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Et pourquoi pas ‘un temps de chat’?

Si un temps peut être de chat, laissons au moins le jeu de quilles au chien! MHN/Alain Germond

Le Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel (MHN) met en scène les expressions animalières qui 'fourmillent dans notre langue’ et suggère d’en inventer d’autres.

A quoi ressemble la tête de la linotte ou le cri du putois? Réponses avec «Petits coq-à-l’âne ou le jeu des animaux et des mots», qui s’ouvre dimanche.

Une fois encore, le MHN devrait faire mouche avec sa nouvelle exposition, un voyage amusant et délicieusement zoologique.

Les expressions animalières: le thème est élémentaire, mais il fallait y penser… «C’est ma femme – elle est muséologue – qui a eu cette idée», avoue Christophe Dufour, directeur du MHN.

Ma langue au chat

Partant de là, l’équipe du musée a cherché à traduire visuellement ces expressions: un chien placé dans un jeu de quilles, une araignée collée au plafond, un bec cloué, etc.

Le visiteur est invité à deviner la locution qui se cache derrière la mise en scène. Certaines énigmes sont faciles à résoudre. D’autres demandent plus de connaissances du monde animalier.

Ici, un mouton fait pipi dans un champ… Euh, je donne ma langue au chat! «Il faut ‘laisser pisser le mérinos’, répond Christophe Dufour. On connaît peut-être l’expression, mais il faut aussi savoir que le mérinos est un mouton.»

Tête de linotte!

«Souvent, on utilise les expressions sans connaître l’animal, poursuit le conservateur. On dit, par exemple, ‘gai comme un pinson’, mais on ne reconnaîtrait pas son chant. Ou ‘pousser des cris de putois’. C’est très juste… Encore faut-il savoir à quoi ressemble le cri du putois.»

Et la tête de linotte, à quoi ressemble-t-elle? «La linotte est un petit oiseau légèrement teinté de rouge. Elle place son nid dans des endroits peu protégés, n’importe où en fait. Du coup, le succès des portées est assez faible. C’était bien observé pour définir une personne écervelée.»

La souris de l’ordinateur

Ma grand-mère, qui venait de la campagne et connaissait les locutions de la langue française par cœur, aurait été très douée à ce petit jeu… «L’observation à l’origine des expressions animalières est très fine. Certaines d’entre elles n’auraient pas pu naître en milieu urbain», ajoute Christophe Dufour.

«Aujourd’hui, elles sont pourtant utilisées, même par les citadins qui ne savent souvent rien de l’animal en question. J’ai l’impression qu’elles ont survécu ainsi parce qu’il y a un certain plaisir à évoquer les animaux desquels on est peut-être éloigné géographiquement.»

D’ailleurs, la présence de l’animal subsiste même dans une société artificielle et informatisée, fait remarquer le conservateur. «Il suffit de penser à la puce ou à la souris de l’ordinateur».

Du coq à l’âne

Pour comprendre certaines expressions, il faut parfois se replonger dans l’histoire. Ainsi le coq-à-l’âne n’évoque pas un mulet mais un… canard (‘Ana’ au Moyen Age).

L’expression ‘sauter du coq-à-l’âne’ fait donc allusion à une tentative de saillie d’un canard par un coq. «Ce qui n’est bien sûr pas très efficace, souligne judicieusement Christophe Dufour. Tout comme sauter du coq-à-l’âne».

L’équipe du MHN a également mis en scène des expressions plus récentes, comme ‘minute papillon!’

On apprend que celle-ci est née à Paris, en 1939, de la bouche d’un garçon de café qui s’appelait Papillon et disait sans cesse ‘Minute, s’il vous plaît!’.

«Ce qui est amusant, c’est de se demander pourquoi l’expression a subsisté, commente Christophe Dufour. Moi, j’y vois un lien avec l’histoire naturelle: le vol du papillon agité qui passe d’une fleur à l’autre. Je trouve que l’expression évoque bien ce mouvement.»

Ré-animaliser la langue française



Pour monter cette exposition, le Muséum d’histoire naturelle a travaillé avec l’éminent zoolinguiste Adrien Poisson. Sa thèse: il faut ré-animaliser la langue française.

«Sans les animaux, le français serait une langue terne, explique le scientifique dans une interview diffusée par le MHN. ‘Il pleut’ est une phrase plate, alors que si on dit: ‘il fait un temps de chien ou un temps à ne pas mettre un chien dehors’, ça prend de la substance.»

Adrien Poisson suggère aussi d’inventer de nouvelles expressions pour enrichir la langue. Il propose par exemple qu’on introduise l’expression: «il fait un temps de chat». Ce serait en quelque sorte l’inverse du temps de chien: beau et chaud.

«L’expression définit quelque chose de plus précis, ajoute Christophe Dufour. Elle évoque la première chaleur du printemps. Celle qui donne envie de s’étendre au soleil comme le chat se met devant la fenêtre dans la tache de lumière. Une belle expression qui, je l’espère, va conquérir le monde.»

swissinfo, Alexandra Richard

«Petits Coq-à-l’âne»: du 20 mars 2005 au 5 mars 2006 au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel (MHN)
Conception: MHN
Interview d’Adrien Poisson réalisée avec la collaboration de la Radio suisse romande.
Dans le rôle du zoolinguiste: Philippe Vuillemier

Quelques ouvrages consacrés à la place des animaux dans la langue française recommandés par le MHN:

– La puce à l’oreille: anthologie des expressions populaires avec leur origine, de Claude Duneton. Paris, Librairie générale française, 2003.

– Quand on parle du loup…: les animaux dans les expressions de la langue française, de Patricia Vigerie, Paris, Larousse, 2004

– Le bouquet des expressions imagées: encyclopédie thématique des locutions figurées de la langue française, de Claude Duneton. Paris, Editions du Seuil, 1990

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