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De Hergé au manga en passant par Mayam

Daniel Koller sur fond de 'Tintin au Tibet'. swissinfo.ch

Le 21ème Salon du livre de Genève aura notamment été placé sous le signe de la bande dessinée grâce à Hergé et au manga. Visite avec le dessinateur Daniel Koller.

Lequel publie d’ici quelques jours le 4e tome de la série «Mayam», cosignée par le scénariste Desberg.

«June l’infiniment bon», tome 4 de la série Mayam et début d’un cycle de deux albums, sortira d’ici quelques jours. Mayam, une série qui mêle science-fiction, heroic fantasy, aventure et satire religieuse, co-signée par le scénariste belge Stephen Desberg et le dessinateur suisse Daniel Koller.

L’occasion de faire le point avec celui-ci, tout en rendant hommage à Hergé et en découvrant le 1er «Japan Manga Festival Geneva».

swissinfo: Mayam, tome 4… Quelle évolution entre le premier cycle et le second?

Daniel Koller: L’évolution, elle est surtout de mon côté. Le dessin évolue d’un bouquin à l’autre. Il s’affine. Il faut dire que cela représente des cadences de travail très assidues et… c’est en forgeant qu’on devient forgeron! Aussi bien dans le dessin purement anatomique que dans la mise en scène, je crois que j’évolue.

swissinfo: Dessinateur de BD, c’est un métier où l’on n’est jamais ‘achevé’?

D.K.: La progression a même lieu de page en page! Je suis content d’une page, et une semaine après, je me demande comment j’ai pu penser que j’ai évolué sur cette page-là!

C’est un cycle qui ne s’arrête pas, une espèce de course-poursuite entre mon exigence et ma capacité à réaliser. Il y a des moments où je crois que cela se rejoint, puis je réalise que je me berce d’illusions, et j’entre à nouveau dans une phase où je réapprends. Au final, il y a une évolution, mais elle est très lente.

swissinfo: Une caractéristique générale des dessinateurs ou une angoisse personnelle?

D.K.: Je crois que c’est assez fréquent. Ceux qui ne connaissent pas ça ont la chance de peut-être avancer plus vite… Moins on se pose de questions, plus on travaille! Le doute freine la production.

Pour saluer le centenaire de la naissance d’Hergé, un programme baptisé «Hergé 007» a été mis sur pied qui rassemble moult événements. Dont une exposition due à Charles Dierick, de la Fondation Hergé, qui fait escale à Genève après être passée par Bruxelles et Angoulême. Nous nous y rendons.

swissinfo: Hergé. Que signifie ce nom pour vous?

D.K: Pour moi, c’est le modèle absolu. Il a réussi à concilier l'”entertainement” avec une vraie œuvre d’auteur. Les dessins du jeune Hergé ont déjà une grande élégance, si on se réfère à l’époque.

La différence, aujourd’hui, et ne serait-ce que par rapport à il y a simplement dix ans, c’est qu’il y a des jeunes, très jeunes, qui sont totalement aboutis! Ils ont un talent extraordinaire. A un moment, les gens se sont décomplexés. Ceux qui aiment dessiner de manière figurative ont réalisé que le domaine où ils pouvaient s’exprimer, c’est la bande dessinée, plutôt que la peinture, où cela n’a plus tellement de sens maintenant – encore que la peinture figurative reviendra peut-être.

En plus, maintenant, on peut aussi travailler pour le cinéma ou les jeux vidéo. Le métier s’est émancipé, les gens n’ont plus peur de faire de la BD, d’essayer d’en vivre. L’accès aux éditeurs est plus facile qu’avant. Ensuite, c’est le succès qui fait qu’il y aura plusieurs albums ou un seul.

swissinfo: Comment s’est développée chez vous le goût du dessin?

D.K.: Depuis tout petit, comme chez la plupart des dessinateurs de BD. C’est une manière de raconter des histoires qui ne coûte rien, du cinéma bon marché. Ce qui m’a attiré, avant même le dessin, c’est de pouvoir raconter des histoires. Hergé a été mon premier modèle, puis tous les classiques, dont Peyo. «Johan et Pirlouit», c’est magnifique.

Nous nous arrêtons devant une case géante tirée de «Tintin au Tibet». Paysage blanc, et la carcasse de l’avion crashé.

Chez Hergé, lorsqu’on agrandit les cases, c’est encore plus beau. Il y a un équilibre du dessin qui est proche de la peinture. Une justesse totale de l’atmosphère. En une case, on a tout. Il n’y a pas de raison que ce type de dessin puisse se démoder: c’est complètement atemporel.

La promenade continue. Cap sur le 1er «Japan Manga Festival Geneva», organisé en marge du Salon du Livre, qui propose sur trois jours une vaste librairie, des gadgets, mais aussi des projections et des animations.

swissinfo: Le manga, successeur de la BD européenne ou univers parallèle?

D.K.: Ce sont deux univers différents. Les amateurs de manga ne lisent pas tellement de BD européenne, semble-t-il. Certains éditeurs tentent de faire le lien, mais cela reste des mondes assez distincts. Et le manga n’est plus un phénomène, c’est un genre installé, maintenant.

Personnellement, je n’accroche pas tellement, graphiquement surtout. Je disais que Hergé est indémodable, mais ce qui pourrait peut-être lui nuire, c’est qu’on s’aperçoit que les pages ont de moins en moins de cases, pour une question de confort de lecture. On en arrive à des planches qui ont 6-7 cases, ce qui implique des récits sur plusieurs centaines de pages.

swissinfo: Ou alors une autre relation entre le récit et son découpage…

D.K.: C’est aussi possible. Dargaud a publié récemment «Là où vont nos pères», un album de Shaun Tan, un dessinateur qui travaille aussi pour les Studios Pixar. Une BD sans texte, d’où un certain lien avec le manga. Mais graphiquement, c’est très différent. Si je devais recommander un livre, ce serait celui-là. Pour moi, c’est vraiment un chef d’œuvre absolu.

Interview swissinfo, Bernard Léchot à Genève

Le Salon international du livre et de la presse de Genève se tient jusqu’au 6 mai à Palexpo.

En marge de celui-ci se tiennent plusieurs autres événements: Salon africain, Europ’Art, Salon de l’étudiant, Japan Manga Festival.

– Daniel Koller né en 1963, à Genève. Il est autodidacte dans le domaine du dessin.

– Première publication dans le magazine «A Suivre» vers l’âge de vingt ans, sous le pseudonyme de Bader K. Puis, toujours dans «A Suivre», plusieurs publications sous son nom.

– En 2000, il publie «Honduras» (Les Tribulations de Luc Lafontaine) chez Casterman.

– En 2003 sort «La délégation terrienne», le 1er tome de «Mayam» suivi par «Les larmes du désert» en 2004 et «Les ruines de Dieu» en 2006, une série dont le scénario est signé Desberg.

– Mai 2007: Publication du tome 4, «June l’infiniment bon», début d’un nouveau cycle.

– Daniel Koller travaille actuellement sur un projet de série collective (plusieurs dessinateurs) sur un scénario de Desberg. Changement de registre: il s’agira d’un polar.

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