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«Notre modèle ne fonctionne pas sans stars»

Le ministre de la Culture Alain Berset était entouré de Nadine Strittmatter (à droite) et de Melanie Winiger à l’occasion de l’ouverture officielle du 9e Festival du Film de Zurich. Keystone

Harrison Ford, Hugh Jackman, Michael Haneke sont les stars du 9e Festival du film de Zurich. Nouveauté cette année, le festival collabore avec son homologue espagnol de San Sébastian. Pour le directeur artistique Karl Spoerri, cette solution est porteuse d’avenir.

Personne – et en particulier pas les villes de Locarno et de Soleure, siège de festivals traditionnels –  ne s’attendait à un nouveau festival, lorsqu’en 2005, à l’âge de 32 ans, Nadja Schildknecht et Karl Spoerri ont fondé leur propre entreprise avec le Festival du film de Zurich (ZFF).

Trop de glamour, trop peu de contenu, déploraient les critiques. En fait, pour cette 9e édition aussi, le facteur glamour est particulièrement présent, malgré l’objectif à court et moyen terme de «croissance à petits pas» des promoteurs. Mais à long terme, le ZFF aspire à se rapprocher des plus grands festivals, comme Sundance, Toronto et San Sébastian, indique Karl Spoerri.

swissinfo.ch: Qu’est-ce qui vous réjouit le plus dans cette 9e édition de votre festival?

Karl Spoerri: Les nombreux fans de cinéma enthousiastes qui se confrontent à notre sélection de films. Et les plus de 450 invités du monde entier que nous accueillons.

Cette 9e édition dure du 26 septembre au 6 octobre. Le budget est passé de 5,7 millions de francs l’an dernier à 6,1 millions.

122 films provenant de 27 pays, parmi lesquels 16 premières mondiales, seront présentés. 

Parmi les stars, on compte les acteurs Harrison Ford, Hugh Jackman, James McAvoy et Melissa Leo, le réalisateur Michael Haneke, ainsi que les producteurs Harvey Weinstein et Tim Bevan.

Le jury du concours sera présidé par le réalisateur suisse Marc Forster.

Le ZFF compte 15 employés fixes, 37 collaborateurs à temps partiel et 280 volontaires.

swissinfo.ch: La réputation de «festival que personne n’attendait» colle toujours au ZFF. Quelle plus-value culturelle votre manifestation a-t-elle apportée au paysage cinématographique suisse depuis 2005?

K. S.: C’est plutôt devenu de la rhétorique. Les plus de 60’000 festivaliers le montrent clairement. L’intérêt grandit chaque année et beaucoup de projections sont à guichet fermé longtemps avant d’avoir lieu.

Nous prenons notre mission culturelle très au sérieux. Il y a chaque année de très bons films qui ne trouvent pas d’écran, parce qu’ils ne correspondent pas à la tendance dominante et parce que la pression des exploitants de salle est trop forte.

Le festival va à la rencontre de ces films et ouvre pendant 11 jours un univers cinématographique qui n’est pas d’abord soumis à des impératifs commerciaux. Le festival du film devient aussi de plus en plus pertinent pour les distributeurs.

swissinfo.ch: Les spécialistes jugent la qualité du programme excellent. Pourtant, dans les médias, le programme reste éclipsé par la traditionnelle offre en stars. Etes-vous victime de votre propre stratégie?

K. S.: Je ne dirais pas ça. Pour moi, c’est un problème général. Les médias, même les plus sérieux, s’intéressent de nos jours surtout aux stars et moins aux thèmes proposés. Si nous n’avions pas de stars, ils ne parleraient pas du tout du festival.

Nos partenaires, qui financent en grande partie le festival, attendent une grosse couverture médiatique en contrepartie de leur engagement. C’est un modèle économique pour lequel nous avons besoin des deux aspects.

swissinfo.ch: Qu’attendez-vous de la coopération avec le renommé Festival de San Sébastian, qui a lieu presque en même temps?

K. S.: C’est un complément précieux pour notre réseau, car nous avons un échange constant à propos des contenus des films ainsi que des délais de production. Dans le milieu du cinéma, on raconte beaucoup de choses, dont des fausses. Il est donc utile de collaborer pour observer ensemble ce qui se passe.

