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«Notre univers impitoyable» mais malgré tout désirable

Une scène du dernier film de Léa Fazer. Ici Jocelyn Quivrin et Alice Taglioni allocine.fr

Le dernier film de la cinéaste genevoise Léa Fazer renvoie dos à dos les ambitions vélléitaires des hommes et des femmes.

Une comédie de moeurs drôle et amère qui donne à voir deux versions différentes de la vie d’un couple.

La recette est éprouvée mais le thème demeure d’actualité dans «Notre univers impitoyable». S’y reflète notre société moderne où la guerre des sexes reste plus que jamais ouverte.

La recette donc. Elle consiste à élaborer deux versions différentes d’un même fait. Procédé que le cinéma a souvent utilisé. Il suffit de songer au célèbre «Smoking/No Smoking» d’Alain Resmais.
Le théâtre aussi affectionne les variations sur un même thème. Pour s’en convaincre: «Trois versions de la vie», pièce de Yasmina Reza qui remporta en 2000 un très vif succès en Europe.

Comme des marionnettes

Léa Fazer, qui vient justement du monde de la scène, théâtralise de manière éloquente son «Univers impitoyable». Ses personnages, elle les manipule un peu comme des marionnettes, en les faisant jouer leur existence sous deux angles différents.

Voici donc Margot (Alice Taglioni) et Victor (Jocelyn Quivrin), un couple très bourgeois, très brillant dans l’univers parisien des affaires. Tous deux sont avocats et travaillent pour un requin aux airs raffinés, un certain Nicolas Bervesier (Thierry Lhermitte).

Pour les deux partenaires beaux, amoureux, tout roule jusqu’au jour où leur patron est contraint de nommer l’un d’eux comme associé. Le film commence avec le rendez-vous d’embauche et toute l’angoisse qui en découle: lequel des deux sera-t-il choisi?

Afin de ne frustrer ni l’un ni l’autre, la cinéaste fait vivre au couple les deux situations. Son film consiste donc à dire: voilà ce que Margot aurait fait si elle avait été engagée. Et voilà ce qu’elle aurait fait si elle avait été recalée. Idem pour son compagnon Victor.

Le poids des clichés

Il faut avouer que cette formule de Léa Fazer est bien exploitée cinématographiquement. Les scènes de succès et de déceptions s’alternent au rythme d’un rêve doux ou neurasthénique. Le couple y apparaît comme dépossédé de lui-même, comme manipulé par une main divine ou maléfique; c’est selon.

Cette même formule aurait été encore plus payante si certaines scènes ne fléchissaient pas sous le poids des clichés ou des déductions attendues.

Embauchée, Margot couche évidemment avec son patron. Sa promotion est horizontale donc. Autrement dit: «je t’ai choisie comme associée, je te saute». Nous voilà dans la logique de la femme aliénée par son sexe. Du déjà-vu et cent fois entendu.

Victor fait le paon

Le cliché se renforce davantage quand, recalée, Margot la séduisante et conquérante s’efface sous les traits d’une femme au foyer, à l’allure débraillée, qui dit à son mari: «Je me suis sacrifiée pour toi». Tout ce que les hommes détestent entendre, vaillants comme ils sont.

Tiens, à propos de vaillance, encore un cliché, masculin bien sûr. Embauché, Victor fait le paon. Il drague les nanas avec la superbe décapotable que sa femme lui a offerte. Une vaillance infantile. Et une guerre des sexes réduite, par moments, à une gentille escarmouche.

Cela dit, le film n’est pas déplaisant, loin de là. Il fait même rire, peut-être parce qu’il caricature, au prix de quelques naïvetés, les ambitions vélléitaires des hommes et des femmes en perpétuelle concurrence.

swissinfo, Ghania Adamo

«Notre univers impitoyable» de Léa Fazer (France 2008), à voir dans les salles romandes. Avec Alice Taglioni, Jocelyn Quivrin, Thierry Lhermitte et Pascale Arbillot.

Scénariste, cinéaste, comédienne et dramaturge suisse, Léa Fazer est née à Genève en 1965.

Après avoir fait dans son pays des études de lettres, elle rejoint, en 1986, l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg pour une formation de comédienne.

Entre 1996 et 1999, elle collabore en tant que scénariste avec la Télévision Suisse Romande, et écrit notamment une sitcom «Bigoudis».

Elle est également auteur de pièces de théâtre dont «Porte de Montreuil» présentée à Paris en 2001.

Léa Fazer travaille beaucoup en France, pays qui produit ses films.
«Bienvenue en Suisse», son avant dernier long métrage sorti en 2004, avait suscité une controverse dans le milieu culturel helvétique en raison d’une allusion à Pascal Couchepin, non appréciée par le nommé.

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