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Famille dans la tempête

Une mère, un fils... et hors cadre, une fille. Image itrée du film Fragile

Avec Marthe Keller à l'affiche, «Fragile», le premier long métrage du réalisateur Laurent Nègre a été présenté dans le cadre du festival «Cinéma tout écran» à Genève. L'histoire forte d'un frère et d'une sœur qui, à la mort de leur mère, se déchirent faute de pouvoir s'aimer.

Elle fait des études de médecine, préfère les femmes et a la dureté revêche. Lui donne dans la sculpture, a une hypersensibilité d’artiste et la colère a fleur de peau. Ils sont sœur et frère, et, au cours de leur enfance et de leur jeunesse, ont manifestement accumulé des foules de griefs et des monceaux d’incompréhension mutuelle.

Un jour, leur mère (Marthe Keller) apprend qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle va préférer se suicider plutôt que d’infliger sa déchéance à ses enfants. La nuit qui précède son enterrement va représenter un paroxysme dans les relations qui séparent et unissent Sam (Felipe Castro) et sa sœur Catherine (Stefanie Günther).

Une intrigue simple qui laisse toute latitude à ces deux personnages durs et tranchants de passer par toute la gamme des sentiments – colère, tristesse, haine, et néanmoins, amour.

Avec son premier long métrage de fiction, Laurent Nègre signe un film tendu et touchant, féroce et pourtant positif. Avec en arrière-fond une ville de Genève formidablement cinématographique.

swissinfo: Pour votre premier long-métrage de fiction, vous décrochez une star, l’actrice bâloise Marthe Keller!

Laurent Nègre: J’avais vraiment envie qu’elle soit ce personnage, parce que c’est une comédienne que j’aime beaucoup. Avec le producteur, on a suivi le canal officiel: on lui a fait parvenir le scénario, elle l’a lu, et elle a répondu assez rapidement qu’elle voulait nous rencontrer.

C’est donc d’abord l’histoire qui l’a intéressée, et puis peut-être ensuite, mais ensuite seulement, la dimension ‘film suisse’ et ‘premier film’.

swissinfo: Vous êtes le réalisateur et le scénariste de «Fragile», un film qui tient tout entier sur les relations tendues d’un frère et d’une sœur…

L.N.: Ce qui m’intéressait, c’était une situation familiale. C’est quelque chose que j’affectionne particulièrement au cinéma. J’avais besoin d’un frère et d’une sœur très tranchés, très différents l’un de l’autre par rapport à une situation radicale. Une situation d’abandon – la perte de leur mère – qui allait permettre de voir comment ils allaient se construire ou se détruire l’un face à l’autre.

swissinfo: Peut-on aborder une telle intrigue sans avoir une implication personnelle dans la thématique?

L.N.: Ce film n’est pas autobiographique. Même si l’écriture passe nécessairement par des choses qu’on a vécues, des gens auxquels on pense. Lorsqu’on écrit une fiction, on part souvent dans l’extrême pour revenir à des choses plus simples. On fait grossir le truc pour le faire maigrir ensuite!

Dans la fiction, on peut se permettre beaucoup de choses. Cela ne veut pas dire pour autant qu’on se raconte soi-même. J’ai une imagination qui me permet de me soulager, ou de me planquer. Je prends une étincelle, quelque chose qui peut être un détail dans ma vie, et cela devient le centre d’une histoire qui devient un film.

swissinfo: Comment les deux jeunes comédiens, Felipe Castro et Stefanie Günther, sont-ils entrés dans l’histoire?

L.N: Le scénario était relativement écrit avant qu’il ne soit confronté aux comédiens. Puis on a fait pas mal de répétitions. Et un comédien donne immédiatement une autre dimension à un personnage… quand c’est le bon! Il se l’approprie, il intervient avec son style et ses mots. Les dialogues n’étaient pas rigides, j’étais content que les acteurs s’y impliquent.

swissinfo: On a le sentiment que vous avez eu un vrai plaisir à filmer Genève, ses coins connus ou moins connus…

L.N.: Effectivement. Je pense que c’est une ville qui a un potentiel cinématographique très grand. Mais ça prend du temps, de prendre de la distance avec les choses qu’on connaît.

Genève, c’est même une ville que j’aimerais bien continuer à montrer sous d’autres angles. De plus en plus, je vois des lieux que j’ai envie de filmer par rapport à des scénarios que j’ai en tête. Filmer Genève, j’espère que c’est un rapport qui va durer… Dans ce film, j’aimais bien le côté glacial et nocturne que cette ville peut avoir parfois.

swissinfo: Vous êtes même parvenu à faire du Jet d’eau, élément carte postale s’il en est, un temps fort et dramatique du film… Mais on ne peut pas en dire plus.

L.N.: C’est une idée un peu perverse et loufoque. Une idée qui est venue un jour, simplement en regardant la machine se mettre en marche. ..

swissinfo: Laurent Nègre, comment voyez-vous l’avenir de «Fragile»?

L.N.: Il y aura une sortie en salles, en Suisse romande, en février 2006. Puis en Suisse allemande si tout va bien, puis après on verra…

C’est essentiel que le film arrive à aller dans les salles. Cela ne garantit rien du tout, mais c’est symboliquement important, par rapport à la suite. Et aussi parce que c’est important, à un moment, de se retrouver face au public qui va voir votre film au cinéma comme il irait voir n’importe quoi d’autre. On a énormément besoin de sentir le retour du public, et d’avoir son opinion.

Le 11ème festival «Cinéma tout écran» se tient à Genève jusqu’au 6 novembre, à la Maison des Arts du Grütli et dans diverses autres salles de cinéma.
Avec une programmation axée sur des films souvent politiques, la manifestation continue de construire un pont entre production télévisuelle et cinématographique.
Le festival dispose d’un budget de 1,4 million de francs.

Laurent Nègre:

– Après des études de Lettres à Genève, Laurent Nègre s’est formé en photographie à Bruxelles, puis en direction de la photographie à Barcelone, avant d’obtenir en 2002 le Diplôme de l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Genève, section cinéma.

– Il a réalisé des courts-métrages, des clips, des films documentaires («Polar Tango», 2002).

– Son premier long métrage de fiction, «Fragile», avec notamment Marthe Keller, Felipe Castro, Stefanie Günther, est présenté à Genève dans la section «Perspectives».

– C’est une production indépendante (Bord Cadre Films) coproduit minoritairement par la TSR. Il a été déjà présenté au Festival des films du monde de Montréal.

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