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«Oleanna» ou le sexe harcelé

Piera Honegger et Laurent Sandoz. L'agresseur et l'agressé ne sont pas forcément ceux qu'on croit. Marc Vanappelghem

Près de Genève, dans son Théâtre de Carouge, François Rochaix met en scène la pièce du dramaturge américain David Mamet.

Où se déploie une diabolique mécanique du pouvoir. Entre un maître et son élève.

Juste avant d’être nommé à la tête du Théâtre de Carouge, François Rochaix dirigeait l’Institut de théâtre de l’Université de Harvard, à Boston.

C’est là qu’il a connu le grand dramaturge américain David Mamet qui y enseignait. C’est là aussi qu’il a observé l’écrivain lorsqu’il mettait en scène ses propres textes.

François Rochaix s’en souvient: «David Mamet monte ses pièces de manière austère. Pour lui, un comédien doit se contenter d’être juste. Il n’a pas à se préoccuper du personnage qui est plutôt l’affaire de l’auteur. C’est une vision que je ne partage pas. J’ai donc eu envie de m’attaquer au théâtre de Mamet en l’abordant de façon différente».

Un tollé dans le milieu universitaire


Pour ce faire, Rochaix a donc choisi «Oleanna» une pièce dudit Mamet qui, lorsqu’elle fut créée aux Etats-Unis, suscita un tollé dans le milieu universitaire. Et pour cause…

L’auteur y met face à face une étudiante de 20 ans et son professeur (40 ans). Soit une chipie venue voir son maître cynique pour lui demander une explication à propos d’un cours qu’elle n’a pas bien compris.

Le professeur, pressé, se montre peu disponible. La jeune élève, blessée, se vengera comme elle pourra en accusant l’enseignant de harcèlement sexuel.

Scénario très courant aux Etats-Unis où les films, surtout, regorgent de ce genre de situations, nettement moins dramatisées sous nos latitudes.

Dans le non-dit


«Cela ne veut pas dire que le harcèlement n’existe pas ici, confie François Rochaix, mais il reste, hélas, enfermé dans le non-dit. On n’ose pas en parler ouvertement».

Et le metteur en scène de préciser dans une note d’intention: «Au sein d’une Université américaine, un enseignant doit se garder de recevoir une étudiante sans maintenir sa porte ouverte, permettant ainsi à l’entretien de se dérouler devant témoins. Cela, sous peine de risquer une action en justice, par exemple pour harcèlement sexuel, à l’image de ce qui advient dans la pièce de Mamet».

Mais Françoix Rochaix n’a pas choisi «Oleanna» uniquement pour le problème social qu’elle soulève.

Une mécanique diabolique


«Ce qui m’intéresse avant tout dans ce texte, souligne-t-il, c’est l’extraordinaire mécanique du pouvoir que l’auteur met en branle. Il y a un renversement des rôles qui s’opère au fur et à mesure que l’on avance dans la pièce. L’élève, qui se sent au début agressée par son maître, devient à la fin l’agresseur et fait du professeur sa victime, de la façon la plus inattendue qui soit».

Pour mettre en route la diabolique mécanique ‘mametienne’, François Rochaix a confié les rôles du maître et de l’élève à Laurent Sandoz et Piera Honegger. «Au départ, ils donneront à la pièce un ton de comédie», précise Rochaix qui entend mettre en scène cette pièce de la façon la plus vivante qui soit. La fin, que l’on taira, n’en sera que plus dramatique.

swssinfo, Ghania Adamo

«Oleanna» de David Mamet. Genève, Théâtre de Carouge. Du 15 novembre au 18 décembre. Tel: 022 343 43 43

– François Rochaix est né en 1942 à Genève.

– Il se forme au théâtre à Genève avec François Simon et Philippe Mentha.

– Il dirige tôt le Théâtre de l`Atelier, puis le Théâtre de Carouge.

– Il sera directeur associé du théâtre Den Nationale Scene à Bergen (Norvège). Il monte plus de 45 opéras, dont la Tétralogie de Wagner à l’Opéra de Seattle.

– Directeur associé de l’American Repertory Theatre, il enseigne à l’Académie de théâtre de l’Université de Harvard.

– Il a été le directeur artistique de la Fête des Vignerons 1999 à Vevey.

– En 2002, il reprend la direction du Théâtre de Carouge. Il crée les spectacles d’ouverture et de clôture de l’Exposition nationale suisse de 2002.

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