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«La Suisse peut donner un souffle nouveau à l’OSCE»

Pour l'heure, c'est le temps du recueillement en Ukraine. AFP

Nommé représentant spécial de l’OSCE en Ukraine, le Suisse Tim Guldimann est la personnalité idéale pour contribuer à résoudre le conflit, affirme le politologue David Svarin. La crédibilité dont jouit la Suisse en matière de médiation pourrait par ailleurs redonner du lustre à cette organisation, selon cet expert.

Avec l’envoi à Kiev de Tim Guldimann, un expert de la médiation en situation de crise, le président de la Confédération et ministre suisse des Affaires étrangères Didier Burkhalter a joué une importante carte diplomatique, explique David Svarin. Politologue et coordinateur du projet au Foraus, un laboratoire d’idées de politique extérieure, ce dernier est doctorant au King’s College de Londres.

L’ambassadeur suisse Tim Guldimann a été nommé représentant spécial en Ukraine par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Cette charge lui a été attribuée à l’instigation de Didier Burkhalter, ministre suisse des Affaires étrangères, qui est durant cette année 2014 également président de la Confédération et président de l’OSCE.

Agé de 63 ans, Tim Guldimann a une longue expérience dans le domaine de la médiation des conflits: il a déjà conduit les missions de l’OSCE en Tchétchénie (1996-1997), en Croatie (1997-1999) et au Kosovo (2007-2008).

Il a également été ambassadeur de Suisse en Iran entre 1999 et 2004.

swissinfo.ch: Didier Burkhalter, qui assure cette année la présidence tournante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a voulu donner à cette organisation un rôle de médiation dans le conflit en Ukraine. Est-ce réaliste, étant donné la forte concurrence de l’Union européenne et des Etats-Unis dans ce domaine?

David Svarin: Absolument. Je doute en effet que la concurrence des Etats-Unis et de l’Union européenne soit particulièrement forte. Concernant la médiation, les Etats-Unis n’ont pas été très actifs dans la crise en Ukraine. L’Union européenne en a fait plus.

Mais le problème de l’UE – et a contrario la force de l’OSCE – c’est sa légitimité. L’OSCE compte aujourd’hui 57 pays, dont quatre sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Le fait de représenter à la fois l’occident et l’orient lui confère la légitimité nécessaire pour intervenir en Ukraine.

Didier Burkhalter a parlé d’un «toit commun pour les régions euro-atlantiques et euro-asiatiques». C’est précisément parce qu’elle établit un pont entre les diverses régions que l’OSCE a la meilleure chance de réussir sa mission en Ukraine. Il n’existe pas de meilleur forum impartial.

swissinfo.ch: Il n’y a donc pas de médiateur plus idéal que l’OSCE en Ukraine?

D. S. : Sans aucun doute. L’OSCE a été créée pour promouvoir la paix et la sécurité en Europe. Or l’Ukraine est un pays européen.

Outre la nomination de Tim Guldimann, Didier Burkhalter a proposé la convocation d’un groupe de contact international qui puisse servir de plateforme de coordination des activités de soutien au processus de transition en Ukraine. Les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne et les différentes anciennes républiques soviétiques devraient faire partie de ce groupe.

Lors d’une visite de deux jours aux Etats-Unis, Didier Burkhalter a présenté les différentes mesures devant le Conseil de sécurité de l’ONU, une commission américaine et le vice-président Joe Biden.

Didier Burkhalter a rappelé que ce sont les Etats-Unis qui ont proposé la Suisse à la présidence de l’OSCE, ce qui en fait le premier pays à assumer cette charge à deux reprises.

«Un soutien clair aux plans de l’OSCE serait très important pour parvenir à une solution pacifique», a-t-il affirmé, ajoutant que la communauté internationale doit s’engager pour trouver une solution qui corresponde aux besoins du peuple ukrainien.

swissinfo.ch: Pourtant, ces derniers temps, l’OSCE n’était plus guère crédible politiquement ni en mesure d’agir. Qu’est-ce que Didier Burkhalter peut maintenant faire peser dans la balance?

D. S. : Il est vrai que ces dernières années, l’OSCE a été fortement critiquée. Pour ce qui concerne la mission politique de l’organisation, ces critiques sont en partie justifiées. Sur le terrain, en revanche, par exemple en ce qui concerne la supervision d’élections, l’OSCE a démontré qu’elle était parfaitement en mesure d’agir et aucun de ses membres n’a jusqu’à présent décidé de claquer la porte.

La Suisse a une très bonne chance de donner un souffle nouveau à l’OSCE. Et cela surtout grâce à la grande crédibilité dont elle jouit à l’intérieur de l’organisation. Sans compter que la médiation dans des situations de conflit est un des points forts de la Suisse, en particulier dans cette région. Cela lui confère la crédibilité nécessaire pour aider l’OSCE à remettre le pied à l’étrier.

Concrètement, Didier Burkhalter peut mettre sur le plateau de la balance Tim Guldimann, qui a déjà une très grande expérience dans le cadre des missions de l’OSCE. Ce dernier, qui parle également russe, est comme un as que la Suisse sort maintenant de sa manche. Il est aussi important que cet envoyé spécial de l’OSCE soit suisse, car il est neutre, éloigné des conflits ainsi que d’une possible influence de l’UE.

swissinfo.ch: A Kiev, la feuille de route prévoit une réforme constitutionnelle, des élections anticipées et un gouvernement de transition d’unité nationale. Quels sont les principaux défis qui attendent Tim Guldimann?

D. S. : La situation en Ukraine est encore très instable. Tout s’est passé très vite, même l’instauration d’un gouvernement de transition. L’OSCE doit chercher à établir un contact avec tous les acteurs et à accompagner les processus. L’opposition n’est pas homogène, mais composée de différents groupes et partis. De plus, il y a des tensions entre l’est et l’ouest du pays. L’OSCE doit chercher à englober tous ces courants.

L’observation des élections anticipées sera une tâche extrêmement importante pour l’OSCE, afin d’éviter que celles-ci ne soient truquées.

Dans ce contexte, la Crimée ne doit pas être laissée de côté. C’est une région de l’Ukraine particulièrement russophile et qui héberge une base militaire russe. Certains parlent déjà de séparation ou d’autonomie. Ces régions doivent être englobées dans le processus politique.

swissinfo.ch: On dit qu’un succès de la mission représenterait une situation «gagnant-gagnant» à la fois pour l’Ukraine, pour l’OSCE et pour la Suisse. Mais qu’est-ce que la Suisse a à y gagner?

D. S. : La Suisse peut renforcer son image d’acteur neutre et crédible. Un acteur qui peut contribuer à promouvoir la paix et la stabilité en Europe et dans le monde. C’est une image de la Suisse qui correspond à la réalité et qui doit être soignée. La Suisse, en tant que petit pays, a peu de pouvoir. Une organisation comme l’OSCE lui offre la chance de jouer un rôle plus actif dans la diplomatie internationale.

De plus, bon nombre de ses 57 Etats-membres sont des partenaires bilatéraux importants de la Suisse. La Russie, par exemple, est l’un des principaux pays de l’OSCE et maintient de bons rapports avec la Confédération. Un bon leadership, durant cette année de présidence de l’OSCE, peut également avoir un impact positif sur la coopération bilatérale.

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(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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