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Alexandre Jollien, une force sans handicap

Les comédiens Robert Bouvier (Alexandre) et Yves Jenny (Socrate). Anouk Schneider

Le jeune philosophe valaisan, invalide de naissance, est à l'affiche à Genève où est adapté pour la première fois au théâtre son livre «Eloge de la faiblesse».

C’est le Français Charles Tordjman qui signe ce spectacle placé dans un univers de science fiction.

Ceux qui l’ont vu dans «Autrement dit», une émission de la Télévision suisse romande, se souviennent sans doute de sa volonté tenace née d’une force intérieure époustouflante. Son corps cassé par un handicap résistait, toutefois, merveilleusement aux assauts du quotidien.

La caméra de la TSR l’avait alors suivi dans la rue. Pour retirer de l’argent dans un Bancomat, il pouvait mettre une heure. La main tremblait devant le distributeur, la carte de crédit tombait sans cesse. Sans cesse il la ramassait et recommençait l’opération jusqu’à obtenir le résultat escompté.

C’est grâce à cette ténacité de tous les instants qu’Alexandre Jollien (30 ans) est devenu ce qu’il est aujourd’hui: un homme bien dans sa peau, aussi paradoxale que cette expression puisse paraître. Et l’on voudrait ajouter: bien dans sa tête aussi puisque Jollien n’a aucun mal à tutoyer Socrate. Dans un certain sens c’est normal, car ces deux-là appartiennent à la même confrérie, celle des philosophes.

Récit autobiographique

Comme le vieux Grec, le jeune Valaisan a le culte de la sagesse, celle-là même qui lui fait dire: «La normalité peut constituer une stimulation pour la personne qui s’en sent exclue». Paroles d’un sage s’adressant à Socrate, justement, dans «Eloge de la faiblesse». Un livre apaisant, signé Alexandre Jollien et aujourd’hui mis en scène au Théâtre Le Poche de Genève par le Français Charles Tordjman.

«Eloge de la faiblesse» est en fait un récit autobiographique, écrit sous la forme d’un entretien entre Socrate et le personnage d’Alexandre, alias Alexandre Jollien. Face au philosophe grec, l’écrivain valaisan s’interroge ici sur le sens de la vie en général et de sa vie de handicapé en particulier, sans jamais se départir de l’humour, sans jamais sombrer dans l’apitoiement.

Charles Tordjman confie avoir découvert cet «Eloge» sur son lit d’hôpital, alors qu’il sortait d’un accident qui aurait pu l’handicaper. «Ce livre m’a apporté une certaine quiétude, confie-t-il. J’avais rarement vu un jeune auteur aussi aigu, aussi fin et aussi drôle. Et c’est là que j’ai décidé d’adapter au théâtre l’«Eloge».

Une autre planète

Le livre commence par un prologue qui s’ouvre sur ces mots: «Où se déroule cet étrange entretien? Libre à vous de choisir», dit l’auteur à son lecteur. Tordjman, lui, a choisi de situer son spectacle dans un univers de science-fiction.

«Les personnages de Socrate et d’Alexandre, joués respectivement par Yves Jeny et Robert Bouvier, semblent appartenir à une autre planète, précise le metteur en scène. Ils sont sur terre, mais en même temps ils ne le sont pas. Leur monde, on le touche mais en même temps il nous échappe. J’ai donc voulu un décor qui soit à la fois abstrait et concret, qui puisse aussi rendre au livre tout son mystère».

Le choix des comédiens tient compte de ce mystère précisément. «Yves Jenny connaît bien Jollien, explique le metteur en scène. Il a déjà enregistré pour la radio ‘Le métier d’homme’, un autre livre du Valaisan. Quant à Bouvier, il y a chez lui, en tant qu’acteur, une part d’étonnement touchante qui recoupe très bien la spontanéité de Jollien et sa capacité à toujours maintenir une fraîcheur face à la vie».

swissinfo, Ghania Adamo

«Eloge de la faiblesse», d’Alexandre Jollien.
Adaptation et mise en scène: Charles Tordjman.
Avec Robert Bouvier et Yves Jenny.
A voir au théâtre de Poche de Genève jusqu’au 22 décembre.
Puis, dès janvier 2006, au Théâtre de Vidy-Lausanne, au Théâtre Populaire romand à La Chaux-de-Fonds, au Théâtre du Martolet à Saint-Maurice, au Théâtre de Valère à Sion, au Théâtre du Passage à Neuchâtel à l’Espace Nuithonie de Fribourg et au Théâtre de L’Alambic à Martigny.

– Alexandre Jollien est né en 1975 à Savièse, en Valais.

– Infirme moteur cérébral, il suit des études de philosophie à la faculté des Lettres de Fribourg, et de philosophie et de grec ancien au Trinity College à Dublin.

– Il Publie «Eloge de la faiblesse» en 1999, suivi par «Le métier d’homme» en 2002.

– Printemps 2004, il obtient sa licence en philosophie à l’Université de Fribourg.

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