôtellerie suisse (2008), l’Allemagne 16%, la France 4% et l’Italie 3%.

Pour les seuls hôtes étrangers, l’Allemagne pèse quelque 29% des nuitées, la France 7% et l’Italie 5%.

Selon les chiffres fournis par Suisse Tourisme, voici la ventilation des 15 millions pour la vaste offensive promotionnelle:

Eté 2009: 4 millions de francs pour la Suisse, 3 pour l’Allemagne, 1,75 pour la France et 1,5 pour l’Italie.

Hiver 2009/2010: 2 millions pour la Suisse, 1,5 pour l’Allemagne, 0,75 pour la France, 0,5 pour l’Italie.

ST. Entreprise publique (220 collaborateurs en Suisse et dans 28 pays), Suisse Tourisme (ST) vise à promouvoir l’offre touristique pour la Suisse, pays de voyages, de vacances et de congrès, à l’intérieur comme à l’étranger.

But. Sa principale mission est de développer des programmes de marketing stimulant la demande et de valoriser, sur les marchés internationaux, une image de marque forte de la Suisse touristique.

4e. En Suisse, le tourisme est la 4e branche d’exportation (les touristes étrangers en Suisse dans la balance des paiements) et génère 10% de l’emploi.

Résultat. Les hôtes étrangers ont dépensé 15,6 milliards de francs en Suisse l’an dernier, soit presque un milliard de plus que l’année précédente (+6,7%).

. Les Grisons ont été la région la plus prisée en 2008 (6 millions de nuitées), devant la région zurichoise (plus de 4 millions), le Valais (idem) et l’Oberland bernois.

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