C’est également intéressant d’un point de vue financier, vu que nous pouvons nous partager les frais. Par exemple pour le vol de Hugh Jackman depuis les Etats-Unis ou celui de Jia Zhang-Ke, le réalisateur de A Touch of Sin, depuis Shanghai. C’est une situation gagnant-gagnant, car les réalisateurs et les distributeurs obtiennent de leur côté un accès à deux marchés importants, l’hispanophone et le germanophone.

Selon moi, les coopérations sont porteuses d’avenir pour les festivals. Le «sharing» n’est pas un modèle limité aux réseaux sociaux, mais s’applique aussi au monde des affaires. 

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swissinfo.ch: Parlons des récompenses: ne risquent-elles pas de perdre de leur valeur, vu qu’elles sont distribuées de manière «inflationniste» par chaque festival?

K. S.: Pour nous, les récompenses sont l’expression d’une reconnaissance et sont liées à un moment de joie. Et les festivaliers, qui sont aussi des fans, peuvent ainsi voir leurs stars préférées de près. Il suffit d’acheter un billet pour être présent.

Mais il ne faut pas non plus prendre la chose trop au sérieux. Nous ne remettons pas le Prix Nobel…

swissinfo.ch: Vous projetez cette année de très nombreux films suisses. Est-ce parce que la qualité est en hausse, parce que Zurich les a découverts ou s’agit-il simplement de films qui n’ont pas été sélectionnés à Locarno?

K. S.: Même à Locarno, il y a beaucoup de films suisses. Cela dépend toujours du moment où le film est terminé et de la stratégie du distributeur. Nous avons toujours accordé une importance toute spéciale aux productions suisses.

swissinfo.ch: Pensez-vous être pris suffisamment au sérieux par la Confédération? Cette année, l’Office fédéral de la culture a placé le ZFF dans la liste des festivals «à succès» et a fait passer sa contribution de 110’000 à 150’000 francs.

K. S.: Nous sommes heureux de figurer désormais sur cette liste. En ce qui concerne la subvention, nous continuons à avoir le sentiment de ne pas être considérés au niveau qui est réellement le nôtre. Mais il faudra manifestement un peu plus de temps.

swissinfo.ch: Votre ambition, à court et moyen terme, est «une croissance à petits pas». Qu’est-ce que cela signifie concrètement?

K. S.:  Nous voulons une croissance organique avec notre public et nos partenaires. Tout le reste ne conduit pas au succès. Si on gonfle trop une structure, elle risque d’exploser.

Le ZFF récompense les meilleurs films avec le Golden Eye Award.

Harrison Ford et Hugh Jackman se verront respectivement attribuer le Lifetime Achievement Award et le Golden Icon Award 2013.

Le Career Achievement Award pour les producteurs sera attribué cette année à Tim Bevan et Eric Fellner (Parmi leurs productions, citons: Quatre mariages et un enterrement, Fargo, Le grand Lebowski et Notting Hill).

Pour la première fois, le Petit Golden Eye sera attribué au meilleur film pour enfants.

swissinfo.ch: Quels sont les objectifs à long terme. Une montée dans la ligue A des festivals? Zurich dispose certainement des infrastructures nécessaires…

K. S.: Nous aimerions être un jour comparés aux festivals de Sundance, Toronto ou San Sébastian. Pour nous, il est important de toujours garder cet objectif à l’esprit. Mais la route est encore longue. Nous nous fixons donc des objectifs réalistes.

Nous sommes ambitieux et voulons progresser. Plusieurs représentants de la branche, qui font la tournée des festivals, nous ont inclus sur leur programme avec Toronto et San Sébastian. Pour nous, c’est déjà un beau succès.

Parmi les films suisses présentés à Zurich, citons Neuland d’Anna Thommen et Traumland de Petra Volpe.
 
Le réalisateur confirmé Markus Imboden participe avec Am Hang, une adaptation cinématographique du roman à succès de Markus Werner.

 
Xavier Koller, détenteur d’un Oscar, est présent en première mondiale avec Die schwarzen Brüder.

(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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